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La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

mercredi 12 mars 2025

On ira, film de Enya Baroux

J’écrivais en 2012 que Quelques heures de printemps (de Stéphane Brizé) m’avait fait grandir, et j’estimais que la prestation d’Hélène Vincent, comme celle de Vincent Lindon, méritait un César.

On ira, le premier long-métrage de Enya Baroux, qui a fait ses armes dans l’univers des séries et qui est aussi comédienne, est de la même veine, à très peu de choses près et avec un côté My Little sunshine en plus. Le voisin Monsieur Lalouette (Olivier Perrier) a laissé place à Rudy, un jeune homme (Pierre Lottin) qui pourrait être le frère du fils (David Ayala), lequel ne sort pas de prison mais n’est pas du tout un enfant modèle et qui sympa mais de mauvaise foi.

Le duo est devenu un quatuor avec une petite-fille (Juliette Gasquet) extrêmement touchante de naturel. On comprend au passage pourquoi la réalisatrice a dédié le film à sa grand-mère (qui n'a pas pu suivre le même parcours). Et avec un aide-soignant fantasque (Pierre Lottin) qui apporte une dimension comique supplémentaire.

La vieille dame a pris de l’âge (80 ans) mais c’est toujours le cancer qui l’emporte. Et la destination finale demeure la Suisse. A croire que depuis 13 ans rien ne s’est amélioré. 

Ah si, la loi a changé et il est devenu légal de désirer en finir dignement si on ne veut pas attendre que ça empire et préférer finir comme une belle pomme. Mais il n’y a que les malades à le vouloir. Les proches, eux, continent à rester dans le déni, parce que ce serait peut-être grandir trop vite.
Marie, 80 ans, en a ras le bol de sa maladie. Elle a un plan : partir en Suisse pour mettre fin à ses jours. Mais au moment de l’annoncer à Bruno, son fils irresponsable, et Anna sa petite-fille en crise d’ado, elle panique et invente un énorme mensonge. Prétextant un mystérieux héritage à aller chercher dans une banque suisse, elle leur propose de faire un voyage tous ensemble. Complice involontaire de cette mascarade, Rudy, un aide-soignant tout juste rencontré la veille, va prendre le volant du vieux camping-car familial, et conduire cette famille dans un voyage inattendu.
La leçon de vie vient de la communauté gitane (Henock Cortes est d’un naturel époustouflant) qui a une autre conception de la mort que la nôtre. On l’accepte et le feu emporte tout, en libérant l’âme du défunt. Avant cela, on aura choisi l’objet (transitionnel) qui nous parlera de lui pour l’éternité. Pas de tombe qui risquerait un jour de tomber en déshérence mais un feu de joie et une fête à laquelle tout le monde est invité puisque tout le monde fait partie de la famille.

Je voudrais signaler la présence d'autres comédiens. La banquière formidablement interprétée par Jeanne Arènes, que l'on voit elle aussi (comme Hélène Vincent et David Ayala) régulièrement sur les planches des théâtres. Elle avait remporté le Molière de la révélation théâtrale féminine en 2014 pour sa performance dans Le Cercle des illusionnistes, mis en scène par Alexis Michalik.

Pierre Lottin avait déjà joué avec Hélène Vincent dans Quand vient l’automne, de François Ozon, et avec David Ayala dans Un triomphe, d’Emmanuel Courcol.

Allez voir On ira, pour en ressortir réconcilié avec le grand Voyage que reprend admirablement Barbara Pravi avec la chanson mythique de Desireless Voyage Voyage (1986) pour clore ce film mais la réalisatrice aurait tout autant pu choisir le titre éponyme de Zaz … si optimiste.

La musique originale a été composée par la violoncelliste Dom La Nena (qui avait aussi signé celle de La vie de ma mère l’année précédente). Regardez-le jusqu'au bout pour ne pas manquer, en bonus, l'interprétation du titre par Hélène et Juliette. Le ton n'est pas tout à fait juste et c'est ce qui fait son charme.

On saluera la manière qu'aura eu Enya Baroux de traiter un tel sujet sous l’angle de la comédie en laissant jusqu'au bout à la fine équipe leurs chaussures de bowling, ce qui leur donne une drôle de démarche, et en glissant des répliques qui font mouche auprès du public, forcément complice, comme : La famille Bélier vous commencez à me gonfler !

Hélène Vincent a dit en interview être personnellement touchée par cette cause en tant que membre de l’association pour le droit de mourir dans la dignité. Elle ne considère cependant pas son rôle comme comme un acte politique car le film n'est pas militant. Il soulève simplement une question qui se pose à beaucoup d’entre nous et aborde un sujet que nous ne pouvons pas ignorer.

Et parce que cette comédie ne perd pas pour autant le sérieux qui s’impose, et qu'il est rempli d'amour, ce premier film est franchement réussi.

On ira, film de Enya Baroux
Avec Hélène Vincent, Pierre Lottin, David Ayala, Juliette Gasquet, Jeanne Arènes, Henock Cortes Yago
Prix d'interprétation féminine du Festival international du film de comédie de l'Alpe d'Huez pour Hélène Vincent (partagé avec Juliette Gasquet)
En salles depuis le 12 mars 2025

mardi 11 mars 2025

Poste restante - Escales sur la Ligne installations immersives de Cécile Léna

Cécile Léna a imaginé des installations immersives sur l'histoire de l'Aéropostale et la fameuse Ligne Toulouse-Santiago du Chili, inaugurée en 1918.

Son travail est de toute beauté, émouvant, minutieux, poétique, absolument pas pédagogique, et c'est ce qui en fait tout l'intérêt. Le visiteur, parce que c'est le mot qui convient pour définir la position dans laquelle se place celui et celle qui viennent rendre "visite" à ces héros sans qui, aujourd'hui, nous ne pourrions pas aller si facilement au bout du monde (même si ce n'est pas sans conséquence sur l'écologie) passera environ une heure, répartie entre 7 escales avant d'embarquer dans un véritable avion pour retourner sur les traces de Saint-Exupéry,

J'écrivais il y a moins d'un mois qu'il y avait en ce moment une vague Saint-Exupéry (1900-1944) propice à redécouvrir ce grand homme, à la fois aventurier et écrivain, peut-être pour mieux le comprendre et ne pas le réduire à l’auteur du Petit Prince, même si cet ouvrage est totalement remarquable.

