Il faut sauver les studios de Bry-sur-Marne

8122014

 

Il faut sauver les studios de Bry-sur-Marne

https://www.facebook.com/sauvonslesstudiosdebry?fref=ts

“Pour le maintien en activité du meilleur studio de France.”

Certes, l’ADC et le MAD vous ont en début d’année sollicité pour soutenir notre volonté de maintenir l’exploitation des Studios de Bry sur Marne ! Il faut absolument continuer à dénoncer cette perte irréversible qui aura des conséquences importantes pour la fabrication de nos films et la possible relocalisation des tournages en France.

Vous pouvez partager et “nourrir” cette démarche sur :https://www.facebook.com/sauvonslesstudiosdebry
twiter sur :https://twitter.com/sauverBry/with_replies

Objectifs de cette pétition :

1. Empêcher la possible démolition des Studios de Bry-sur-Marne.
2. Créer une synergie pour le rachat et le développement de ces studios.
3. Maintenir l’activité location du stock de meubles et accessoires au
sein du studio.

Les Studios de Bry-sur-Marne sont un outil industriel de haut niveau
technique, conçu et construit pour accueillir aussi bien des
productions de fiction que des émissions télévisées.
Ces plateaux sont toujours remplis.
Aucun des sites censés le remplacer n’est comparable.
Il est doté d’atouts uniques en France pour la création
cinématographique et audiovisuelle. La superficie du terrain offre un
fort potentiel de développement.

Alors que la mise en place du crédit d’impôts commence à porter ses
fruits en ce qui concerne les relocalisations, il est vital pour
l’industrie du cinéma et de l’audiovisuel de conserver des
infrastructures pour les tournages, comme les Studios de
Bry-Sur-Marne.

Les promesses de développement des Studios de Bry-sur-Marne lors de
leur rachat en 2001 par Euromedia n’ont jamais été tenues.
Le désengagement du groupe Euromedia des studios de fiction français ne
doit pas entraîner la disparition d’un outil de travail performant,
indispensable à la profession, dans un pays positionné comme le
premier producteur d’Europe.

Fermement opposés à la disparition programmée des studios, nous,
professionnels du cinéma, appelons à leur reprise.

Nous appelons à un projet ambitieux :
- L’exploitation du potentiel de ses studios par la construction de
nouveaux plateaux, et de bâtiments complémentaires pour accueillir des
activités partenaires du cinéma et de l’audiovisuel (jeux video,
prestataires…).
- La mise à niveau des installations existantes.
- Le maintien de l’activité de location de meubles et accessoires,
dont la présence au sein des studios représente une offre de service
qualitative.

Consultée, la Mairie de Bry-sur-Marne s’est déclarée attachée au
maintien et au développement de ce site.

Nous souhaitons fermement la prise de mesures favorisant l’émergence
d’un pôle Cinéma et Audiovisuel à la hauteur des ambitions affichées
par le gouvernement “pour une industrie cinématographique et
audiovisuelle forte”.

Faire disparaître ces studios est :

Une erreur stratégique pour notre industrie du cinéma et de
l’audiovisuel car c’est détruire l’outil le plus performant de France.

Une erreur politique dans un pays qui se revendique comme le “fer de
lance” de la cinématographie européenne.

Il est encore temps avec le soutien de tous de sauver ces studios !

Vous pouvez réagir et “nourrir” cette démarche sur  :https://www.facebook.com/sauvonslesstudiosdebry

L’Association des Chefs Décorateurs de Cinéma (ADC),
L’Association des Métiers associés de la Décoration (MAD)
Ils nous soutiennent :
L’Association des Directeurs de Production (ADP)
L’Association Française des Assistants-Réalisateurs de fiction (AFAR)
L’Association Française des Directeurs de la Photographie Cinématographique (AFC)
L’Association Française du son à l’image (AFSI)
L’Association Française des régisseurs (AFR)
L’Association Française des Accessoiristes de Plateau (AFAP)
L’Association Française des costumes cinéma et Audiovisuel (afcca)
La société des réalisateurs de films ( SRF)
Groupe 25 Images, association de réalisateurs de films de télévision
L’ARP Société civile des Auteurs-Réalisateurs-Producteurs.
L’UDS Union des Scénographes
L’ AAFA Actrices Acteurs de France Associés




Cinéma : 2014, année chaotique ?

10022014

Actualités professionnelles | 09/02/2014

Pour libération NEXT cinéma
Article de Didier PÉRON, Bruno ICHER et Julien GESTER 7 janvier 2014
http://next.liberation.fr/cinema/2014/01/07/2014-annee-chaotique_971174

Alors que 2013 fut émaillée de polémiques et de dissensions, le cinéma français a rendez-vous avec une flopée de dossiers inflammables.

En 2013, la famille cinéma français s’est jeté tout le vaisselier à la figure en poussant des hurlements. Tout le monde s’est écharpé sur la question de l’adhésion ou non à la convention collective. Qui est « riche » ou « pauvre », de « gauche » ou de « droite », « vendu au système » ou « libre dans sa tête », les débats houleux révélaient partout des lignes de fractures nouvelles, des incompréhensions, des haines de classes, des rancœurs interprofessionnelles se sont exprimées. Un désordre indescriptible qui, en 2014, ne devrait pas se calmer.
Sur le même sujet

Dès aujourd’hui, René Bonnell y va de sa petite contribution au bain à remous et remet son rapport intitulé « Le financement de la production et de la distribution cinématographiques à l’heure du numérique ». Personne n’est censé l’avoir lu, surtout pas les nombreuses personnalités ayant été auditionnées. En annexe du rapport Bonnell, un autre rapport dit « Ferran » – même si la cinéaste Pascale Ferran réfute cette appellation nominative pour ce qui est le résultat d’un travail de groupe à 19 intervenants, producteurs, réalisateurs, techniciens – est attaché. Entre les deux rapports, il semble qu’il y ait de fortes incompatibilités de points de vue et un des membres auditionnés raconte que les divergences entre les individus étaient si spectaculaires qu’à un moment donné Bonnell, renonçant à trouver un consensus, s’est enfermé tout seul pour écrire ses propositions à titre personnel. On nous assure que ce ne sera pas mou et qu’il y aura de vifs débats. Le rapport est là de toute façon pour entériner le déficit chronique d’un secteur pourtant florissant et très encadré par les pouvoirs publics et pour anticiper des solutions face à la révolution en cours de l’intégralité du secteur des images (cinéma, télé, Net) avec le tout numérique. Libération a cherché à localiser quelques-uns des points chauds qui peuvent prendre feuen 2014.

La convention collective, Saison 2

L’interminable accouchement de la convention collective du cinéma français, en 2013, a laissé des traces. Après des mois de dures négociations entre syndicats de techniciens et de producteurs, le nouveau texte est entré en vigueur à l’automne, fixant les barèmes stricts de salaires pour l’ensemble des productions françaises, avec deux exceptions. D’une part, les films à moins de 3 millions d’euros de budget, qui peuvent bénéficier d’une dérogation dans les cinq ans à venir. Dans ce cadre, ces projets pourront être montés en minorant la masse salariale. Seconde exception, les films à très petits budgets, de moins d’un million d’euros, qui n’entrent pas dans le cadre de la convention, les salariés étant soumis au seul droit du travail. En marge de l’accord trouvé en octobre par tous les partenaires, l’ensemble de la profession dispose désormais de six mois pour trouver un accord sur ces films à petits budgets qui bénéficient de peu d’aides publiques.

Ce ne sera pas son seul chantier. Du côté des producteurs et distributeurs, la convention collective est assimilée à une certitude de voir les coûts des films augmenter. Brahim Chioua, directeur général de Wild Bunch, est direct : « Aujourd’hui, la convention collective va renchérir les coûts sans que personne ne sache comment diversifier des recettes, d’autant que les chaînes de télévision ont tendance à moins investir dans le cinéma. La hausse de la TVA qui touche Canal va nécessairement avoir un impact sur ses engagements. » Sylvie Pialat, productrice heureuse de l’Inconnu du lac d’Alain Guiraudie, renchérit : « Je pense que la convention collective, dans les faits, c’est une tuerie à appliquer quand on sait comment se monte un film d’auteur. Sur le prochain film de Joachim Lafosse qui va se tourner au Maroc, j’estime déjà à 800 000 ou 1 million d’euros de surcoût l’application des nouveaux barèmes de salaires. »

Financements très Concentrés

« Vite. » Le mot apparaît souligné en clôture du long préambule du rapport Ferran – que Libération s’est procuré -, voué à répondre à l’urgence de l’état du financement du cinéma d’auteur en France par un feu nourri de propositions. Le sinistre état des lieux reconduit la plupart des discours les plus alarmistes proférés depuis plus d’un an, tant par le fameux pamphlet de Vincent Maraval que par les tribunes de producteurs de films dits « de la diversité » sur un mode moins polémique, avec notamment le sous-financement chronique de la part la plus créative du cinéma français et le désinvestissement presque total des chaînes de télévision dans le renouvellement des talents : « On sort d’une année extrêmement inquiétante, résume Thomas Ordonneau, producteur et distributeur via sa société Shellac. On a le sentiment d’un mouvement inéluctable des richesses, pouvoirs, écrans, spectateurs et financements vers de moins en moins de films. Un mouvement plus ou moins accompagné par l’immobilisme des instances de régulation et des pouvoirs publics, comme si l’on voulait simplifier le marché, le réduire, au détriment de la production la plus fragile, qui se trouve être le laboratoire de la création. »

