En lisant le résumé et une critique
sur ce roman dans un magazine, j’avais tout de suite été attirée par ce
livre ; aussi fus-je ravie de le
découvrir dans la sélection du Prix ELLE et je ne fus pas déçue.
Anthony Marra explore une histoire récente trop méconnue du grand public :
la guerre de Tchétchénie, du point de vue du personnage d’Akhmed
principalement, médecin pataud d’un petit village qui va se retrouver, comme
tant d’autres Tchétchènes, un peu malgré lui impliqué dans cette guerre dont
les enjeux le dépassent.
Anthony Marra opte pour une construction bien particulière de son roman,
faite de flashbacks et de voix différentes à chaque chapitre, tantôt Akhmed,
tantôt Sonja, la brillante médecin chef de l’Hopital 6 de la
« ville », tantôt Khassan, le père du collaborateur russe. Cette
construction donne sa patte au roman fascinant, parfois difficile à suivre,
comme des souvenirs qui reviendraient par flashs, mais captivant, brutal
indéniablement perturbant.
L’histoire démarre avec l’accueil par Akhmed d’Havaa, la fille de son ami
Dokka alors que celui-ci a été enlevé par les Russes en pleine nuit, dans une
de ces descentes éclairs et terrifiantes dont les soldats russes ont le secret
pour museler et effrayer la population tchétchène. Commence alors pour Akhmed
une quête obstinée pour mettre Havaa à l’abri, car les Russes n’auront de cesse
de retrouver l’enfant : par pure obstination bureaucratique, aucun membre
de la famille d’un traitre ne doit survivre. C’est ainsi qu’Akhmed va
rencontrer Sonja, la renommée médecin chef de la ville voisine, ruine à ciel
ouvert, désespérément démunie
d’instruments et médicaments.
Une
constellation de phénomènes vitaux ne peut pas laisser indifférent et frappe parfois au
cœur en découvrant les absurdités et les horreurs de la guerre tchétchène, mais
surprend également par son incroyable témoignage de la résilience et de
l’ingéniosité des populations civiles pour survivre dans les ruines, les champs
de mines et l’absence de ravitaillement.
« Les
soldats russes n’étaient payés que s’ils utilisaient un certain pourcentage de
leurs munitions. Quand ils en avaient assez de tirer en l’air, ils enterraient
leur surplus de balles puis les déterraient quelques heures plus tard et
touchaient ainsi une prime pour avoir découvert une cache rebelle »
Ce qui séduit et déstabilise aussi dans ce roman, c’est l’extraordinaire
humour de l’auteur, pourtant rendu difficile dans ce contexte parfois très
sombre de ce roman, mais qui n’en transparait pas moins.
« L’Hôpital
6 l’embaucha sans lui demander son CV ni lettres de recommandation. Quand elle
présenta ses références de praticienne à Londres, Deshi roula le document
en boule et le jeta sous son bureau en
expliquant que le Docteur Poubelle prendrait contact avec tous ses précédents
employeurs pour vérifier ses dires. »
Un roman à lire le cœur bien accroché mais dont on sort soufflé.
Une constellation de phénomènes vitaux, d'Anthony Marra chez JC Lattès