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jeudi 23 avril 2015

Les grands



Les Grands fait figure d'ovni dans la sélection du prix ELLE: thème atypique (un groupe de musique qui se retrouve à l'occasion du décès d'une de leurs membres), lieu encore plus atypique - la Guinée Bissau, moment historique peu connu puisqu'à la veille d'un coup d'état qui secoua le pays, et enfin un style très fleuri mais parfois difficile à appréhender.

L'auteur nous emmène suivre Couto, le leader du groupe Mama Bongo, ex-amoureux de la belle chanteuse Dulce qui vient de décéder. A coups de flashbacks, l'auteure nous fait revivre les moments de gloire du groupe, les premiers instants de déliquescence, l'amour commun de la musique.
L'action au présent, elle, se déroule sur un seul jour - pourtant bouleversant à plusieurs titres, pour l'artiste et pour le pays.

Il y a quelque chose de poétique dans ce livre mais également d'assez hermétique pour le lecteur du fait de l'écriture difficile à suivre, des constructions de phrases inhabituelles. Un choix étonnant de mes consœurs jurées - face à d'autres romans apparemment plus ... faciles.

Les grands de Sylvain Prud'homme chez l'Arbalète

Angor



Angor effraye un peu de prime abord par sa masse imposante et sa couverture relativement terrifiante mais on reconnait bien là la marque des policiers de Franck Thilliez ; puis Angor effraye d'autant plus une fois que vous avez le nez dedans : crimes abominables, meurtriers sans scrupules et enorgueillis de leurs atrocités, ambiances glauques et catacombes...

Angor a le double mérite d'être 1) un policier très bien ficelé et 2) de se parcourir d'une traite (ce qui est certes le corollaire du premier) malgré ses 600 pages bien tassées. On y suit l'enquête de Sharko et Lucie, le couple de jeunes parents de la brigade criminelle du 36 quai des orfèvres, suite à la découverte d'une jeune femme retenue captive dans une cave-grotte, découverte au hasard du déracinement d'un arbre pendant une tempête.
De là, on sillonne la France, l'Espagne, l'Argentine à la poursuite d'indices et de pistes plus ou moins prometteuses.

Franck Thilliez suit une construction millimétrée qui permet à chaque chapitre de distiller à la fois suspense et poire pour la soif d'avancement du lecteur, mais peut paraitre du même coup un peu trop calculé ou rigoureux :  une nouvelle information à chaque chapitre qui se "paye" aussitôt par une nouvelle question qui se pose pour les enquêteurs. Cette caractéristique, de même que l'abondance de détails sordides contribuent à ne pas m'emballer pleinement sur ce roman policier - qui par ailleurs, rappelons-le en toute bonne foi, fonctionne vraiment très bien !

Angor, de Franck Thilliez chez Fleuve Noire

La Scierie




Déniché dans une jolie librairie, ce livre m'a tout de suite attirée par sa belle couverture couleur papier kraft et son dessin naïf d'une scierie, puis intriguée par le terme "récit anonyme présenté par Pierre Gripari".

En effet, La Scierie est une sorte de journal de bord écrit a posteriori par le narrateur et auteur, décrivant ses deux ans passés dans diverses scieries pour gagner sa vie entre le bac et l'incorporation au service militaire. L'auteur nous livre ici une sorte d'ode au travail manuel, sans jamais s'apitoyer sur son sort ni toutefois masquer la terrible difficulté et dangerosité de ce métier qui nécessite sans cesse attention, acuité et force brute pour ne pas se laisser happer sous les scies circulaires.

Daté des années 50, ce livre interpelle par son intemporalité et son rythme happant - impossible de lâcher une fois entamé, ainsi que son prologue subtil de Pierre Gripari.
L'auteur captive par sa loyauté, sa dureté, mais également par son style d'écriture qui rend si vivant tous les bruits et stress de la scierie - nous permettant même de passer outre le jargon propre à la scierie utilisé fréquemment au fil du récit (billes, billots, dégo, griffes, ...)
On est frappé parfois par la cruauté du narrateur envers ses collègues, lui qui en vient à espérer que d'autres se blessent - mais également par la terrible réalité de ces métiers où un ouvrier malhabile peut mettre en péril la vie de tous les autres ...

Un récit très atypique, tant par son sujet que par sa forme - confession sans fard d'un jeune homme volontaire sur l'âpreté dont il a fait montre pendant ces deux ans en scierie.