« Mais il faut pourtant arrêter de dire que le cinéma français est sous-financé, car le vrai problème réside dans le fait que l’argent est incroyablement mal réparti. Beaucoup des films récents qui font dire qu’il y a un cinéma d’auteur de qualité en France appartiennent à une économie dans un état de paupérisation extrême, précise Nicolas Anthomé, de Bathysphère productions et membre du collectif « du 109 » qui fédère de jeunes producteurs indépendants. Les premiers films ambitieux, ceux qui inventent des nouvelles formes, forment des techniciens, révèlent des talents, ceux-là peinent à rassembler des budgets dérisoires. » Pour inverser la tendance, le rapport Ferran suggère notamment une réforme du fonds de soutien, de l’avance sur recettes et du crédit d’impôt ; la renégociation de directives bruxelloises qui limitent le financement public des films en France à 60% (ce qui pénaliserait doublement les productions les plus pauvres, boudées par les investisseurs privés) ; une obligation de France Télévisions à investir dans des films soit à budget pondéré (ou « solidaire », comme le labellise le rapport), soit portés par de jeunes réalisateurs ; l’extension de la clause de diversité de Canal + aux fameux « films du milieu » chers à Pascale Ferran, a priori les plus mis à mal dans leur économie par les barèmes de rémunération imposés par la convention collective – les films à très bas budget, à moins d’un million d’euros, bénéficient, eux, d’un moratoire, « par définition provisoire, sans qu’aucune disposition plus pérenne soit à l’ordre du jour », déplore Nicolas Anthomé.

Mais le constat le plus saumâtre, qui fédère toutes les indignations, tient à la polarisation croissante des investissements autour de la minorité de productions à plus de 7 millions, ces fameux films dits « du marché » qui, paradoxalement, sont les moins tributaires des remontées de recettes et pour lesquels « la rentabilité du film devient trop souvent presque secondaire, producteur et acteurs ayant été très bien rémunérés dès la mise en production », grince le rapport. Une opulence pointée comme néfaste non seulement à l’équilibre global de la production, mais aussi à la qualité même de tels films« presque trop faciles à financer par les télévisions privées sur le seul nom des acteurs vedettes, indépendamment de la qualité ou de l’aboutissement du scénario, du talent du réalisateur, du soin apporté à la fabrication du film, etc. » Dans une tribune parue dans le Monde en octobre (« Le cinéma français en danger »), le collectif du 109 donnait l’exemple de 100% Cachemire, de Valérie Lemercier, « qui a réussi le tour de force d’avoir six chaînes de télévision en pré-achat : C +, Ciné +, France 2, France 4, M6 et W9. Facile d’arriver à 15 millions de budget ». Un degré de concentration des subsides télévisuels – sans évoquer les autres leviers de financement privé – qui appelle la nécessité d’un encadrement, comme le suggère un producteur indépendant, qui n’a pas souhaité être nommé : « Tandis qu’il suffirait souvent quelques centaines de milliers d’euros seulement à ce que les œuvres les plus stimulantes se conçoivent dans des conditions raisonnables, une minorité de productions aspire une part délirante des investissements, sans que l’on parvienne à se figurer en regardant certains films comment l’argent a pu être dépensé. En vérité, il y a très peu de projets qui justifient véritablement par leur coût de fabrication un budget supérieur à 6 millions d’euros. » Depuis son poste de patron du cinéma à Arte, Olivier Père observe que « le désengagement de certaines chaînes vis-à-vis du cinéma d’auteur fait qu’Arte devient l’interlocuteur privilégié de certains projets qui, auparavant, ne nous étaient pas soumis. J’ai pu constater une qualité considérable de l’offre, en nette hausse, ce qui ne bouleverse en rien notre intérêt pour un certain type de cinéma, des films qui opposent à la surenchère des budgets celle des d’ambitions de mise en scène. Notre enveloppe est modeste, mais elle a l’avantage d’être stable. »

l’exploitation arrivée à saturation

Avant, disons depuis une dizaine d’années, la sempiternelle rengaine de lamentations des créateurs et distributeurs de films d’auteur fragiles déplorait l’inexorable contraction de la durée de tels films en salles. Une contraction au détriment de carrières portées par un bouche-à-oreille si précieux à des prototypes peu visibles dans les médias majoritaires et pauvres en moyens de promotion. Mais ça, c’était avant. Aujourd’hui, c’est dès la veille de la sortie que l’on entend les mêmes grogner, non plus pour des questions de maintien en exploitation, mais du fait de la difficulté croissante de l’accès aux salles, plus embouteillées que jamais par la cadence hystérique des sorties et trustées par des programmations toujours plus uniformes.

Paradoxe de surface, le territoire français n’a pourtant jamais compté tant d’écrans (près de 5 500). A la concentration des financements répond une autre forme de concentration délétère à l’autre extrémité de la vie des films, ainsi que le relève le rapport Ferran, du fait de la quasi-absence de régulation du secteur de l’exploitation. « Il y a de moins en moins de succès surprises, et il devient très difficile de faire éclore des cinématographies et des auteurs », déplore Stéphane Libs, qui dirige les deux seuls cinémas d’art et d’essai du centre-ville de Strasbourg à avoir survécu au carnage consécutif à la prolifération des multiplexes voilà quinze ans – situation analogue à celle de la majorité des grandes villes de province. « Les gros distributeurs fonctionnent de plus en plus par des plans de sortie très verrouillés, très sclérosants, qui freinent la diversité en dehors des grands centres urbains, si bien que s’opère une forme de clivage sociologique. Et même dans les plus grandes villes, la concurrence est très cruelle. » Dans le même temps, l’inflation du nombre de sorties hebdomadaires ne facilite pas le travail des programmateurs, même de bonne volonté. « Cela devient de plus en plus compliqué de tout voir, de faire notre marché, si bien qu’il y a pas mal d’exploitants qui y renoncent, alors que c’est, à l’origine, un métier de passeur, fondé sur la curiosité. Surtout, on voit paraître chaque semaine en salles deux ou trois films dont on se dit que ce n’est pas du cinéma, des films à sujets plus ou moins destinés à des publics de niche. Sans parler du hors programme, qui truste aussi de plus en plus d’écrans, avec des opéras, des concerts de Justin Bieber ou des visites du Louvre. Or, l’un des boulots des salles d’art et d’essai, c’est de stimuler toujours sur l’élément cinématographique, la cinéphilie, le rapport à l’image. S’il y a encore une chose qui singularise une salle d’art et d’essai d’un multiplexe bien programmé qui ferait de la version originale, c’est bien ça. » Du côté des distributeurs, on déplore la manière dont les collectivités locales ont lâché les salles indépendantes face à des multiplexes que les municipalités s’arrachent comme un nouveau centre sportif ou l’ouverture d’un magasin H&M, au point désormais de se cannibaliser entre eux.

Les nouveaux grands méchants loups du numérique

Le cinéma doit de plus en plus composer avec les offres complémentaires ou concurrentes, des séries télé aux jeux vidéo. Mais ce qui inquiète le plus les professionnels, c’est l’arrivée possible à l’horizon 2014 (à l’automne ?) de la plateforme d’abonnement de vidéo à la demande, Netflix (40 millions d’usagers environ et une courbe de croissance affolante). Depuis sa base européenne au Luxembourg, le site étudie les conditions de son entrée sur le marché français. La chronologie des médias (c’est-à-dire les différentes fenêtres de diffusion des films depuis la salle jusqu’aux chaînes payantes et aux DVD) n’est actuellement pas favorable à Netflix, car il faudrait au site attendre trente-six mois entre la sortie en salles et le droit de proposer le film à ses clients. Le rapport Lescure proposait une réduction de ce temps d’attente à dix-huit mois, mais une partie de la profession est vent debout contre cette idée : elle fragiliserait Canal + qui, par ses obligations d’investissement historique dans le cinéma, demeure l’acteur cardinal du secteur. Comme l’explique le producteur Denis Freyd, « jusqu’à présent, nous discutions avec les chaînes dont le périmètre était localisé, ayant leur siège social en France. Si demain, c’est Netflix ou d’autres mastodontes américains qui redistribuent une partie des cartes, avec des stratégies internationales très offensives et hors Hexagone dans leur implantation, il faut voir comment on encadre ces arrivées en termes de chronologie des médias et d’investissement dans la création ».

Didier PÉRON, Bruno ICHER et Julien GESTER




L’auto-interview du Bureau de l’ADC, 2 jours après le lancement de sa pétition.

9012013

L’auto-interview du Bureau de l’ADC, 2 jours après le lancement de sa pétition. logoadc   L pétition a déjà recueilli plus de 2000 signatures!

Actualités professionnelles | 08/01/2013

Bonjour, pour commencer, racontez-nous pourquoi vous avez lancé cette pétition ?