Après le très joli film de Pablo Agüero, intitulé sobrement Saint-Ex, autant consacré d’ailleurs à l’aviateur qu’à son mentor et meilleur ami Henri Guillaumet (1902-1940), et après l'interprétation de Pierre Devaux du roman Terre des Hommes, au théâtre de La Flèche (spectacle en prolongation), voici donc un format différent, avec cet ensemble d'installations qui sont autant d'évocations merveilleuses des sept principales escales de l'Aéropostale, proposant chacune un regard spécifique sur cette grande aventure. Une cabine est dédiée à chacune : Toulouse, Casablanca, Cap Juby, Saint-Louis du Sénégal, Natal, Mendoza et Santiago du Chili.
Elles sont conçues sous la forme de boîtes d’un mètre cube, chacune installée dans un isoloir recouvert de miroir et sont disposées dans le hall du théâtre en fonction de la place disponible. Dans l'idéal, il faudrait pouvoir les aligner de manière à passer de l'une à l'autre dans l'ordre du voyage, même si ce n'est pas essentiel. Un compteur, placé sous le numéro, permet au spectateur de savoir dans combien de temps le rideau laissera sortir le visiteur qui le précède. Je vous conseille de vous installer confortablement (à bonne hauteur de la scène miniature) et de vous laisser porter jusqu'au bout, générique inclus, par les voix qui vous murmureront, pendant un peu plus de 4 minutes, l'histoire dans votre casque audio et par la beauté époustouflante des images. On sait toujours où l'on se trouve car la bienvenue nous est souhaitée en mentionnant le nom du lieu.

Le résultat est à la hauteur des deux ans de travail effectués par Cécile Léna avec une équipe de plus de 40 personnes.
1 ère étape : Toulouse
Un carrousel romantique tourne au centre d'une place entourée d'immeuble de briques rose. On ne s'assiéra pas sur des chevaux mais on y prendra place à l'intérieur d'avions miniatures. Un voix s'extasie des coups de griffe des étoiles filantes. Le rêve est lancé. Rien n'était alors gagné. L'idée de remplacer le train par l'avion pour permettre au courrier d'atteindre plus vite ses destinataires était tout à fait folle. Certes les sacs postaux étaient précieux mais on peut regretté que beaucoup aient sacrifié leur vie à cette mission.

lundi 10 mars 2025

Un bout de chemin avec Claude Ponti à l'Ecole des loisirs

Nous étions jaunes de plaisir ce matin à la perspective de rencontrer Claude Ponti et de faire un bout de chemin avec cet immense auteur jeunesse.

Je l'avais déjà croisé plusieurs fois en dédicace mais la matinée promettait d'être exceptionnelle en allant au plus profond possible de son oeuvre.

Son éditeur avait rassemblé, en présentiel ou en visio-conférence, quelque 600 personnes dispersées en France, Belgique mais aussi La Réunion, et jusqu'en Australie … C'est Dominique Masdieu qui nous offrit, pour commencer, une analyse poussée (poussine) de la production de cet auteur qui n'est pas tant prolifique qu'on pourrait le croire puisqu'il avoue ne pas pouvoir faire plus d'un album par an (ce qui n'est pas tout à fait exact puisqu'on en compte plus de 80, auxquels s'ajoutent 4 romans, 4 pièces de théâtre). Sans oublier le Muz, créé en 2009 à son initiative avec pour ambition de faire une place aux réalisations de l’enfance qui méritent d’être conservées et communiquées en tant qu’elles font œuvre forte, exprimant une sensibilité, une émotion et révélant un autre regard sur le monde.

C'est en 1990 qu'il rejoint cette maison d'édition, où il s'est imposé comme auteur majeur il y a donc près de 35 ans, après 5 albums publiés chez Gallimard. Pétronille et ses 120 petits fut le premier d'une longue série.
Un mot nouveau est entré dans le lexique : le verbe poussiner car ça poussinait fort ce matin. Il suffisait de jeter un oeil sur l'assemblée, toute de jaune vêtue, avec -de plus- le même bandana jaune poussin noué par chacun. Pour ceux qui l'ignoreraient, le poussin est le premier animal a avoir été dessiné par l'artiste, dès son plus jeune âge et il a dû en "croquer" des millions. Qu'il se soit inspiré de Max et les maximonstres (de Maurice Sendak en 1963) pour créer Blaise est sans doute une légende mais elle est jolie et lui-même l'entretient en faisant sortir l'animal de ce livre.
Isée traverse non pas un miroir mais les pages d'un livre pour commencer son aventure (La Venture d’Isée, 2012). Claude parfois résume sur une double-page une histoire en train de se dérouler comme dans Blaise et le kontrôleur de Kastatroffe (2014).
Il existe des adultes qui ont du mal à entrer dans l'univers pontien, et pour cause car il reconnait lui-même que ses histoires sont "une description du réel à sa façon". Les enfants se sentent immédiatement concernés, y compris les non parleurs, pointant du doigt les éléments qui correspondent à l'histoire, et tout autant les autres ce qui n'est pas dit mais qu'ils ont repéré. Le foisonnement est une des caractéristiques majeures de ses albums.

La littérature est un échange. Interpréter un album en le lisant d'une certaine manière fait courir le risque de passer à côté de l'intention de l'auteur mais donner du sens n'exclut pas le plaisir de la lecture. Et s'il ne fallait retenir qu'une conclusion ce serait que ses histoires accompagnent les enfants dans leur métier de grandir.

dimanche 9 mars 2025

Que servir avec le Floréal Blanc 2024 d'Ibry ?

