Judith Herrin, Ravenne. Capitale de l'Empire, creuset de l'Europe, 2020-2023, cartes, historique "Les puissances rivales : 395-876, index des noms (mais hélas pas des notions et concepts), illustrations photographiques, 507 p., traduit de l'anglais par Martine Devillers-Argouarc'h, éditions Passés Composés / Humensis, Paris, 2023, 27 €
Ravenne est une ville italienne située à l'estuaire du Pô. La ville a subi 52 bombardements alliés en 1944, aussi en a-t-elle beaucoup souffert. Ce sont aussi les lieux, plus modernes, de tournage, quinze siècles plus tard, d'un film de Michelangelo Antonioni, dans un univers industriel, le monde si peu poétique, de la pétrochimie, Il deserto rosso (Le désert rouge) en 1964 . C'est aussi la ville de Dante Alighieri, où est mort le poète que Florence avait banni.
Judith Herrin, l'auteur, est professeure au King's College de Londres (département de lettres classiques) et elle publie en 2020 l'histoire de Ravenne, du cinquième au neuvième siècle, après avoir publié plusieurs livres sur Byzance. Judith Herrin est archéologue et historienne. Elle est francophone. Son livre donne à comprendre et à suivre le rôle historique de Ravenna durant ces quatre siècles d'antiquité tardive.
La ville est protégée par un environnement marin et aquatique, elle est située "au milieu des affluents marécageux du Pô" (p. 246), qui rendent son accès, et son siège, très difficiles à des envahisseurs terrestres. Elle est la capitale d'un monde mixte, entre Rome et Constantinople ; on y vit et travaille donc en latin et en grec : les textes viennent de Constantinople en grec, ils sont traduits en latin et les réponses repartent en grec. Mais quel était "l'ordinary speech" des habitants de cette ville plurilingue, carrefour permanent de cultures ?
Judith Herrin évoque le travail, une Cosmographie, d'un auteur inconnu ; cette oeuvre décrit le monde de l'Est vers l'Ouest, partant de Ravenna et y revenant après avoir parcouru les côtes méditerranéennes, en passant par Alexandrie et Constantinople. Confrontée à la pauvreté des sources, l'auteur avoue "la nécessité de traiter les sources qui nous restent avec une précision de médecin légiste, afin de découvrir ce qu'elles racontent des grands événements et de la vie à Ravenne (p. 418). Charlemagne vint à Ravenne et s'en inspira pour son palais de Aachen, Theodoric, le prince ostrogoth régna à Ravenna pendant trente trois ans (493-526), succédant à Galla Placidia et à Odoacre ; il respecta les diverses religions présentes et notamment le judaïsme. Et ainsi va cette histoire de guerres, de célébrations religieuses, de naissances...
L'ouvrage sur Ravenna est remarquablement illustré de nombreuses photos des divers monuments de la ville qui ont survécu (mausolées, basiliques, etc.). L'auteur est indiscutablement fort savante et sait reconnaître ses difficultés ; elle sait aussi mettre en avant les manques. Elle semble connaître par coeur la ville, ses papyrus et ses monnaies, ses mosaïques, tout ce qui fait les quelques siècles d'histoire que couvre cet ouvrage. L'index est utile tout comme la cartographie des premières pages et la description, très concentrée, des pouvoirs militaires, politiques et épiscopaux. Le livre, un beau livre, est indispensable à qui veut connaître l'histoire de Ravenna.