Bureau ADC : Il ne vous aura pas échappé que depuis la déclaration de notre Ministre de la Culture qui a annoncé une probable extension de la Convention collective (CC) dite API, un torrent d’articles, d’interviews, d’analyses et de commentaires inonde les médias.
On a tout lu, tout entendu, parfois le meilleur et bien souvent le pire.
Et les rares fois où les techniciens sont mentionnés, ce n’est pas pour reconnaître leurs compétences, leur expertise, leur professionnalisme ou leur productivité … non, quand on parle de nous c’est pour expliquer que nous sommes trop « chers ».
Nous devions donc réagir pour nous faire entendre et tordre le cou aux lieux communs et idées reçues, aux inexactitudes et aux dénigrements lus ou entendus. C’est le fond de notre démarche.
Pour ce qui est de la forme, dans la cacophonie médiatique ambiante, nous avons jugé qu’il serait contre-productif d’écrire une Nième lettre ouverte qui, si elle avait été publiée, aurait été oubliée aussi vite qu’elle aurait été lue.
Nous ne voulions pas alimenter les polémiques stériles et voulions nous faire entendre sur des sujets qui nous semblent primordiaux pour nos métiers …

Vous vouliez éviter la polémique, pourtant vous n’êtes pas tendres avec les producteurs …

Bureau ADC : Pas du tout ! Nous travaillons tous les jours avec des producteurs, et à de rares exceptions, notre collaboration se passe toujours très bien.
Nous n’attaquons pas les producteurs, nous nous permettons juste de « remettre l’église au milieu du village » :
Un producteur assure et assume le financement d’un film, c’est son choix, son rôle et sa responsabilité.
Il n’y a rien d’offensant à dire cela !
De même qu’il n’y a rien d’offensant à dire que les techniciens et ouvriers sont engagés – par le producteur – pour participer à la fabrication d’un film, pas pour le financer !

Que voulez vous dire, précisément ?

Bureau ADC : On nous explique que le cinéma français est trop cher.
Trop cher par rapport à quoi ?
Nous savons tous que beaucoup des films produits ne sont pas rentables, il rapportent moins qu’ils ne coutent.
Bref, certains producteurs nous expliquent que la solution, pour faire baisser les coûts de fabrication d’un film, serait de diminuer les salaires des ouvriers et techniciens… Ca fait des années que se font des films payés jusqu’à « à-50% », qui n’en sont pas bénéficiaires pour autant.
C’est une solution inique et inefficace !
Toutes les études s’accordent à dire que la masse salariale des ouvriers et techniciens représente moins de 20 % du budget global d’un film, quelque soit le budget du film. Qu’un film coûte 2 millions d’euros ou 100 millions, notre masse salariale ne dépasse jamais 20 % du budget global.
Nous disons que, par principe, on ne fabrique pas ce qu’on a pas les moyens de financer.
Donc si un producteur prend la décision de produire un film (ce qui est son choix, personne ne l’obligeant) et qu’il n’a pas les moyens de le financer, alors qu’il se débrouille pour trouver les économies dans les 80% du budget qui ne concerne pas nos salaires (ou dans une réécriture de scénario moins onéreux.)
Vous remarquerez que contrairement à la mode actuelle nous n’attaquons aucune catégorie professionnelle de notre secteur.
Nous connaissons assez bien notre monde professionnel pour savoir qu’il ne se résume pas aux exceptions, nécessaires, dont les noms ont été jetés en pâture.
Vous remarquerez aussi que nous ne pleurons pas sur notre quotidien même si, en tant que chefs de poste, nous travaillons, en moyenne, au bas mot 60 heures par semaine, payées 39 …

Oui, oui mais revenons au sujet des salaires et du financement. Il nous a semblé que les producteurs dont vous parlez ne proposent pas vraiment de diminuer vos salaires, ils proposent de diviser les salaires en deux parties : une partie payée normalement et une partie « investie » dans le film, ce n’est pas tout à fait la même chose ?

Bureau ADC : Oui et non. Notre réponse précédente abordait la question du principe.
Soit j’ai les moyens de financer le projet que je décide de lancer, soit je me débrouille pour trouver le financement, soit je ne fais pas ce projet.
C’est ce que nous voulons dire quand nous disons : nous refusons que nos salaires soient la variable d’ajustement des budgets.
Chacun son métier, chacun ses responsabilités !
Mais revenons à votre question … la mise en participation d’une partie de nos salaires …
Quelle blague ! ! Parmi ceux qui proposent cette solution, nombreux sont ceux qui, depuis des années, pratiquent déjà « la mise en participation » des salaires des techniciens et ouvriers qui l’acceptent.
Qu’ils nous disent combien de fois ils ont pu verser cette fameuse participation …
Ce système est déjà pratiqué et tout le monde sait qu’il ne fonctionne pas, pourquoi fonctionnerait-il mieux demain ?
Que les producteurs qui proposent cette solution nous donnent les vrais chiffres de leurs productions sur les cinq dernières années … nous verrons vite celles qui sont bénéficiaires !
Derrière cette sorte d’« arnaque », il y a une question de fond qui mérite là encore qu’on remette « l’église au milieu du village ».
Réfléchissons deux minutes à cette proposition … les techniciens et ouvriers investissent une part de leurs salaires dans le financement d’un film … Si tant est que cette proposition ait un sens, elle ne pourrait être que le résultat d’un choix consenti par chacun. Si cela devenait une obligation, nous serions en dehors du principe « à travail égal, salaire égal ».
Admettons donc que des techniciens et ouvriers choisissent d’investir la moitié de leurs salaires dans le financement d’un film … ils deviendraient alors, de fait, coproducteurs du film.
Et comme tous coproducteurs, ils auraient leur mot à dire sur la manière dont leur investissement est utilisé.
Ils devraient pouvoir participer au choix du scénario, au choix du casting, ils devraient valider ou non le budget global du film …
Et pourtant ce n’est pas ce que nous proposent les producteurs qui soutiennent cette proposition.
Ils n’envisagent pas de partager leurs prérogatives, ce que nous pouvons très bien comprendre.
Ils veulent juste nous payer moins cher en nous promettant un intéressement sur des bénéfices qu’ils ne feront jamais … C’est le beurre, et l’argent du beurre !
Donc, une fois encore, chacun son métier, chacun ses responsabilité.
Nous sommes des techniciens et des ouvriers pas des financeurs ni des pigeons … si on doit participer au financement, d’une manière ou d’une autre, qu’on participe aussi aux décisions liées à notre investissement !

Les syndicats de producteurs opposés à la CC API disent que son extension pourrait faire disparaître 60 à 70 films « de la diversité » par an, qu’en dites vous ?

Bureau ADC : Deux remarques préliminaires, pour commencer :
1°) Si le terme diversité peut avoir un certain charme, il n’est pas en rapport ni en accord avec les films que vous évoquez.
Il est plus juste de parler de films « sous-financés ».
Ils n’ont rien de divers, tous les films sont divers, par définition, ces films sont simplement produits avec moins d’argent qu’il n’en faudrait)
2°) D’après le CNC, Il a été produit 240 films en 2012… Bien que cela ne soit pas tout à fait notre rôle, nous nous interrogeons sur ce chiffre … 240 films … ça veut environ 5 films français qui sortiront chaque semaine de 2013 … ça nous semble beaucoup… Pas vous ?
Pour revenir à votre question …
Un grand nombre d’entre nous a accepté, dans sa carrière, de travailler pour des films « sous-financés » et donc de faire d’importantes concessions salariales, avec cette fameuse « mise en participation » que très et trop peu d’entre nous ont finalement touchée.
Nous ne remettons pas en cause ce principe.
Mais nous contestons que ce principe devienne une norme ou une obligation.
Nous souhaitons que chacun ait le choix et la liberté d’accepter ou de refuser cet investissement.
Et nous ne doutons pas qu’à l’avenir producteurs et salariés arriveront à trouver, de gré à gré, les moyens de fabriquer ces films, avec la CC API étendue.
Mais là encore bon sens, respect et mesure s’imposent.

Bon … revenons à votre pétition, vous, ADC, déclarez soutenir la Convention Collective dite API et vous appelez à son extension dans les plus brefs délais ?

Bureau ADC : Oui

Vous n’aviez pas le même discours il y un an …

Bureau ADC : C’est vrai. Tant que ça a été encore possible, nous avons essayé de faire modifier quelques articles qui nous semblaient – et nous semblent encore ! – dangereux pour les métiers et pratiques de la branche décoration. Depuis, cette CC a été signée par des syndicats de producteurs et de salariés. Depuis, elle est violemment attaquée par des syndicats de producteurs non signataires – et qui font une proposition de CC plus mortifère encore pour les salariés ! – Cette dernière recevant l’appui d’un syndicat du collège employés – pour ne pas le nommer la CFDT – invisible dans nos métiers du cinéma !
Nous essayons donc d’être pragmatiques.
La CC API n’est pas parfaite, mais elle est beaucoup moins dommageable, elle est bien plus protectrice, que le projet de CC porté par le SPI et la CFDT.
Nous soutenons donc la CC API, nous demandons son extension et recommencerons à nous battre pour faire entendre nos revendications de branche, une fois qu’elle aura été étendue.

Très bien … si le sujet du moment semble être la CC, pourquoi alors, parler de carte professionnelle et de délocalisations dans votre pétition ?