Si vous ne connaissez pas le Floréal, c'est quasi normal. En effet il s'agit d'un nouveau cépage dont c'est la première cuvée que l'on doit à l'opiniâtreté et aux convictions écologiques de MarianneMichel et Jean Philippe Cros.

Je savais que les propriétaires du Domaine Saint Georges d'Ibry, avaient misé sur ce cépage obtenu par hybridation, né du mariage de cépages déjà existants, sélectionnés pour leurs caractéristiques. Il est résistant aux principales maladies de la vigne (mildiou, oïdium) et permet de réduire de 90% l’utilisation des produits phytosanitaires. Les vignerons en avaient parlé l'an dernier et c'est un plaisir de constater que le projet est concrétisé à travers ce vin unique respectant à la fois les enjeux environnementaux et les attentes du consommateur. Comme ils ont eu raison de prendre l’initiative de planter deux hectares et demi !
Le vin est sec comme un Chardonnay, très parfumé comme un Viognier. Ce blanc 2024 est fruité, surtout sur les fruits jaunes, en particulier la mangue alors que, dans la parcelle, les grains ont un goût un peu herbacé, presque muscat. Il est également festif. Le découvrir est plus qu'une dégustation, c'est une rencontre. J'ai eu envie de le servir en apéritif puis de poursuivre sur une entrée très savoureuse combinant chorizo et tomates cerises puisque les premières viennent d'arriver. La recette est rapide, simple et peu calorique.
On lave puis coupe en deux des tomates cerises de différentes couleurs que l'on fait presque compoter sur une poêle avec thym et romarin. On ajoute de la tige d'ail émincée. Ensuite on saupoudre de sucre pour caraméliser et on déglace au vinaigre balsamique en prenant garde de ne pas abimer les fruits.
On coupe en quatre des feuilles de brick que l'on beurre au pinceau et qu'on place deux par deux dans les alvéoles d'un moule à muffins en formant une corolle que l'on fait dorer au four quelques minutes.
On pose une tranche de chorizo dans chaque corolle cuite puis on dispose les tomates et l'ail de façon équitable. On pose ensuite une corolle sur une assiette sur un lit de pousses d'épinards.
Sous le label IGP Côtes de Thongue (car cette IGP, strictement géographique, n'a pas de contrainte de cépage), cette cuvée Floréal, millésime 2024, est donc la première du nom et elle est à la hauteur de la promesse. Vous pourrez aussi la découvrir autour de charcuteries et de fromages.
A vous de faire le choix qui correspondra à vos envies. Il s'accorde à beaucoup d'assiettes, de l'entrée au dessert. Comme aussi un plat de couteaux ou un dessert de type baba ou Paris Brest.

On pourrait être un peu induit en erreur en ouvrant le carton de 6 bouteilles : chacune porte une étiquette différente, composant un bouquet printanier déclinant les deux mêmes fleurs dans une gamme de couleurs. Aucune n'est véritablement identifiable, évoquant pour moi la délicatesse des pétales de l'escholzia et la rondeur d'un trèfle champêtre. Et sur toutes on peut lire clairement leurs valeurs : biodiversité, biodiversité, environnement, pur, résistant, fruité, délicat, sauvage.

Il ne doit pas faire oublier les autres vins de la gamme. A consommer lui comme eux en toute modération.

samedi 8 mars 2025

Ma mère, Dieu et Sylvie Vartan, un film de Ken Scott d'après le roman de Roland Perez

Quelle chance d’avoir pu voir au cinéma Le Rex en avant-première le premier film français produit par Amazon Prime. Dans le cadre du programme Femmes et cinéma qui célébrait la journée du Droit des femmes en leur offrant cette séance.

Il sera à l’affiche des cinémas français le 19 mars et il faudra attendre 17 mois avant de le regarder sur la plateforme. Franchement, n’attendez pas pour plonger dans cette histoire folle, et pourtant vraie, qu’aucun scénariste n’aurait osé imaginer.

Le réalisateur québécois Ken Scott de Starbuck (2011), connu pour ses films qui mêlent émotion et humour, n’a eu qu’à suivre le texte du roman de Roland Perez publié en 2023 aux éditions Les escales pour tourner Ma mère, Dieu, et Sylvie Vartan, dont il a conservé le titre éponyme.

Leïla Bekhti (Nous trois ou rien, Je verrai toujours vos visages) y interprète la mère, sur plus de 50 ans avec un talent qui laisse présager un prix d’interprétation, Jonathan Cohen  (Sentinelle, Une année difficileest Roland adulte (à signaler la performance des enfants qui se succèdent dans le rôle et qui sont tous remarquables), Jeanne Balibar, malicieuse assistante sociale, Anne Le Ny en rebouteuse, Julia Duchaussoy (dont c’est je crois le premier long métrage) en Sylvie Vartan à ses débuts puis la star elle-même dans son propre rôle, Joséphine Japy, la délicieuse épouse élue par sa belle-mère … J’ai reconnu aussi David Ayala (que je vois surtout au théâtre) dans le rôle de Foenkinos, et qu'on va tout bientôt voir dans On ira.

Chaque plan est joyeux ou émouvant, c’est selon, mais toujours juste. Le public, hier soir, s’est laissé emporter et n’a pas retenu ses applaudissements. Ce sera un succès évident, comme le fut le roman, premier d’une série de trois, dont j'ai déjà chroniqué le dernier Bonne fête des mères, Papa ! et l'avant-dernier, Ma mère, Dieu et LitzieMa mère, Dieu et Sylvie Vartan, était sorti en librairie le 5 janvier 2023 et c’est, il me semble un record de le voir déjà sur grand écran. Les trois romans ont tous été publiés aux Escales, et les deux premiers également en Pocket.
En 1963, Esther met au monde Roland, sixième et petit dernier d'une famille nombreuse. Roland naît avec un pied-bot qui l'empêche de se tenir debout. Contre l'avis de tous, elle refuse le qualificatif d'handicapé, promet à son fils qu'il marchera comme les autres et qu'il aura une vie fabuleuse. Dès lors, cette mère hors normes n'aura de cesse de tout mettre en oeuvre pour tenir cette promesse.
Le film raconte 50 ans de la vie de cette femme dont Roland Perez a bien raison d'être admiratif, rappelant le proverbe juif "Dieu ne pouvait pas être partout, c’est pour ça qu’il a créé les mères".