La Scierie, récit anonyme présenté par Pierre Gripari, éditions Héros Limite

lundi 30 mars 2015

L'homme de la montagne


 
Ayant apprécié Un long week-end, je partais confiante dans ce nouvel opus de Joyce Maynard, sans même avoir lu la 4ème de couverture. L’Homme de la montagne  était un titre qui évoquait bien tout ce qu’il y avait alors dans le roman : un type mystérieux, rôdeurs des hauteurs de San Francisco qui va susciter l’enquête de deux jeunes filles pré-adolescentes.

A chaque page, j’ai cru qu’on allait enfin arriver à l’événement clé du roman, jusqu’à enfin arrivée aux 9/10èmes du livre  où j’ai bien dû admettre qu’il ne se passerait désespérément rien à part les réflexions d’une fillette sur un tueur en série et sa condition de future adolescente. Finalement, tout se résout presque magiquement, sous forme d’épilogue bâclé après nous avoir fait mariner plusieurs centaines de pages.

De plus, le roman pêche par sa traduction très hasardeuse et littérale façon Google Translate, une caractéristique étonnante pour une maison d’édition comme Philippe Rey. On notera le « sans particulière attention » (qui traduit directement de l’anglais la position de l’adjectif avant le nom) ou encore le « un peu trop tard pour démissionner » en parlant d’arrêter la cigarette (traduction directe du « quit smoking »).

 En lisant finalement la 4ème de couverture, je reste pantoise devant le terme « rebondissements ahurissants » car rien de tel dans ce roman, ennuyant de bout en bout.

L'homme de la montagne, de Joyce Maynard chez Philippe Rey.

Une constellation de phénomènes vitaux


 
En lisant le résumé et une critique  sur ce roman dans un magazine, j’avais tout de suite été attirée par ce livre ; aussi fus-je  ravie de le découvrir dans la sélection du Prix ELLE et je ne fus pas déçue.

Anthony Marra explore une histoire récente trop méconnue du grand public : la guerre de Tchétchénie, du point de vue du personnage d’Akhmed principalement, médecin pataud d’un petit village qui va se retrouver, comme tant d’autres Tchétchènes, un peu malgré lui impliqué dans cette guerre dont les enjeux le dépassent.

Anthony Marra opte pour une construction bien particulière de son roman, faite de flashbacks et de voix différentes à chaque chapitre, tantôt Akhmed, tantôt Sonja, la brillante médecin chef de l’Hopital 6 de la « ville », tantôt Khassan, le père du collaborateur russe. Cette construction donne sa patte au roman fascinant, parfois difficile à suivre, comme des souvenirs qui reviendraient par flashs, mais captivant, brutal indéniablement perturbant.


L’histoire démarre avec l’accueil par Akhmed d’Havaa, la fille de son ami Dokka alors que celui-ci a été enlevé par les Russes en pleine nuit, dans une de ces descentes éclairs et terrifiantes dont les soldats russes ont le secret pour museler et effrayer la population tchétchène. Commence alors pour Akhmed une quête obstinée pour mettre Havaa à l’abri, car les Russes n’auront de cesse de retrouver l’enfant : par pure obstination bureaucratique, aucun membre de la famille d’un traitre ne doit survivre. C’est ainsi qu’Akhmed va rencontrer Sonja, la renommée médecin chef de la ville voisine, ruine à ciel ouvert, désespérément démunie  d’instruments et médicaments.

 
Une constellation de phénomènes vitaux ne peut pas laisser indifférent et frappe parfois au cœur en découvrant les absurdités et les horreurs de la guerre tchétchène, mais surprend également par son incroyable témoignage de la résilience et de l’ingéniosité des populations civiles pour survivre dans les ruines, les champs de mines et l’absence de ravitaillement.
« Les soldats russes n’étaient payés que s’ils utilisaient un certain pourcentage de leurs munitions. Quand ils en avaient assez de tirer en l’air, ils enterraient leur surplus de balles puis les déterraient quelques heures plus tard et touchaient ainsi une prime pour avoir découvert une cache rebelle »


Ce qui séduit et déstabilise aussi dans ce roman, c’est l’extraordinaire humour de l’auteur, pourtant rendu difficile dans ce contexte parfois très sombre de ce roman, mais qui n’en transparait pas moins.
« L’Hôpital 6 l’embaucha sans lui demander son CV ni lettres de recommandation. Quand elle présenta ses références de praticienne à Londres, Deshi roula le document en  boule et le jeta sous son bureau en expliquant que le Docteur Poubelle prendrait contact avec tous ses précédents employeurs pour vérifier ses dires. »

Un roman à lire le cœur bien accroché mais dont on sort soufflé.