Bureau ADC : Mais parce que ces sujets nous concernent au premier plan !
Les délocalisations ont entrainé pour les industries techniques un manque à gagner de 196 000 000 d’euros au premier trimestre 2012 (chiffres de la FICAM). En six mois, ce n’est pas rien. !
Si on estime que 100 films ont été délocalisés en 2012, ce sont entre 3000 et 5000 postes de techniciens et d’ouvriers qui n’ont pas été pourvus, là encore ce n’est pas rien.
Souvenez-vous du bruit médiatique déclenché par les 600 licenciements à Gandrange. Là, nous nous parlons de 3000 à 5000 postes !
Les délocalisations sont un drame absolu pour nos métiers.
Dans toutes les branches, nous voyons de grands professionnels, aux CV impressionnants, contraints à vivre du RSA car le travail manque… Ça mérite qu’on en parle, non ?
Et là encore, pour nous, il s’agit d’une question de bon sens.
Pourquoi ces films délocalisés peuvent-ils bénéficier des systèmes de soutien censés aider le cinéma français ?
À l’heure ou certains défenseurs du « Made in France » se promènent en marinière avec une cafetière sous le bras, notre système de soutien finance, in fine, l’industrie cinématographique de nos voisins.
La France est le seul pays européen à se montrer aussi généreux avec ses voisins. Pourquoi ?
Quand vous recevez des financements de la Belgique vous devez dépenser ces sommes en Belgique, pareil en Allemagne, en Espagne …
Nous n’avons rien contre les belges, les allemands ou les espagnols, mais nous demandons que la France fasse comme ses voisins.
Pour nous, un film dit d’initiative Française et qui peut donc bénéficier des système de soutien financier nationaux (CNC, chaines de télévision, …) doit être fabriqué en France ou par une équipe composée d’une majorité de français si il doit être, pour des raison scénaristiques ou artistiques, tourné à l’étranger.
Si certains préfèrent bénéficier des financements de nos voisins, ce n’est pas un problème pour nous à condition que ces films, fabriqués à l’étranger, ne soient alors pas considérés d’initiative française et financés par les fonds du CNC (qui nous le rappelons, est le Centre NATIONAL du Cinéma).
Ce principe nous semble relever du bon sens et être en accord parfait avec la doctrine de notre Ministre du Redressement Industriel

Soit … et cette histoire de carte professionnelle ?

Bureau ADC : Là encore, au risque de nous répéter ce n’est qu’une demande de bons sens …
Rien ne distingue un débutant d’un ouvrier ou technicien confirmé.
Avec le système des cartes professionnelles que nous avons connu jusque dans les années 2000, les productions étaient quasiment obligées d’engager des professionnels reconnus comme chef de poste pour pouvoir bénéficier des soutiens du CNC.
Ce système n’était pas parfait mais il était protecteur pour les professionnels mais aussi pour les producteurs qui s’assuraient, grâce à ces cartes, de faire appel à des compétences basées sur la pratique et l’expérience …
Aujourd’hui, et maintenant que tout est dérèglementé, n’importe qui peut exercer des postes à responsabilité sans y être formé ni reconnu… Nous demandons donc qu’un système de reconnaissance et de validation des parcours et des expériences, juste, cohérent et durable soit mis en place dans les plus brefs délais.

Très bien … un dernier mot pour conclure ?

Bureau ADC : Oui. Notre pétition n’est contre personne en particulier, même si vous l’aurez compris, nous n’aimons pas être pris trop clairement pour des imbéciles.
Notre objectif est de nous faire entendre, pour la défense nos métiers, de nos savoirs et nos spécificités.
Tous, nous aimons nos métiers.
On ne fait pas ces métiers sans passion.
Nous voulons être reconnus pour ce que nous sommes, de véritables professionnels et pour ce que nous fabriquons.

Notre combat est le combat de tous, car à travers cette pétition c’est la qualité du cinéma français (mondialement reconnu) que nous défendons !

Nous remercions les quelques 1800 ouvriers et techniciens qui ont déjà signé et appelons tous ceux qui participent à la fabrication des films (techniciens, ouvriers, réalisateurs, comédiens, …) à soutenir notre démarche.

Venez signer !

www.adcine.com




APPEL A TOU(TE)S LES TECHNICIEN(NE)S ET OUVRIER(E)S DU CINEMA

7012013

  APPEL A TOU(TE)S LES TECHNICIEN(NE)S ET OUVRIER(E)S DU CINEMA adc-8e627_1L’annonce, par la Ministre de la Culture, de la prochaine extension de la Convention Collective API a mis le feu aux poudres.
Depuis cette date, nombreux sont ceux qui expliquent, analysent et commentent notre secteur, nos métiers et nos spécificités.
Si les producteurs et les comédiens ont été largement entendus, si le meilleur et surtout le pire ont été exprimés, notre voix de techniciens et d’ouvriers du Cinéma, sans qui non plus les films ne se feraient pas, n’a été ni entendue ni relayée.

Après une année 2012 qui a vu plus de 30% de la production cinématographique française se tourner à l’étranger (soit environ 100 films),
face à la cacophonie médiatique générale où tous les sujets sont abordés, mélangés et souvent dénaturés,
et en réponse à ceux qui voudraient diminuer nos salaires de 30 à 60 %,
Nous lançons une pétition nationale afin que nos métiers, nos expériences et nos compétences soient entendus et reconnus, et que le rôle et les responsabilités de chacun soient respectés.
Cette pétition, mise en ligne la 06/01/2013 à 22h00 sera cloturée le 13/01/2013 à 22h00

http://www.adcine.com/Chacun-son-metier

Notre force dépendra de notre nombre, nous comptons donc sur chacune et chacun d’entre vous pour diffuser cet email à tous vos contacts, n’hésitez pas à les relancer, nous avons une semaine pour faire entendre notre voix collective.

Signez la pétition : À CHACUN SON MÉTIER, À CHACUN SES RESPONSABILITÉS en suivant ce lien :http://www.adcine.com/

Solidairement,

L’ADC ( Association des chefs Décorateurs de Cinéma)
http://www.adcine.com/
http://www.adcine.com/Chacun-son-metier




Réponse de Sam Karmann à l’article de Vincent Maraval sur les salaires des acteurs français par INFO LE MAGUE

30122012

L’Acteur Sam Karmann répond à l’Article du monde de Vincent Maraval traitant des salaires exorbitants de certaines stars françaises…

Réponse de Sam Karmann à l’article de Vincent Maraval sur les salaires des acteurs français par INFO LE MAGUE

« Cher Vincent Maraval Je pense que votre article dans le Monde suscitera des réactions qui vont faire gonfler votre boite mail et la rumeur parisienne. En tous cas je le souhaite. En cette période de crise quand on parle d’argent et quelque soit le secteur, les passions sont vives. En ce qui me concerne -et à part le titre de votre article que je trouve mensonger parce que partiel- : « Les acteurs français sont trop payés » je le trouve évidemment pertinent et vous avez le courage de jeter enfin le pavé des salaires exhorbitants dans la mare de notre cinéma national. J’y souscris. Mais vous auriez du aller plus loin.

Et en premier lieu, plutôt que de parler des acteurs, vous auriez du écrire en guise de chapeau : « Les vedettes françaises sont trop payées ». C’est vrai. Les 50 vedettes ? Les 30 vedettes ? Les 10 vedettes ? Leur nombre n’est pas le plus important au regard du fait qu’ils sont incontournables. C’est ça qui pose problème, qu’on ne puisse (ou très difficilement) monter un film sans qu’il y ait au moins un « bancable » dans la liste. Combien sont-ils ces bancables ? Entre 3 et 5 par génération. Car les autres, tous les autres, les acteurs pas vedettes, les petits, les moyens, les sans grade à l’échelle du box-office, les 20.000 autres, intermittents, qu’ils soient inconnus ou même un peu connus voire reconnus du grand public (comme votre serviteur par exemple), savons que nos cachets ont été divisés pas 2 depuis les années 2000. Et je ne parle pas de l’écrasante majorité des acteurs qui composent les listes artistiques des films et qui sont payés moins de 1000€/jour.

A la télévision où les salaires des rôles principaux ont servi de variable d’ajustement aux productions qui diminuaient leur coût au fur et à mesure que les diffuseurs diminuaient leurs financement. Ne pouvant baisser la grille des salaires des équipes techniques protégés par une convention collective forte et respectée, on a non seulement divisé le montant mais également diminué le nombre des cachets en augmentant le temps de travail de leurs journées. On tourne soi-disant un 52’ en 10 ou 11 jours, mais en comptant les heures sup on tourne entre 12 et 14 jours avec les acteurs en tête de casting considérés comme « bien payés » qui tournent 10 voire 12 heures par jour en abattant 5 à 7’ utiles par jour. N’ayant pas le choix, les producteurs préfèrent payer les heures sup des équipes techniques, raboter sur le nombre de cachets des acteurs et comprimer leurs journées…

Quand au cinéma pour faire en sorte que des films indépendants (1, 2, 3 M€) puissent se faire, on nous explique que nos salaires doivent être mis pour partie en « participation », c’est à dire payé si le film est amorti… On sait tous ce que cela veut dire.