C'est le récit d'une histoire drôle et bouleversante, qu'aucun scénariste n'aurait osé imaginer et qui pourtant est vraie. 

Combien de médecins Esther a-t-elle pu consulté ? Pour montrer cette valse d'incompétents, le décorateur a choisi de leur donner exactement le même cabinet, avec le même papier peint. Les voir fumer en présence des patients montre bien un monde heureusement révolu.

Il faut écouter les dialogues. L'interventionnisme de l'épicier demandant au nom du voisinage ce que cette maman "attend pour faire appareiller le petit". L'invective de l'assistante sociale contre cette celle qui "condamne son enfant à une vie de misère". Le jugement de Roland à propos de "la foi de sa mère, plus vaste que l'océan".

Mais qui est aussi une mère intrusive, capable de faire un double du double des clés pour rentrer chez son fils à sa guise. Et qui s'étonne quand elle découvre les nouveaux locaux du cabinet d'avocat : J'ai pas compris, il est où mon bureau ?

Je ne vais évidemment pas raconter chaque retournement de situation, même s'ils sont suffisamment amusants pour qu'on puisse les voir et revoir, sans perdre leur fraicheur. On comprend en tout cas que Roland Perez dise qu'il a fait beaucoup d'efforts pour ne plus être ce petit garçon que nous découvrons dans ce film.

Pas plus que le livre, il n'aurait sans doute pas existé si une autre bonne fée n'avait oeuvré pour faire connaitre l'histoire. Sophie Davant a raconté toute l'affaire à Sylvie Vartan. C'est elle qui a incité Roland à écrire son histoire juste après le décès de sa maman. Et si elle ne joue pas dans le film (Ariane Massenet y est censée incarner une fille de télé qui travaillait à Europe 1 avec Roland Perez) c'est simplement parce qu'il n'était pas possible que deux personnalités interprètent leur propre rôle.

Ce qui est le plus sensationnel n'est pas l'amour d'un enfant de 4 ans pour une vedette (ici Sylvie Vartan). On en a connu d'autres exemples. Comme David Lelait-Helo qui a raconté son admiration pour une autre chanteuse dans Quand je serai grand, je serai Nana Mouskouri. Lui aussi d'ailleurs rencontrera son idôle.

Mais ce qui est différent est que, puisqu'il s'intéresse à cette femme, Sylvie Vartan va faire partie du traitement, et il va apprendre à lire avec ses chansons. La méthode de lecture "Sylvie Vartan" gagnerait peut-être à être généralisée …

Quand le miracle auquel sa mère n'a jamais cessé de croire se produit enfin, Roland, sept ans, parvient à faire ses premiers pas. C'est alors un monde nouveau et infini qui s'offre à lui : les trottoirs de Paris, le métro, et surtout l'École des enfants du spectacle... car sa mère ne pouvait imaginer moins. Elle méritait bien que Jacques Chirac lui remette la Médaille d'honneur de la République française, et que son fils dépose le livre sur sa tombe en la remerciant pour cette vie fabuleuse.

Elle a tenu sa promesse qu'il ait une belle vie. Et sa volonté, comme son art de la dialectique, a sans doute été de bonnes influences pour sa carrière d'avocat.

Leïla Bekhti est encore plus époustouflante que dans ses précédents rôles. Aussi drôle que bouleversante. Nul doute qu'il y aura pour elle un avant et un après ce remarquable portrait de famille, car les frères et sœurs, comme le père, ont chacun un vrai rôle

Juste, tendre, hilarant, émouvant, Ma Mère, Dieu et Sylvie Vartan est un équilibre parfait entre le drame attendrissant et la franche comédie.

Ma mère, Dieu et Sylvie Vartan d'après le roman de Roland Perez
Réalisation et scénario de Ken Scott
Avec Leïla Bekhti, Jonathan Cohen, Naïm Naji, Milo Machado Graner, Lionel Dray, Joséphine Japy, Sylvie Vartan, Jeanne Balibar, Anne Le Ny, Julia Duchaussoy, Ariane Massenet …
En salles le 19 mars

vendredi 7 mars 2025

La haute-couture serbe pendant la Fashion Week

C'est la troisième année que la Fashion week de Serbie défile à Paris.

Quatre grands couturiers y ont présenté leurs collections dans le cadre élégant de la Galerie Bourbon, 79 bis avenue Marceau, et sous la houlette de Romain Hulin Boulais (à gauche) et Greg Alexander (à droite), de Méphistophélès Productions, encadrant Suzana Perić.

Le bâtiment fut construit en 1860 pour être la résidence de la famille royale d’Espagne avant de devenir la demeure de Pierre-Georges Latécoère, figure de l’aviation postale, qui y créa la poste aérienne "Transcontinentale" reliant la France et l’Europe à l’Afrique Occidentale et à l’Amérique du sud, comme le mentionne une plaque commémorative à l'entrée, et à propos duquel je reviendrai dans les prochains jours, après ma visite de l'installation Poste restante, escales sur la ligne dont l'inauguration aura lieu le 11 mars prochain.

Nous devrions ce matin nous envoler sous de tels auspices. Cette publication respecte l'ordre chronologique de la matinée. Mais, pour chaque défilé, je n'ai pas placé les photos en suivant le déroulé, de manière à faire ressortir les grandes lignes de chacun. J'ai, dans toute la mesure du possible, et lorsque cela apportait quelque chose de plus, j'ai décidé de montrer les modèles de dos et de face.

1- Houida Baridi fut la première à ouvrir le bal :

Elle a créé sa maison de couture à Dubaï en 1999 et a vite acquis une forte notoriété dans le monde arabe. Elle m'a confié en fin de matinée qu'elle avait à coeur de tout faire elle-même y compris le minutieux travail de mosaïque avec les nacres.

