
On ira, le premier long-métrage de Enya Baroux, qui a fait ses armes dans l’univers des séries et qui est aussi comédienne, est de la même veine, à très peu de choses près et avec un côté My Little sunshine en plus. Le voisin Monsieur Lalouette (Olivier Perrier) a laissé place à Rudy, un jeune homme (Pierre Lottin) qui pourrait être le frère du fils (David Ayala), lequel ne sort pas de prison mais n’est pas du tout un enfant modèle et qui sympa mais de mauvaise foi.
Le duo est devenu un quatuor avec une petite-fille (Juliette Gasquet) extrêmement touchante de naturel. On comprend au passage pourquoi la réalisatrice a dédié le film à sa grand-mère (qui n'a pas pu suivre le même parcours). Et avec un aide-soignant fantasque (Pierre Lottin) qui apporte une dimension comique supplémentaire.
La vieille dame a pris de l’âge (80 ans) mais c’est toujours le cancer qui l’emporte. Et la destination finale demeure la Suisse. A croire que depuis 13 ans rien ne s’est amélioré.
Ah si, la loi a changé et il est devenu légal de désirer en finir dignement si on ne veut pas attendre que ça empire et préférer finir comme une belle pomme. Mais il n’y a que les malades à le vouloir. Les proches, eux, continent à rester dans le déni, parce que ce serait peut-être grandir trop vite.
Marie, 80 ans, en a ras le bol de sa maladie. Elle a un plan : partir en Suisse pour mettre fin à ses jours. Mais au moment de l’annoncer à Bruno, son fils irresponsable, et Anna sa petite-fille en crise d’ado, elle panique et invente un énorme mensonge. Prétextant un mystérieux héritage à aller chercher dans une banque suisse, elle leur propose de faire un voyage tous ensemble. Complice involontaire de cette mascarade, Rudy, un aide-soignant tout juste rencontré la veille, va prendre le volant du vieux camping-car familial, et conduire cette famille dans un voyage inattendu.
La leçon de vie vient de la communauté gitane (Henock Cortes est d’un naturel époustouflant) qui a une autre conception de la mort que la nôtre. On l’accepte et le feu emporte tout, en libérant l’âme du défunt. Avant cela, on aura choisi l’objet (transitionnel) qui nous parlera de lui pour l’éternité. Pas de tombe qui risquerait un jour de tomber en déshérence mais un feu de joie et une fête à laquelle tout le monde est invité puisque tout le monde fait partie de la famille.
Je voudrais signaler la présence d'autres comédiens. La banquière formidablement interprétée par Jeanne Arènes, que l'on voit elle aussi (comme Hélène Vincent et David Ayala) régulièrement sur les planches des théâtres. Elle avait remporté le Molière de la révélation théâtrale féminine en 2014 pour sa performance dans Le Cercle des illusionnistes, mis en scène par Alexis Michalik.
Pierre Lottin avait déjà joué avec Hélène Vincent dans Quand vient l’automne, de François Ozon, et avec David Ayala dans Un triomphe, d’Emmanuel Courcol.
Allez voir On ira, pour en ressortir réconcilié avec le grand Voyage que reprend admirablement Barbara Pravi avec la chanson mythique de Desireless Voyage Voyage (1986) pour clore ce film mais la réalisatrice aurait tout autant pu choisir le titre éponyme de Zaz … si optimiste.
La musique originale a été composée par la violoncelliste Dom La Nena (qui avait aussi signé celle de La vie de ma mère l’année précédente). Regardez-le jusqu'au bout pour ne pas manquer, en bonus, l'interprétation du titre par Hélène et Juliette. Le ton n'est pas tout à fait juste et c'est ce qui fait son charme.
On saluera la manière qu'aura eu Enya Baroux de traiter un tel sujet sous l’angle de la comédie en laissant jusqu'au bout à la fine équipe leurs chaussures de bowling, ce qui leur donne une drôle de démarche, et en glissant des répliques qui font mouche auprès du public, forcément complice, comme : La famille Bélier vous commencez à me gonfler !
Hélène Vincent a dit en interview être personnellement touchée par cette cause en tant que membre de l’association pour le droit de mourir dans la dignité. Elle ne considère cependant pas son rôle comme comme un acte politique car le film n'est pas militant. Il soulève simplement une question qui se pose à beaucoup d’entre nous et aborde un sujet que nous ne pouvons pas ignorer.
Et parce que cette comédie ne perd pas pour autant le sérieux qui s’impose, et qu'il est rempli d'amour, ce premier film est franchement réussi.
On ira, film de Enya Baroux
Avec Hélène Vincent, Pierre Lottin, David Ayala, Juliette Gasquet, Jeanne Arènes, Henock Cortes Yago
Prix d'interprétation féminine du Festival international du film de comédie de l'Alpe d'Huez pour Hélène Vincent (partagé avec Juliette Gasquet)
En salles depuis le 12 mars 2025