Et pour finir la boucle, que dire des techniciens qui -parce qu’heureusement encore payés au tarif syndical à la télé- peuvent s’offrir de faire du cinéma à moins 10, 20, 30 ou 50%. Pour faire en sorte que le film se fasse toute la chaine fait des efforts pendant que les « stars » prennent leurs cachets. Que penser d’un film où les équipes sont à moins 10% ou 20% avec en vedette un bancable dont on sait qu’il va toucher entre 500K€ et 1M€ … ?

La faute au système bien sûr, qui comme vous le dénoncez, réclame des « noms » pour monter le financement en sachant pertinemment que ce n’est évidemment pas une garantie du succès du film en salle. Mais qu’il est dans le cahiers des charges des diffuseurs de justifier une promesse -devenue chimérique- d’audimat quand le film passera à la télé.

Pour finir, je pense que si votre analyse est pertinente, le titre de cet article est si maladroit qu’il va une fois de plus conforter l’idée fausse que les acteurs sont des nantis et mettre en péril le statut si fragile mais si indispensable des intermittents perçus comme des enfants gâtés. Ne cassons pas ce système extraordinaire qu’est l’intermittence, la redistribution du CNC et l’obligation des diffuseurs de financer le cinéma.

Comme partout dans la société et dans ce monde financiarisé à tout crin, rien ne va plus quand « le patron-vedette » gagne 1M€ tandis que « l’acteur-ouvrier » qui vient lui donner la réplique gagne le smic.

PS : à la décharge de V. Maraval, le titre du papier extrêmement polémique a été écrit par la rédaction du Monde.

 

 

 

 




De la fortune des vedettes en particulier et des perversions d’un bon système en général

30122012

 

La réponse de Jean-Michel Frodon

De la fortune des vedettes en particulier et des perversions d’un bon système en général pluie_d_or-218x300

Parue dans Le Monde du 28 décembre,  une vigoureuse déclaration du producteur, distributeur et exportateur Vincent Maraval suscite de nombreuses réactions, dans le milieu du cinéma français et au-delà. L’auteur est une des personnalités les plus en vue dudit milieu, à la fois homme d’affaires très avisé et véritable amateur de films, aux goûts plutôt éclectiques et aux engagements souvent courageux – un profil pas si fréquent dans la profession. Intitulée « Les acteurs français sont trop payés ! », la missive (le missile) s’appuie sur le « scandale Depardieu », donne des noms et des chiffres, et fournit une description globalement exacte, mais par moment biaisée ou incorrecte, de la situation économique du cinéma français.

Commençons par les réserves qu’inspire la polémique telle que formulée par Vincent Maraval. Non, l’année du cinéma français n’est pas un désastre, contrairement à ce qu’affirme la punchline qui ouvre le texte – quels que soient les critères retenus, beaucoup d’argent finira par avoir circulé dans le cinéma français c’est à dire chez ceux qui à un titre ou à un autre le font. Le Marsupilami et La vérité si je mens 3 ne se sont pas « plantés » – mais Astérix, Pamela Rose et Stars 80 oui. Non, le marché de la salle ne stagne pas, même si la fréquentation en 2012 sera en recul sur l’exceptionnelle année précédente, la tendance depuis 2000 est au contraire à une constante augmentation. Et même, contrairement à ce qui était admis (et à ce qu’affirme Maraval), on assiste plutôt à une remontée de la présence, et de l’audience des films à la télévision.

Et surtout, non, les acteurs – il faudrait plutôt dire : les vedettes – ne sont pas riches de l’argent public. Hormis quelques mécanismes, importants mais pas au centre du problème (les régions, le crédit d’impôt, les Sofica), ce n’est pas sur le budget de la collectivité que sont financés les productions, même si c’est bien un système de lois et de réglementation publiques qui définit les conditions de leur financement. Connu aussi pour son exceptionnel bagout – et encore le lecteur est privé de l’accent du Sud-Ouest – Maraval en fait un peu trop dans les affirmations à l’emporte-pièce. C’est dangereux, car ce sont elles qui risquent d’être le plus reprises, par ceux qui voudront utiliser le texte pour attaquer un système qui a aussi, qui a d’abord des vertus décisives,  comme par ceux qui en profiteront, en les réfutant, pour éviter l’essentiel de ce qui est dit, et qui est très juste, même si incomplet.

Ce qui arrive avec les acteurs est le plus visible, et le plus choquant. C’est la part la plus spectaculaire d’une dérive générale, une dérive fondée sur l’augmentation continue des sources de financement du cinéma en France. Mais il n’y a pas que les acteurs. Lisez bien la phrase qui suit, elle contient une révélation bouleversante. Lorsqu’un film coûte 30 millions d’euros, cela veut dire que des gens ont touché ces 30 millions. Qui ? Pour l’essentiel, les professionnels du cinéma. Les acteurs gagnent la plus grosse cagnotte, dans des conditions et selon des mécanismes qu’explique très bien Maraval. Mais les producteurs, les réalisateurs, les chefs de postes techniques aussi. Pourquoi ? Parce que l’essentiel de la stratégie des pouvoirs publics depuis le milieu des années 90 (remplacement de Dominique Wallon par Marc Tessier, d’un militant culturel par un gestionnaire d’entreprise, à la tête du CNC en 1995), a fait de l’augmentation des financements son objectif central. A nouveau : pourquoi ? Parce que le nécessaire équilibre de pouvoir entre professionnels et politiques a été rompus au profit des premiers. Avec succès, il faut le reconnaître, au sens où de fait les investissements dans la production de films français n’a cessé d’augmenter, grâce encore une fois à des dispositifs réglementaires toujours plus nombreux, récemment la taxation des Fournisseurs d’Accès à Internet (FAI), et pas grâce à des ponctions sur le budget de l’Etat.

Une des pires conséquences de ce phénomène aura été l’explosion du nombre de films, qui a plus que doublé en 15 ans. Car une autre manière de gagner de l’argent, outre de se faire payer des cachets de plus en plus élevés, est de multiplier les productions. Ce sont quelques 100 films en plus, films inutiles, fictions qui auraient mieux fait de se diriger d’emblée vers la télévision, qui sont venus engorger la machine, et d’abord les écrans. Aujourd’hui, c’est pour faire encore plus de place à ces mêmes produits que les nouveaux détracteurs de la « chronologie des médias » veulent exclure de la salle les films les plus ambitieux mais rarement les mieux exposés, en les reléguant d’emblée sur Internet – autant dire, en les assassinant sans bruit.

D’ores et déjà, dans les salles, à la télé, dans les médias, cette masse informe de surproduction, qui rapporte à beaucoup de monde grâce aux mécanismes décrits par Maraval, y compris à sa propre société, a en effet pour résultat de marginaliser sans cesse davantage ceux pour lesquels étaient à l’origine conçus l’ensemble des dispositifs.

Car il faut ici rappeler que tout cela vient d’un système vertueux dans ses principes. Un système qui a fonctionné – notamment dans les années 60, puis dans les années 80 jusqu’au milieu des années 90. Il s’agit d’un système fondé sur la péréquation, sur l’échange de bons procédés. Il n’opposait pas le commerce à l’art mais organisait des effets de soutiens financiers aux films les plus audacieux par les films les plus profitables au nom de la valeur symbolique, culturelle, que les premiers confèrent aussi aux seconds, tant que l’ensemble est traité comme un tout.

C’est au nom de cette grande idée que Malraux et ses collaborateurs ont réclamé que le CNC cesse de dépendre du Ministère de l’industrie pour relever de celui de la culture. Système efficace à condition de maintenir d’une main de fer l’équilibre entre les bénéfices culturels et les bénéfices financiers, contre les ténors de la profession, qui sont toujours d’abord les puissances économiques.

Comme tous les professionnels du cinéma, Vincent Maraval défend surtout ses propres intérêts lorsqu’il prend la parole en public au nom de l’intérêt collectif et de la justice sociale. Lui aussi a besoin de ces acteurs incontestablement surpayés pour financer ses films auprès des télévisions. Le seuil de rémunération qu’il propose est une idée aussi saine qu’assez improbable, tant qu’à faire élargissons-la à l’ensemble du milieu. Elle permettrait par exemple une réorientation massive des crédits au profit des lieux d’action culturelle, en particulier de l’éducation au cinéma, ou mieux avec le cinéma… Ce n’est pas vraiment à l’ordre du jour.

Mais attention. La diatribe de Maraval est aussi de nature à alimenter l’argumentaire de ceux qui veulent une destruction de l’ensemble du système au nom d’une logique gestionnaire ultralibérale (cf. les actuelles pressions de Bruxelles) ou ultra-centralisatrice (cf. les pressions de Bercy relayées par certains élus). La belle année du cinéma artistique du cinéma français, celle de Holy Motors, d’Après Mai, des Adieux à la Reine, des Chants de Mandrin, de Sport de fillesAdieu Berthe, La Vierge, les Coptes et moiNana, Vous n’avez encore rien vu, Dans la maison, 38 Témoins, La Terre outragée, Les Lignes de Wellington, L’Age atomiqueBovinesAugustineLouise WimmerVoie rapideAlyah…  (chacun pourra bien sûr ajouter ou retrancher des titres, c’est le nombre et la diversité qui importent), cette efflorescence-là est aussi due à l’existence de ce système, en même temps qu’elle est menacée par ses dérives inflationnistes. C’est pourquoi il est essentiel de combattre les effets pervers sans détruire les principes fondateurs, plus nécessaires que jamais.