Ses collections ont été présentées dans des villes comme Damas, Paris, Rome, Londres, Saint-Pétersbourg, Milan et Beyrouth. Son travail  fusionne le charme oriental avec les styles occidentaux modernes, s’inspirant souvent de ses racines syriennes. Son dévouement lui a valu une reconnaissance mondiale, notamment un doctorat en créativité, et des distinctions du Conseil des femmes d’affaires arabes et inspirées contemporaines.

Intitulée "Allure artisanale", cette collection est sa façon de transformer des souvenirs d’enfance en art vivant. La nacre, autrefois sertie en mosaïque, scintille désormais sur le tissu. Les motifs de vitraux des maisons historiques prennent une nouvelle forme dans des matériaux rayonnants. Le cuir, façonné en silhouettes audacieuses, est orné de détails sculpturaux inspirés des sculptures sur pierre anciennes. Les pierres précieuses font harmonieusement fusionner couture et haute joaillerie. Chaque pièce reflète l’âme de l’artisanat traditionnel réinventé à travers un prisme contemporain. Au-delà de la mode cette collection se réclame être une célébration de l’histoire, du talent artistique et de l’esprit durable de l’excellence faite à la main.
 
Le premier modèle créé la surprise avec son inspiration XVIII° qui se lit dans ce bustier baleiné et lacé dans le dos, dans un tissu évoquant la peau d'un serpent et la jupe de tulle, raccourcie puisque nous ne vivons plus à cette époque fastueuse.
Nous allons en découvrir une variante plus longue un peu plus tard
Un autre élément rappelle la cour du roi soleil avec ce panier à coudes placé sur un fourreau (ce qui est un comble puisque logiquement cet artifice devait permettre au tissu de s'étaler, devrait-on y voir une pointe d'humour ?), en lamé or, une des couleurs favorites à la cour, avec l'argent que l'on verra dans la suivante …
 où le fendu fait office de transparence.
La broderie ton sur ton et le rembourrage des épaules est une autre composante.
Ci-dessus en version courte, ci-dessous en version longue, vert d'eau ou paille

jeudi 6 mars 2025

On purge bébé, un Feydeau mis en scène par Karelle Prugnaud

Le décor de On purge bébé est relativement imposant, d’apparence classique même si les rayures font davantage penser à un papier peint composé par Daniel Buren qu’à celui qui couvrait les murs des salles à manger bourgeoises du début du XX°.

Des photos noir et blanc, ultra grand format, sont accrochées sur chaque panneau sans qu’on puisse à ce stade reconnaître qu’il s’agit du fils de la maison. D’ailleurs où est-il donc ?

Occupé à jouer sans doute, à moins que ce soit lui qui fasse le singe dans les gradins, cherchant à dompter les spectatrices. Le voilà qui carambole et s’accroche au lustre, dégainant son portable pour photographier des papiers qui traînent sur le bureau de son père. Ne vous étonnez pas si les images naviguent ensuite sur les réseaux sociaux …

Les pampilles s’entrechoquent. Ce môme cherche de toute évidence à se faire remarquer. Des messages défilent sur une bande lumineuse à jardin. Le décor est un mix de Las Vegas, d’ambiance western et de Belle époque. Serions nous dans un ersatz de casino ? L’issue est annoncée. Il suffit de savoir lire : you loose

Les portes vont bientôt claquer de toutes les manières possibles y compris comme dans un saloon. L’endroit va vite devenir un capharnaüm.
Les talons frappent. La diction appuyée de la bonne fait ressortir des allitérations intentionnelles de l’auteur en annonçant les personnages. Madame Folle …… Avoine en fait les frais. Elle joue cartes sur table, nous apprenant que les photographies sont celles de P’tit BB.

Mais voilà Monsieur, endimanché tout à fait dans le ton du décor. Le bonhomme est sur les dents et cherche à maîtriser ses émotions. Une séance de relaxation s'impose d'urgence. Brève mais efficace.

Le bureau est bancal. Très vite, on rit. Tout va vite de mal en pis. Ses affaires s’éparpillent, préfigurant l’écroulement de son projet et sans doute de son industrie.

Nouvel appel au zen et la situation redevient quasi normale un instant.

Follavoine est fabricant de pots de chambre en porcelaine, ce qui en soit est déjà comique pour nous qui n'en utilisons pas. Replaçons-nous un instant dans le contexte de la création de la pièce par Feydeau, lequel soit dit en passant avait bien des soucis avec son propre divorce. Nous sommes en 1910, à l'avant-veille d'une grande guerre, et l'homme s'apprête à recevoir chez lui un représentant du Ministère des Armées dans l’espoir de signer un juteux contrat devant lui assurer 300 000 livres de rente, ce qui est un montant si conséquent que nous l'entendrons en écho. Il a un atout de taille : ses pots sont incassables.

Pour rester dans le sujet, l'auteur a placé tous les projecteurs sur Toto, le fils de Madame, et de Monsieur, qui n'ayant pas "été" ce matin. On aura tout de même attendu 40 minutes pour apprendre cette nouvelle cruciale car ce sera l'élément déclencheur d'une suite de catastrophes. L'enfant doit maintenant d'urgence être purgé. Sauf que le gredin -qui n'a plus sept ans- ne le veut pas. Et ce que "BB" ne veut pas … va mettre littéralement la maison sens dessus-dessous.

Forte de son expérience déployée avec Mister Tambourine Man, au festival d'Avignon il y a quatre ans, Karelle Prugnaud a eu l'idée de pousser le bouchon de ce vaudeville jusqu'au bout en faisant appel à une bande d’artistes rompus aux arts du cirque et de la clownerie. Elle réunit cinq interprètes à qui elle propose d'oeuvrer sur l’apologie de la catastrophe.