Une constellation de phénomènes vitaux, d'Anthony Marra chez JC Lattès

jeudi 26 février 2015

Mon année Salinger



J’ouvrais ce récit avec la plus grande circonspection : la vie d’une New Yorkaise dans les années 90 étant un sujet pour le moins rabattu et la touche « Salinger » ne soulevait pas l’enthousiasme qu’elle était sensée générer – n’en ayant lu que l’Attrape-Cœurs et encore sans conviction.

Pourtant dès la 2ème page, j’étais mordue et je lus d’une traite ce récit  de Joanna Krakoff sur son année dans le monde de l’édition, au cœur d’une agence littéraire chargée de représenter entre autres, Salinger.
La plongée dans le monde littéraire et l’équivalent new-yorkais du gratin « germano-pratin » s’avère passionnante : on les découvre sous l’angle de cette agence d’auteurs qui vit comme hors du temps tiraillée ses associés réticents à toute nouvelle technologie (PC, scanners …) et une nouvelle garde friande de contrats à enchères, de publicité, de marketing des auteurs, de mode de rémunération plus audacieux.

Le sel du récit provient surtout d’un triptyque intéressant autour de Joanna, la narratrice : sa boss (dont on ne sait jamais le nom), que Joanna dépeint tour à tour avec admiration, pitié, incompréhension, dédain et avec qui la relation ambivalente rappelle bien les relations professionnelles en général ; et enfin Salinger, « Jerry », l’auteur reclus qui ne communique qu’à travers l’agence. Leurs relations à tous les trois évoluent de façon surprenante au fil du récit, emportées par l’actualité plus ou moins heureuse de chacun des trois personnages.

En parallèle, c’est un retour au New York des années 90’s – plus «Girls » que « Sex and the City », plus Brooklyn que Manhattan,  pour suivre Joanna dans sa vie quotidienne avec Don, son petit ami aspirant écrivain et leurs amis aux perspectives incertaines.

On ne lâche pas le récit, captivé par l’histoire ordinaire du monde littéraire tellement bien racontée par Joanna Krakoff. 

Mon année Salinger, de Joanna Reed Krakoff chez Albin Michel

Le Village




Dans la sélection du Prix ELLE, ce roman policier détonne déjà par son contexte historique, peu connu, peu défriché en littérature – et donc d’emblée passionnant : l’Ukraine de l’après-guerre, des purges staliniennes, des traques absurdes aux koulaks, des déportations massives de « travailleurs » en Sibérie (où c’est bien connu il y aura plus de champs à faire fructifier pour faire vivre les millions de Russes que le grenier de l’Europe qu’est l’Ukraine).

Dans un petit village perdu et bien caché des purges, Vyrit, Luka ancien soldat et chasseur, aperçoit un jour, marchant seul et tirant un traineau bien chargé, un homme presque déjà mort qui lui tombe dans les bras. D’abord étonné et toujours inquiet – en ce temps tourmentés, les inconnus dans les endroits perdus ne sont pas bienvenus,  Luka découvre sur le traineau deux enfants morts et mutilés. L’homme inconnu est déjà presque mort, blessé par balle et ne peut pas parler : les a-t-il tués ? les a-t-il sauvés ? Les villageois eux, ne se posent pas la question et chauffés à blanc par la terreur ambiante ne lui laissent pas le temps de se défendre.
Mais bientôt, la nièce  de Luka disparaît et il s’engage donc à partir à sa recherche avec ses fils. Commence alors une longue poursuite dans les bois pour retrouver l’enfant : s’est-elle perdue ou a-t-elle été enlevée ?  Il faudra toute la force et l’expérience d’ancien soldat de Luka pour mener à bien sa quête entre les dangers du froid, le tueur expérimenté qui rôde, les dangers du froid et les guépéistes qui sont en route vers Vyrit pour déporter les koulaks.

Ce roman tient en haleine mélangeant le policier et le roman d’aventure dans un contexte historique captivant. Dan Smith nous offre une traque inhabituelle qui ravit le lecteur par sa fraicheur et ses surprises de narration, avec le bon point supplémentaire de faire porter l’histoire par des personnages attachants et pleins de bon sens (qualité parfois trop rare dans les romans policiers).
C’est aussi une réflexion intéressante sur l’après-guerre pour le soldat, militaire de carrière.

A lire absolument ! 
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