Les acteurs français sont trop payés!

29122012

LE MONDE | 28.12.2012 à 15h45 • Mis à jour le 28.12.2012 à 20h37

Par Vincent Maraval, distributeur et producteur, fondateur de la société de distribution de films Wild Bunch

Les acteurs français sont trop payés! 1808050_3_c2bb_gerard-depardieu-le-1er-octobre-2012-a-berlin_ad6f34bcb4c66efe062809766bd2b31a-300x150

 

L’année du cinéma français est un désastre. Pendant que Gérard Depardieu fait l’actualité et que les ministres rivalisent d’esprit pour en faire le scandale du moment et dénoncer son exil fiscal à 2 kilomètres de la frontière d’un pays dont il ne se sent  »plus faire partie », personne ne parle du cinéma français. Or tous les films français de 2012 dits importants se sont « plantés », perdant des millions d’euros : Les Seigneurs, Astérix, Pamela Rose, Le Marsupilami, Stars 80, Bowling, Populaire, La vérité si je mens 3, etc.

Pas un film, sauf peut-être Le Prénom, pour gommer ce que toute la profession sait pertinemment, mais tente de garder secret : le cinéma français repose sur une économie de plus en plus subventionnée. Même ses plus gros succès commerciaux perdent de l’argent.

EXCEPTION CULTURELLE

Constat unanime : les films sont trop chers. Après les films des studios américains, la France détient le record du monde du coût moyen de production : 5,4 millions d’euros, alors que le coût moyen d’un film indépendant américain tourne autour de 3 millions d’euros. Ce coût moyen ne baisse jamais, alors qu’il y a toujours plus de films produits, que le marché de la salle stagne, que la vidéo s’écroule et que les audiences du cinéma à la télévision sont en perpétuel déclin face à la télé-réalité et aux séries.

Mais alors, pourquoi s’émouvoir ainsi sur le cas Depardieu ? Pourquoi ce déchaînement médiatique et politique ? Sans doute parce qu’il y a là un vrai scandale d’ordre plus général. On le sait, l’époque aime les cas particuliers. Mais le scandale qui nous intéresse les dépasse largement. Il est d’ordre systémique. On peut s’étonner de voir nos ministres s’en laver les mains.

Pourquoi si peu de voix s’en saisissent-elles dans le milieu du cinéma ? Parce qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil ? Que Delon, Hallyday et autres agissent de même depuis longtemps ? Dany Boon, par exemple, ce chantre de la France profonde qui vit à Los Angeles, obtient des sommes qui laissent un Gérard Depardieu sur le carreau, ratatiné. 3, 5 millions d’euros pour Le Plan parfait, dont les entrées ne seront pas suffisantes pour payer son salaire ! Un million pour quelques minutes dans Astérix, film qui fait exploser le ratio entrées/cachet/minute à l’écran…

MIRACLE DU SYSTÈME DE FINANCEMENT

Malgré ses récents échecs, grâce au miracle du système de financement du cinéma français, Dany Boon s’apprête aujourd’hui à attaquer son nouveau film,Hypercondriaque, pour lequel on parle d’une somme proche de 10 millions d’euros. Ce texte ne se transformera pas en lettre de dénonciation, je ne nommerai que ceux qui ont fait leur coming out fiscal. Mais ils sont nombreux, qui se disent à gauche, dénoncent les injustices, mais au fond n’en voient qu’une seule : leur niveau d’imposition.

Mais pourquoi, au fond, les acteurs seraient-ils pires que les sportifs ? Parce que leur carrière est potentiellement plus longue ? Non, le seul scandale, le voilà : les acteurs français sont riches de l’argent public et du système qui protège l’exception culturelle. A part une vingtaine d’acteurs aux Etats-Unis et un ou deux en Chine, le salaire de nos stars, et encore plus le salaire de nos moins stars, constitue la vraie exception culturelle aujourd’hui.

Pourquoi est-ce qu’un acteur français de renom, qu’il se nomme Vincent Cassel,Jean RenoMarion CotillardGad Elmaleh, Guillaume Canet, Audrey Tautou, Léa Seydoux, touche pour un film français – au marché limité à nos frontières – des cachets allant de 500 000 à 2 millions d’euros, alors que, dès qu’il tourne dans un film américain, dont le marché est mondial, il se contente de 50 000 à 200 000 euros ? Pourquoi, par exemple, Vincent Cassel tourne-t-il dans Black Swan (226 millions d’euros de recettes monde) pour 226 000 euros et dans Mesrine (22,6 millions d’euros de recettes monde) pour 1,5 million d’euros ? Dix fois moins de recettes, cinq fois plus de salaire, telle est l’économie du cinéma français.

Savez-vous que Benicio Del Toro, pour le Che, a touché moins que François-Xavier Demaison dans n’importe lequel des films dans lesquels il a joué ? Que Marilou Berry, dans Croisière, touche trois fois plus que Joaquin Phoenixdans le prochain James Gray ? Que Philippe Lioret touche deux fois plus queSteven Soderbergh et sept fois plus que James Gray ou Darren Aronofsky ? Pourquoi s’en priveraient-ils ?

Et pourquoi Depardieu est-il le salaud ? Lui qui fait Mammuth gratuitement pourpermettre au film d’exister et propose de faire la même chose pour DSK de Ferrara. Pourquoi Vincent Cassel, qui met son argent et son énergie au service de jeunes talents comme Kim Chapiron ou Romain Gavras, serait-il plus coupable que le système ?

DES ÉCHECS ÉCONOMIQUES

L’explication, jamais le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) ni la ministre ne l’ont fournie : la subvention directe dont jouit le cinéma français (chaînes publiques, avances sur recettes, aides régionales), mais surtout la subvention indirecte (l’obligation d’investissement des chaînes privées). Voilà pourquoi tous les échecs de 2012 mentionnés ci-dessus n’ont guère ému la profession, et que ceux-ci n’ont pas suscité d’articles de fond. Et pourtant, rendez-vous compte ! Sur le top 10 des films d’une économie qui en concerne 220, un seul est rentable !

Il est vrai, les scores de ces films ne sont pas honteux : 6 millions d’entrées pour le Marsupilami, 4 millions pour Astérix ou La Vérité si je mens, 3 millions pour Les Seigneurs, 2 millions pour Stars 80, 1 million pour Populaire… Ils sont même bons dans l’absolu, et il est probable que le niveau d’entrées 2012 ne va guère baisserpar rapport à 2011, la fameuse année d’Intouchables. Mais ce sont tous des échecs économiques parce qu’ils coûtent beaucoup trop cher.

Astérix, à 60 millions d’euros, a le même budget qu’un film de Tim Burton. Voilà qui laisse rêveur… Stars 80 plus cher que The Hangover ou Ted. Ça laisse pantois… Et tout autant Populaire, plus cher que Black Swan ou Le Discours d’un roi ! La responsabilité de cette situation n’est pas à chercher, hélas ! dans une supposée incompétence de nos producteurs, mais dans ce que les Américains appellent le« above the line «  (« la surévaluation »), les cachets qui font de nos talents, inconnus au-delà de nos frontières, les mieux payés du monde.

Mais à quoi servent de tels cachets si les résultats ne se matérialisent pas en recettes économiques ? En réalité, ils permettent d’obtenir le financement des télévisions. Black Swan se finance sur le marché. Il n’y a dans son financement aucune obligation, aucune subvention, l’acteur est donc payé pour ce qu’il vaut, 226 000 euros. Mesrine, en revanche, a besoin de ce financement pour exister, ce qui explique que l’acteur se retrouve avec un pouvoir de vie ou de mort sur le projet, et ce en fonction de sa valeur télé. Il réclame donc sa part du gâteau. Lui sera payé entre 1 et 1,5 million d’euros. Qui peut l’en blâmer ? Cela devrait vouloirdire qu’il touche là le fruit de sa notoriété sur le marché télévisuel. Sauf que le cinéma enregistre des contre-performances à la télévision. Sans les obligations légales issues de notre système public de financement, il y a bien longtemps que « Les Experts » et la « Star Ac » auraient réduit à néant les cases « Cinéma » des chaînes de télévision.

JETÉ À LA VINDICTE PUBLIQUE

Est-ce à l’individu qu’il revient de « réguler » le système sous peine d’être jeté à la vindicte publique comme Gérard Depardieu ou est-ce au CNC et à son ministère de tutelle de le faire ? A l’heure où François Hollande veut que les patrons des grandes entreprises publiques limitent leurs salaires, laissera-t-on les « hauts salaires » du cinéma gagner plus qu’ils ne valent, et ce grâce à de l’argent public, à un système unique, exceptionnel de financement ? Est-il normal qu’un Daniel Auteuil, dont les quatre derniers films représentent des échecs financiers de taille, continue à toucher des cachets de 1,5 million d’euros sur des films coproduits par France Télévisions ?