Le premier est Nikolaus Holz, qui était de sa susnommée aventure et que le public antonien connait très bien depuis la programmation de Raté Rattrapé Raté (2007) au festival Solstice. Jongleur et clown, arguant que le cassé ne se décassera pasMonsieur Chouilloux va devoir revoir son principe militaire.

Patrice Thibaud, dont j'ai encore le souvenir de l'intermède musical fort délicieux qu'il offrit à la soirée des Molières en 2010 à Créteil en nous offrant un extrait de Cocorico, à l'affiche du théâtre de Chaillot l'hiver précédent, accompagné au piano par Philippe Leygnac. Il est Monsieur Follavoine.

Anne Girouard, l'inoubliable employée de L'augmentation dans la mise en scène d'Anne-Laure Liégeois, venue l'interpréter presque ici-même (le théâtre a été reconstruit, depuis, à quelques centaines de mètres) se glissera dans le déshabillé de Madame Folleavoine.

Cécile Chatignoux, l'hypocondriaque de la série Hippocrate, que la violence tient en éveil face à La voisine (de Sophie Mourais), qui est la Chatignolle dans la famille du cabaret Le secret de Jérôme Marin et qui fut aussi la Fée sous la direction de Karelle dans Une poupée nommée Lola (2016). Autant dire que Rose, la servante, sera "dépotante". Et ça commence par la présentation du décor qui dans la pièce est écrit en didascalie. Mention spéciale à son concepteur Pierre-André Weitz qu'on devrait logiquement retrouver l'an prochain parmi les candidats au Molière de la création visuelle et sonore.

Enfin l'acrobate-cascadeur, fidèle associé de Nikolaus, Martin Hesse pour être Toto, mais qui, hélas blessé en répétition, sera remplacé par Dali Debabeche.

Ces cinq là sont suffisamment "fous" pour qu'on n'en rajoute pas. La metteuse en scène a donc eu bien raison d'alléger la distribution en n'invitant pas Clémence Chouilloux, l'épouse d'Adhéaume Chouilloux, pas plus que son amant Horace Truchet, dont on entendra malgré tout parler.

Le ton montera, crescendo, à mesure que les pots casseront (et ce ne sera pas un effet d'optique comme nous le confirmera Nikolaus) et que le décor explosera. La partition est réglée comme du papier à musique. Le seul bémol est qu'on finit par perdre le fil de cette histoire qui n'est … que d'alerter sur les risques à élever un enfant comme un roi, ce qui devait être tout à fait révolutionnaire au début du XX° siècle alors que la condition féminine tentait de se faire entendre.

Certains spectateurs en ont été abasourdis. Peut-être avaient-ils en mémoire une version tout à fait différente de la pièce, par Emeline Bayart, dont la tournée fit halte au théâtre Firmin Gémier La Piscine, qui est le deuxième établissement de l'Azimut.

Le spectacle est programmé à bon escient dans le cadre d'un Week-end Tous Azimuts Humour, démontrant qu'on peut rire aussi des familles dysfonctionnelles en appliquant le proverbe tibétain qui révèle le secret pour bien vivre : manger la moitié, marcher le double, rire le triple et aimer sans mesure.
On purge bébé, d'après George Feydeau
Mise en scène de Karelle Prugnaud, en co-direction artistique avec Nikolaus Holz
Scénographie et costumes de Pierre-André Weitz 
Chorégraphie Raphael Cottin
Avec Nikolaus Holz, Patrice Thibaud, Anne Girouard, Cécile Chatignoux, et Martin Hesse (en alternance avec Dali Debabeche)
Les 6 et 7 mars 2025
Au Théâtre Firmin Gémier / Patrick Devedjian
13 rue Maurice Labrousse - 92160 Antony
A partir de 12 ans
Tournée à Bayonne les 18 et 19 mars, aux scènes du Jura à Lons-le-Saunier les 25 et 26 mars, au théâtre du Bois de l’Aune d’Aix-en-Provence les 28 et 29 mars, le 17 avril à l’Arc du Creusot, le 25 avril à la maison des arts de Thonon, du 14 au 16 mai à Châteauvallon et du 20 au 22 mai au TAP de Poitiers.

mercredi 5 mars 2025

Marlène Ehrhard expose Icônes à la Galerie Kielle

C'est avec plaisir que je suis revenue dans la galerie Kielle pour voir cette fois une exposition d'oeuvres de Marlène Ehrhard qui toutes s’accordent avec le style de Ezequiel Doria Medina, le styliste, maître des lieux.

Intitulée avec beaucoup d'à propos Icônes, cet accrochage met en valeur les grandes figures féminines que nous admirons toutes (et tous).

Bien sûr toutes les femmes représentées ont été choisies pour leur détermination à mener des révoltes, à réussir leur résilience ou à porter des combats pour davantage de justice.

On reconnait, sans grande surprise, Joséphine Baker, avec sa grâce exubérante et son engagement contre la ségrégation, Frida Kahlo (à travers deux tableaux), symbole de résistance et de beauté dans la douleur, Simone Veil, inaltérable défenseuse des droits des femmes, Amy Winehouse, sublime et tragique figure de la révolte musicale… Autant de destins qui se croisent ici, sur les toiles de Marlène Ehrhard, fusionnant l’âme et la matière.

L'artiste a intitulé l'oeuvre montrant Joséphine Baker (acrylique sur toile, 130 x 89 cm) Les mille facettes de Joséphine, tant il est vrai que ce fut une artiste plurielle. Elle a représenté Frida Kahlo dans son jardin (huile sur toile, 92 x 73 cm) mais je la préfère à sa table de dessin :

Dans le couloir conduisant à la petite salle c'est une galerie de portraits émouvants que nous découvrons, à commencer par la figure révolutionnaire Olympe de Gouges qui n'admettait pas qu'on puisse couper les têtes des femmes à l'égal de celles de hommes sans leur accorder le droit de vote.
On y retrouve aussi George Sand, Flora TristanSimone Weil … et Camille Claudel, dans un style apuré, en noir et blanc. Et puis Gisèle Halimi car la révolte n’a pas d’époque particulière. Colette se montre avec Toby-chien, pas très loin de Juliette Gréco et de Cesaria Evora
Amy Winehouse surprend mais elle est magnifique. Billie Holiday se reconnaît à sa fleur emblématique. 
On aurait remarqué son absence si elle avait été oubliée, Niki de Saint-Phalle a bien sa place ici  :
Vous aurez sans doute noté que toutes ces femmes regardent le spectateur droit dans les yeux, semblant l'interroger : et toi que fais-tu ?

Marlène Ehrhard, alias ME-PARIS, qui est sa signature, est une artiste plasticienne, qui vit et travaille à Paris. Après avoir étudié à l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris, elle a d’abord dessiné en tant qu'illustratrice pour la presse et a été directrice artistique dans la communication. Elle s'est mise à la peinture à la fin des années 80 pour s'engager dans un travail plus personnel d'expression picturale et plastique.

Depuis 2008, elle a collé sur les murs plus de 300 affiches dont des pochoirs originaux et numérotés et plusieurs milliers de stickers en forme de cœur. Ses affiches, rehaussées de peinture, d’inscriptions et de citations représentent les artistes et penseurs qu’elle aime, tandis que les cœurs véhiculent un message d’amour, de respect et de paix. La rue demeure ainsi une interface privilégiée d’exposition.

N'allez pas imaginer que l'artiste ne peint que des femmes. elle a aussi représenté Coluche, Arthur Rimbaud ou le couple mythique Yoko Ono et John Lennon.

Icônes de Marlène Ehrhard 
Exposition du 3 mars au 12 avril 2025 
Kielle Paris - 250 rue de Rivoli - 75001 Paris -  07 45 05 30 37
Du lundi au samedi de 12 h à 19 h - entrée libre
Ezequiel Doria Medina : e@kielleofficial.com
Commissariat : Véronique Grange-Spahis veronique.spahis@gmail.com

mardi 4 mars 2025

Que servir avec un Sauvignon Touraine AOC de Henry Marionnet

Pas n'importe quel Sauvignon, le Vinifera 2022, obtenu de vignes uniques de Sauvignon, plantées franc de pied, donc non greffées, en 2000, évidement bio.

Ce vin est complètement différent de celui obtenu de vignes greffées. Il se caractérise par son élégance.

Le nez est frais, profond, avec des parfums de fleurs blanches, comme l'acacia et l'églantine. il est très fin en bouche, cristallin mais avec une belle amplitude.

On pense à la pêche, à la poire, peut-être aussi au pamplemousse, Il est riche, complexe mais révèle une délicatesse inhabituelle avec ce cépage.

On le doit à Jean-Sébastien Marionnet, du Domaine de la Charmoise, en Loir-et-Cher et j'ai eu envie d'associer ce vin de la Vallée de la Loire, en toute modération, avec une soupe minute. mais, elle aussi, pas n'importe laquelle, un bouillon de type minestrone, avec du poisson et des légumes al dente.

La recette est, comme je les aime, simple, rapide, gouteuse … et légère. Vous pouvez même avoir les ingrédients dans votre congélateur pour le soir où vous aurez envie de la consommer.
Dans l'idéal vous éplucherez et découperez à la mandoline 2 carottes, 2 navets, découperez une botte d'asperges vertes, équeuterez une poignée de pois gourmands et écosserez autant de petits pois. Mais vous pourrez aussi bien prendre deux ou trois poignées de julienne de légumes surgelée.

On place dans de l'eau froide un filet de cabillaud avec tous les légumes, un peu de sel et du gingembre râpé (indispensable) si on le souhaite. On couvre d'un couvercle.

A partir de l'ébullition on compte 12 minutes et on sert aussitôt avec un petit filet d'une très bonne huile d'olive et de la ciboulette ciselée ou des fines herbes de son choix.
Je signale que ce plat est d'un IG (indice glycémique) bas, ce qui est renforcé du fait que les légumes ne sont pas mixés. Car moins l'aliment est découpé petit moins la digestion de ses sucres sera rapide, et moins son IG augmentera.

Ce Sauvignon est également merveilleux sur des fromages.

Jean-Sébastien MarionnetDomaine de la Charmoise - 41230 Soings

lundi 3 mars 2025

L’intimité d’Alice Ferney et L'attachement de Carine Tardieu

Une fois n’est pas coutume (en fait deux avec Hiver à Sokcho) je lis L’intimité d’Alice Ferney qui a précédé L'attachement quelques jours après l’avoir vu et je suis bien d’accord avec Fanny Ardant, qui l’avait recommandé à Carine Tardieu. Il y a là matière à faire un film.

Quelle différence entre l’amour et l’attachement ? Je t’enverrai ma copie double par la poste, entend-on dans le film. Je ne vais pas faire une étude comparée du livre et du film. Il est logique que le premier développe certaines idées bien davantage, car Alice Ferney disposait de davantage d'espace pour commenter les changements de société (le roman en version Babel compte presque 500 pages).

Lire le livre après avoir vu le film équivaut à effectuer des arrêts sur image. des sortes de pauses explicatives dans lesquelles on approfondit chaque aspect de l'attachement, et ce mot revient souvent. C'est un grand plaisir car Alice Ferney est orfèvre littéraire : Les enfants apportent dans nos vies le sentiment du temps et de la perte; ils nous mettent sous le nez l'évidence des transformations que sans leur présence, entre adultes, nous ne remarquerions pas (p. 28).

Elle pointe par exemple (p. 24) voilà où nous en sommes, à annoncer aux gens des choses qu’ils constatent eux-mêmes et à leur refuser l’information qui les intéresserait. Et elle fustige la neutralité administrative pour donner (sans la livrer réellement) une information.

Le livre est profondément féministe : Les femmes se remettent en couple moins rapidement et moins souvent (p. 93). Les hommes s’octroient une liberté que les femmes ne prennent pas (…) C'est fou le mal que se donnent les femmes pour être aimées (…) elles se plient et deviennent des objets (p. 128).