Le fameux système d’aide du cinéma français ne profite qu’à une minorité de parvenus. Mais jamais cela ne provoquera un scandale aussi retentissant que l’exil fiscal de Gérard Depardieu. Les miettes que laisse ce système réduisent en effet au silence ceux dont le rôle serait de pousser l’analyse.

Une idée simple : limitons à 400 000 euros par acteur – et peut-être un peu plus pour un réalisateur -, assorti d’un intéressement obligatoire sur le succès du film, le montant des cachets qui qualifient un film dans les obligations légales d’investissement des chaînes de télévision. Qu’on laisse à Dany Boon un cachet de 10 millions d’euros, si telle est véritablement sa valeur marchande. Mais alors que ce soit en dehors de ces obligations. Et redonnons ainsi à notre système unique et envié sa vertu en éliminant ses vices.

Vincent Maraval, distributeur et producteur, fondateur de la société de distribution de films Wild Bunch

 




La «chronologie des médias» à l’heure du désordre

12122012

Rompre ce principe essentiel à l’exception culturelle française, comme le propose une société de réalisateurs et de producteurs pour faire face au piratage, fera le jeu des plus puissants, au détriment des auteurs indépendants et des créateurs les plus fragiles.

La «chronologie des médias» à l'heure du désordre

Dimanche 18 novembre, le jury du Festival de Rome attribue son grand prix au film Marfa Girl de Larry Clark. Le film est immédiatement diffusé dans le monde entier. Son réalisateur, figure du cinéma indépendant états-unien, a en effet décidé de le rendre accessible directement sur Internet, pour la somme de 5,99 dollars (4,65 euros), expliquant son choix par la volonté de ne pas entrer dans un système, celui de la distribution en salles, dominé les grandes puissances industrielles, et résumé d’un retentissant «Fuck Hollywood». Mais il n’est pas certain que ce soit Hollywood le plus menacé dans l’affaire.

Dans l’esprit sinon dans le droit, la mise en ligne du film de Larry Clark est un nouvel accroc au tissu réglementaire qui, en France, organise l’accès des publics aux films. Ce qui suppose pour commencer qu’il existe quelque chose de particulier qu’on nomme «film». C’est le cas dans ce pays, où les productions audiovisuelles relevant du cinéma sont enregistrées séparément des autres par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), et font l’objet d’aides et de contraintes spécifiques. Ce qui est loin d’être le cas partout.

La «chronologie des médias», joli nom de ce dispositif réglementaire, dispose qu’un film de cinéma doit d’abord sortir dans une salle de cinéma. Les autres modes de diffusion sont ensuite échelonnées sur une échelle de temps qui doit permettre à chacun de bénéficier d’une fenêtre d’exploitation privilégiée avant de subir la concurrence de la suivante: 4 mois après la salle pour le DVD et la VOD, 10 mois pour une diffusion cryptée (Canal +), 22 mois pour une chaine en clair coproductrice, 30 mois pour les autres chaines en clair, 36 mois pour un service de vidéo en ligne par abonnement.

Ce système rigide, pilier de l’organisation de la vitalité du cinéma en France cogérée par les pouvoirs publics et les professionnels, est évidemment en danger d’être débordée par l’extrême fluidité de circulation des films que permet Internet. Le piratage n’aura sans doute été à cet égard que l’avant-garde sauvage d’effets encore plus massifs dont sont porteuses les technologies numériques.

Derrière les brèches ouvertes par de sympathiques marginaux, les puissants

Comme il est devenu fréquent, Internet fait converger les intérêts apparemment antagonistes des marginaux, qui de toute façon jouent en dehors des clous, et des acteurs les plus puissants, qui tirent toujours les plus gros marrons du feu des concentrations. Outre le coup de force de Larry Clark, on en a eu un nouvel exemple en France cet automne, avec la sortie les 31 octobre et 7 novembre par deux petites sociétés de distribution, Damned et Fondivina, de deux films d’auteur plutôt confidentiels, Les Paradis artificiels du Brésilien Marcos Bravo et Nuit #1 de la Québécoise Anne Emond.

48 heures avant chaque sortie, les films ont été mis en ligne sur Dailymotion par une société spécialisée dans la diffusion des films sur Internet, Eye on Films. Aussitôt après la première mise en ligne, la plupart des salles ayant prévu de montrer Les Paradis artificiels le déprogrammaient: les exploitants voient évidemment d’un très mauvais œil cette rupture dans la chronologie des médias, qui garantissait à la salle à la fois la primeur des films et sa valorisation symbolique comme lieu de définition même de ce qui caractérise un film.

Mais les exploitants ne sont pas seuls à dénoncer une tactique bien connue, qui surfe sur la sympathie éveillée par des films ne disposant pas de gros moyens promotionnels pour ouvrir des brèches dans lesquelles tous, mais d’abord les plus puissants, s’engouffreront.

L’initiative des deux petits distributeurs s’inscrit en effet dans un processus lourd. Dans le cadre de sa campagne ultra-libérale, l’Union européenne, qui ne cesse de chercher des noises aux systèmes d’aide au cinéma (pas seulement français), a impulsé en mars 2012 un programme d’expérimentation torpillant la chronologie des médias.

Une des plus puissantes organisations corporatistes du cinéma français, l’ARP (Société civile Auteurs-réalisateurs-producteurs) a pris fait et cause pour cette expérimentation, et mis en place un dispositif baptisé TIDE (Transversal International Distribution in Europe) afin de la mettre en pratique. Ce qui lui a valu la rondelette somme de 800.000€ offerts par Bruxelles.

Ghettoïser en excluant les petits des grands écrans

L’ARP a immédiatement soutenu l’opération Eye on Films, se faisant in petto l’attaché de presse des films et décidant de projeter Les Paradis artificiels dans sa propre salle, le Cinéma des cinéastes, après son éviction de nombreux écrans.

Aux côtés des exploitants, nombre d’autres organisations professionnelles (sociétés de réalisateurs, de producteurs, de distributeurs, associations de défense de la diversité du cinéma) se sont mobilisées pour déclarer leur opposition à une déstabilisation du système. Dans une réponse datée du 26 novembre adressé aux syndicats de producteurs, les Auteurs-Réalisateurs-Producteurs, pourtant bien connus pour avoir souvent défendu avec la dernière énergie les dispositifs réglementaires existants, se présentent en audacieux modernistes décidés cette fois à aller de l’avant aux côtés des nouvelles technologies.

Affirmant trouver «stimulant que la quasi-unanimité de la profession cherche à nous dissuader de persister dans cette voie», l’ARP affirme bravement que «c’est peut-être parce que nous sommes cinéastes que nous n’avons pas peur du mouvement». Sympa pour les autres…

Le reste de l’argumentaire est pourtant moins flamboyant: cet accroc à la chronologie, les gens de l’ARP veulent en faire bénéficier les «petits  films mal financés, mal armés pour la salle». C’est-à-dire les ghettoïser encore plus, en achevant de les exclure des grands écrans, leur seule chance d’exister à part entière dans l’univers du cinéma. Privés de l’accès à la salle, ces «œuvres  fragiles qui sortent en petite combinaison» selon la délicate formule de l’ARP, cesseront tout bonnement d’exister à court terme. Au même moment, voici qu’est fort à propos mise en circulation une étude de deux chercheurs, un Allemand et un Danois, tendant à démontrer que la fermeture de Megaupload le 19 janvier 2012 a eu des effets négatifs sur le box-office des petits films sans affecter les bénéfices des majors.

Une cassure inédite dans l’organisation de défense du cinéma en France

Quels films? Quel box-office et dans quels pays, lorsqu’on sait que pour l’essentiel, les mêmes «petits films» ne sortent plus du tout en salles dans le monde anglo-saxon? Simultanément, la disparition du principe de la chronologie des médias aura pour effet d’ouvrir grand la porte à des acteurs infiniment plus puissants, au premier rang desquelles la première plate-forme de cinéma à la demande, Netflix, qui a entrepris de s’implanter en Europe, suivi de son rival Amazon.

L’ARP se pose aujourd’hui en moderniste, on comprend que ses animateurs, qui sont essentiellement les réalisateurs français les plus commerciaux, ambitionnent de s’installer dans le sillage des gros porteurs de la commercialisation en ligne, tout en finissant d’éliminer des salles les «œuvres fragiles» qui ont déjà bien du mal à y accéder.

C’est toutefois la première fois que cette organisation abandonne le camp des défenseurs des dispositifs de l’exception culturelle (qu’elle défend simultanément sur d’autres dossiers), créant une cassure inédite dans l’organisation de défense du cinéma en France.

Le sujet est l’un des principaux enjeux de la Mission Culture-Acte 2confiée par Aurélie Filipetti à Pierre Lescure sur l’ensemble des transformations de la politique culturelle sous l’influence du numérique. Dans un rapport d’étape remis le 6 décembre, la commission note que si «une refonte radicale de la chronologie des médias constituerait peut-être la meilleure réponse aux attentes des internautes en matière de VàD», une telle initiative remettrait en cause tout l’équilibre du système.