En philosophe, elle rappelle que donner la vie c'est aussi donner la mort (p. 14). Mais ce sont surtout les changements sociétaux qui sont creusés dans le roman qui frôle parfois le documentaire. Ces modifications lui tiennent énormément à coeur et il est essentiel à mes yeux de lire son roman qui est une véritable étude de mœurs, interrogeant la maternité, sous toutes ses formes, depuis le refus de devenir mère (Je crois que c'est au-dessus de mes forces dira Sandra dans le film, comme dans le livre -p. 23) jusqu’au désir d’enfant par toutes les méthodes de procréation, y compris artificielles comme la GPA, et aussi par voie de conséquence la parentalité, le couple …

Alice Ferney lance le débat autour de la GPA, à laquelle elle est connue pour son opposition, sans pour autant se faire juge. Elle s’est manifestement beaucoup documentée et son analyse fait réfléchir. Elle a totalement raison de pointer que si #Me Too a fait avancer le combat contre les violences sexuelles il n'empêche qu'aujourd'hui la prédation procréation succède à la prédation sexuelle. Les mêmes erreurs conduisent aux mêmes folies (p. 124).

L'autrice s'insurge qu'on puisse tolérer et même promouvoir l'inacceptable, comme si les femmes étaient des ventres interchangeables. Elle peut en parler crument : baiser une gamine à l'hotel après le lycée ou lui stimuler les ovaires pour pomper leurs production c'est pareillement indigne. Elle dénonce les médecins complices du business de la procréation. Les désirs des parents aussi : Autrefois ils espéraient un enfant en bonne santé. Aujourd'hui ils le veulent de qualité (p. 461).

Il est logique que Carine Tardieu n'ait pas repris tout cela car le film aurait été tout autre et aurait carrément fait froid dans le dos.

Si on veut résumer le propos, c'est l'histoire de Sandra, (Valeria Bruni-Tedeschi), une quinquagénaire (qui n'a que 40 ans dans le roman) farouchement indépendante, qui partage soudainement et malgré elle l’intimité de son voisin de palier (Pio Marmaïet de ses deux enfants (César Botti est incroyable de naturel dans la peau de ce petit garçon qui comprend tout). Contre toute attente, elle s’attache peu à peu à cette famille d’adoption.

La réalisatrice a conservé l'essentiel des propos féministes tout en les remettant à leur juste place : Y a pas de féministes, que des ordures ou des gens dignes. Elle a gardé ce qui sous-tend le processus d'attachement (justifiant pleinement le changement de titre de l'oeuvre), aussi bien entre adultes et enfants qu'entres les grandes personnes  : Tu fais ton deuil sur moi comme on se fait les dents sur un os. Le résultat est profondément juste et émouvant. Servi par de magnifiques interprétations.

J'ai retrouvé quasi intacte Sandra, la libraire. Elle a changé de nom de famille (je le sais car j’avais repéré sur la sonnette le nom de Ferney, hommage à l’autrice) et le petit garçon ne s’appelle plus Eliott mais Nicolas. J’avoue que je préfère parce que j’étais dérangée par ce prénom qui est celui de mon fils. Je plaisante. La relation entre les deux est bien celle que le film restitue.

J'ai reconnu quelques répliques, des scènes, des bouts de dialogue et c'est jouissif. On se sent en pleine connivence et je ne suis pas dérangée par de minuscules écarts. Ainsi l’appartement de Sandra est-il situé sous celui du couple et non pas derrière la porte en face et elle ne cuisine pas la même chose pour l’enfant. Ce qui est très agréable c’est de s’attarder dans les pensées de cette femme … si attachante derrière sa soit-disante difficulté à nouer des relations avec les enfants. Cela vient du fait qu’elle n’avait pas encore rencontré d’enfant comme ce petit garçon.

Je me retrouve en elle. Il est probable que si je n’avais pas côtoyé des petites prodiges je ne me serais pas autorisée à en avoir un moi-même. Et la réciproque est vraie. Ce sont mes enfants qui m’ont donné envie de creuser la question de la pédagogie.

J'ai beaucoup aimé ces plans de ciels traversés d'oiseaux qui se répètent à intervalles réguliers.

Les dialogues sont ciselés : Ta mission (dit Sandra à Alex) c’est d’être heureux pour donner à Lucille un exemple à se mettre sous la dent sinon elle est fichue. Y a que de l'amour dans ta vie Alex, une petite fille magnifique, ton lien avec Eliott, Emilia et même l'ex de ta femme qui ne ressemble à personne. Et puis … il y a elle aussi.

bValeria Bruni-Tedeschi et  Pio Marmaï se connaissaient. Ils avaient tous les deux joué dans La fracture de Catherine Corsini. L'acteur avait déjà travaillé avec Vimala Pons (Emilia) dans Comment je suis devenu un super héros de Douglas Attal et sont amis dans la vie. Enfin il avait connu Raphaël Quenard (méconnaissable, si ce n’est la voix, et qu'on apprécie de voir dans un style différent de ses précédentes interprétations) sur Yannick de Quentin Dupieux. 

La bande-son est elle aussi très réussie, démarrant avec la version portugaise de "Fais comme l'oiseau" Você Abusou (par Maria Creuza) et se terminant avec quelques morceaux du groupe de musique des Balkans (Les yeux noirs) du compositeur de la bande originale, Eric Slabiak dont j'avais assisté au concert Josef Josef au festival d'Avignon.

L’intimité d’Alice Ferney, Actes Sud, publié en août 2020, collection Babel, en février 2025

L'attachement de Carine Tardieu, en salles depuis le 19 février 2025
Avec Pio Marmaï (Alex), Valeria Bruni-Tedeschi (Sandra),Vimala Pons (Emillia), Raphaël Quenard (David), César Botti (Elliott), Catherine Mouchet (Mère de Cécile), Marie-Christine Barrault (Mère de Sandra) …
En salles depuis le 19 février 2025

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