A l’évidence, l’organisation de la chronologie des médias est remise en cause par les nouveaux modes de diffusion. Mais avec l’étrange théâtre qui s’est mis en place chez les professionnels, on s’éloigne encore davantage de la nécessaire invention d’une réponse accompagnant le développement des technologies sans détruire les principes de l’action publique dans le secteur. Une action, faut-il le rappeler, dont la raison d’être n’est pas d’enrichir davantage les acteurs français les plus puissants et de débarrasser le marché des plus faibles, mais tout au contraire de contrebalancer les déséquilibres engendrés par ce seul marché, et les usages spécifiques qu’il fait des innovations technologiques.

Jean-Michel Frodon




la Ficam réagit aux mesures adoptées à l’assemblée nationale.

11122012

la Ficam réagit aux mesures adoptées à l’assemblée nationale. baa2e0e43a54cf28df568f21c5999057-300x105  Actualités professionnelles | 09/12/2012

   La Fédération des Industries du Cinéma, de l’Audiovisuel et du Multimédia se félicite de l’adoption ce matin     à l’Assemblée Nationale des mesures tant attendues par sa filière et des milliers d’intermittents en faveur d’une relocalisation de la Production nationale.

Répondant au constat d’une délocalisation galopante en voie d’atteindre 40% de notre production, les Amendements présentés par Messieurs BLOCHE, MUET et BACHELAY avec le soutien déterminant de Madame Aurélie FILIPPETTI, Ministre de la Culture, portent désormais à 4 M€ le plafond accessible aux films français et à 10 M€ celui des Productions étrangères tournant en France.

Complétées de certains aménagements qui optimiseront les dépenses de production sur le territoire, et malgré certaines restrictions demandées par la Commission des Finances de l’Assemblée, ces mesures rapprochent enfin l’attractivité française de celles de ses voisins européens. Ainsi, 1€ de crédit d’impôts produira 7€ dans l’économie française.

Près de 70% des films de plus de 10 M€ (et 40% de l’ensemble de la production annuelle) s’étant délocalisés en 2012, la FICAM considère que ce premier pas, s’il est aussi franchi par le Sénat, permettra de reconstituer dès 2013 les milliers d’emplois perdus ces dernières années.

Enfin, la FICAM salue l’initiative du Ministre du Redressement productif, Monsieur Arnaud MONTEBOURG et l’ensemble du Gouvernement qui, en inscrivant ces mesures au cœur du Pacte de Compétitivité, soulignent le rôle de l’Industrie cinématographique et Audiovisuelle dans la relance économique, notamment par l’investissement qui permet aux Industries techniques d’offrir une excellence technologique au service de la Création.

La Fédération des Industries du Cinéma, de l’Audiovisuel et du Multimédia se félicite de l’adoption ce matin à l’Assemblée Nationale des mesures tant attendues par sa filière et des milliers d’intermittents en faveur d’une relocalisation de la Production nationale.

Répondant au constat d’une délocalisation galopante en voie d’atteindre 40% de notre production, les Amendements présentés par Messieurs BLOCHE, MUET et BACHELAY avec le soutien déterminant de Madame Aurélie FILIPPETTI, Ministre de la Culture, portent désormais à 4 M€ le plafond accessible aux films français et à 10 M€ celui des Productions étrangères tournant en France.

Complétées de certains aménagements qui optimiseront les dépenses de production sur le territoire, et malgré certaines restrictions demandées par la Commission des Finances de l’Assemblée, ces mesures rapprochent enfin l’attractivité française de celles de ses voisins européens. Ainsi, 1€ de crédit d’impôts produira 7€ dans l’économie française.

Près de 70% des films de plus de 10 M€ (et 40% de l’ensemble de la production annuelle) s’étant délocalisés en 2012, la FICAM considère que ce premier pas, s’il est aussi franchi par le Sénat, permettra de reconstituer dès 2013 les milliers d’emplois perdus ces dernières années.

Enfin, la FICAM salue l’initiative du Ministre du Redressement productif, Monsieur Arnaud MONTEBOURG et l’ensemble du Gouvernement qui, en inscrivant ces mesures au cœur du Pacte de Compétitivité, soulignent le rôle de l’Industrie cinématographique et Audiovisuelle dans la relance économique, notamment par l’investissement qui permet aux Industries techniques d’offrir une excellence technologique au service de la Création.

La Fédération des Industries du Cinéma, de l’Audiovisuel et du Multimédia se félicite de l’adoption ce matin à l’Assemblée Nationale des mesures tant attendues par sa filière et des milliers d’intermittents en faveur d’une relocalisation de la Production nationale.

Répondant au constat d’une délocalisation galopante en voie d’atteindre 40% de notre production, les Amendements présentés par Messieurs BLOCHE, MUET et BACHELAY avec le soutien déterminant de Madame Aurélie FILIPPETTI, Ministre de la Culture, portent désormais à 4 M€ le plafond accessible aux films français et à 10 M€ celui des Productions étrangères tournant en France.

Complétées de certains aménagements qui optimiseront les dépenses de production sur le territoire, et malgré certaines restrictions demandées par la Commission des Finances de l’Assemblée, ces mesures rapprochent enfin l’attractivité française de celles de ses voisins européens. Ainsi, 1€ de crédit d’impôts produira 7€ dans l’économie française.

Près de 70% des films de plus de 10 M€ (et 40% de l’ensemble de la production annuelle) s’étant délocalisés en 2012, la FICAM considère que ce premier pas, s’il est aussi franchi par le Sénat, permettra de reconstituer dès 2013 les milliers d’emplois perdus ces dernières années.

Enfin, la FICAM salue l’initiative du Ministre du Redressement productif, Monsieur Arnaud MONTEBOURG et l’ensemble du Gouvernement qui, en inscrivant ces mesures au cœur du Pacte de Compétitivité, soulignent le rôle de l’Industrie cinématographique et Audiovisuelle dans la relance économique, notamment par l’investissement qui permet aux Industries techniques d’offrir une excellence technologique au service de la Création.




Contre toute attente, le gouvernement rejette la TVA à 5% pour le cinéma !

5122012

Contre toute attente, le gouvernement rejette la TVA à 5% pour le cinéma ! dans à lire le-film-francais-revele-les-coulisses-de-disparitions-juillet-2008-300x75Actualités professionnelles | 04/12/2012

Suite à une réunion interministérielle cet après-midi, le gouvernement a décidé de ne pas présenter d’amendement en faveur d’une TVA à taux réduit de 5% pour la billetterie cinéma. Le cinéma unanime (Blic, bloc, Arp, Upf, SACD) réagit très vivement.

Malgré le soutien du président François Hollande et du ministère de la culture, la décision est tombée il y a quelques minutes : le gouvernement ne va pas présenter de texte en faveur d’un taux de TVA à 5% pour la billetterie cinéma applicable à partir de 2014, comme le spectacle vivant et le livre, lors des débats en loi de finances rectificative 2012.

Le 7e Art peut encore présenter un texte via un sous-amendement parlementaire mais les chances de le faire adopter seront très faibles.

Dans un communiqué commun adressé quelques minutes après l’annonce de cette décision, le cinéma français – BLIC BLOC ARP UPF SACD – s’interroge si « Le cinéma est-il toujours une pratique culturelle pour le Gouvernement français ? »

Ils rappellent que « La sortie au cinéma est aujourd’hui la pratique culturelle la plus populaire, plébiscitée par tous nos concitoyens, y compris les plus modestes d’entre eux ».

« Pour autant, le Gouvernement propose aujourd’hui à la représentation nationale de voter une hausse de 3 points de TVA sur les billets achetés par les spectateurs et sur les droits d’auteur, ce qui reviendrait à quasiment doubler en deux ans la TVA sur le prix payé pour entrer en salles.

Le Gouvernement acte ainsi la sortie du cinéma, activité culturelle la plus accessible dans tous les sens du terme, du taux réduit (5%) qui reste pourtant applicable aux autres spectacles : théâtre, ballets, opéra, etc., ainsi qu’au secteur de l’édition littéraire.

En excluant le cinéma du champ culturel, le Gouvernement rompt avec la politique qui, à quelques rares exceptions, a prévalu en France depuis près d’un demi-siècle et qui a permis que la culture, sous toutes ses formes reste à la portée de tous, grâce notamment à une TVA réduite.

En surtaxant la création et le billet de cinéma, le Gouvernement lui confisque son statut culturel et ignore son rôle déterminant en matière d’animation et de lien social dans nos territoires.

En outre, en vidant l’exception culturelle d’une partie de sa substance en France tout en tentant, à raison d’ailleurs, de faire reconnaitre cette exception à Bruxelles, les initiatives du Gouvernement ne manqueront pas d’interroger les partenaires européens sur le sens de nos combats.

Cette initiative viendrait par ailleurs contredire directement les promesses claires sur lesquelles François Hollande, alors candidat à l’élection présidentielle, s’était engagé au cours de nombreux débats, interviews et émissions télévisées.

Aujourd’hui, les professionnels, des créateurs jusqu’aux salles petites et grandes qui maillent l’ensemble de notre territoire, appellent donc le Gouvernement et la représentation nationale à revenir sur cette décision, à réaffirmer le caractère culturel du cinéma et de la création, à préserver l’exemplarité française en la matière et à reconnaitre le rôle social du cinéma dans notre pays. »

Sarah DROUHAUD pour le film français







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