Mar 12, 2025 / 1 note
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Livre très déstabilisant.

Je n’ai pas l’impression d’avoir très bien compris, je pense qu’il faudrait le relire.

C’est dommage, énormément d’ingrédients pour me plaire : une maison, dans le Nord imprécis, une solitude introspective, une menace sourde… on a quelques codes gothiques, et on plonge dans la psyché complexe de l’ « héroïne ». Qui réfléchit beaucoup, observe ses semblables, se sent étrangère à tout, cherche à être « bonne », s’applique à être entièrement dévouée. Elle ne pense qu’aux autres, s’oublie, ne sait même pas être en dehors du regard des autres et des pensées qu’elle leur attribue.

Il est question du passé et du langage, de l’impossibilité de dépasser une culpabilité transmise, quelque chose de quasi indicible, qui a à voir avec la judéité.

Enfin seule au domicile de son frère qui s’absente pour une raison obscure (alors qu’elle est venue l’assister à sa demande, lui qui divorce et semble incapable de vivre seul), elle goûte à la nature environnante, aux bienfaits du silence, à l’épaisseur de l’air, à des pensées comme neuves. Peut-être apprend-elle à faire de son asservissement volontaire une force contraire, puisque au retour de son frère, elle semble, tout en continuant de lui être dévouée, prendre l’ascendant…

Mais c’est confus, je ne suis pas sûre de ma lecture. J’ai pourtant l’impression que c’est un texte profondément intéressant, original, subtil. Ça vaudrait le coup de le relire, vraiment. Je ne sais pas si je le ferai parce que j’ai d’autres envies, mais ça me fait râler de frôler un texte important…

En tous cas, l’écriture est impressionnante, pleine de nuances et de fulgurances, de mots érudits, du subjonctif imparfait, on est oppressé par une telle intensité et la prison mentale de la narratrice, c’est tout à fait opérant.

Mar 9, 2025
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J’avais adoré Dégels, alors je me suis jetée sur L’ours ! L’ours !

J’ai moins aimé, je le dis tout de suite. Le début m’a paru un peu maladroit, comme manquant d’aise… et j’ai trouvé qu’il y avait aussi quelques longueurs, voire des répétitions dans le cycle qui éloigne Sam et Elena, les deux sœurs héroïnes, indissociables au début de l’histoire puis qui se fâchent progressivement face à l’ours, en éprouvant dans cette rencontre des réactions opposées.

Malgré tout, j’ai bien aimé l’histoire, et la lecture fut assez plaisante.

La présence de cet ours, de cette force primaire, est exploitée dans les grandes largeurs, c’est assez novateur et intéressant. Que peut produire pour l’âme humaine un face à face avec le sauvage brut ? Une joie d’assister à un événement précieux ou la terreur naturelle ?

Cette rencontre va secouer les choses établies entre ces deux sœurs, déjà malmenées par la vie. Elles font face à l’adversité, déjà, largement : la maladie de leur mère, la violence de leur ancien beau-père, la précarité… alors, faire face à un ours… en plus du reste…

J’ai trouvé intéressant le complexe d’infériorité de Sam vis-à-vis d’autrui, le fait qu’elle se soit construite en espérant une revanche sociale, mais se sentant fragilisée face à plus diplômée qu’elle, vacillante dès que sa sœur s’éloigne.

Pas mal de thèmes sont ainsi abordés, autour de celui de l’ours, représentant l’autre absolu, le risque, l’inconnu, la violence potentielle. Je ne suis pas sûre que tout soit absolument maîtrisé dans ce roman, notamment la jonction de ces différentes problématiques, mais elles ont le mérite d’interroger tout au long de la lecture.

Bref, un livre un chouïa bancal selon moi, mais original, singulier.

Mar 1, 2025 / 4 notes
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Alors que l’heure est grave, et que je suis dans cette partie du monde qui observe, terrorisée, au lieu de subir la folie de quelques « vieux malades », j’ai été attirée puis subjuguée par ce roman de 2021 de Karim Kattan, auteur palestinien.

C’est un roman, une fiction. Pas un témoignage, ou un récit réaliste sur son pays. Un texte très poétique sur son pays, sur le travail de mémoire, sur l’écrasant héritage qui est celui du narrateur et sur l’angoissante actualité (colonisation de la Cisjordanie).

Pourtant, le livre est fantasque ; on y trouve un fantôme, celui de la grand-mère maternelle, un sorcière, et Faysal, un jeune homme perdu. A peine revenu d’Europe où il vivait une histoire d’amour avec un homme, pour enterrer une énigmatique voire hypothétique Tante Rita, il se retrouve dans la maison déserte de sa famille, le fameux palais bâti par son grand-père ambigu, entouré de voix et de murmures qui lui rappellent son passé, son enfance avec le fabuleux oncle Ayoub et tous les disparus, plus ou moins aimables. La fantôme de sa grand-mère est là, et l’exhorte à protéger sa maison, tandis que les colons approchent.

Passé et présent se mêlent dans l’esprit confus de Faysal, il est en lutte avec ce que son pays traverse, ses souvenirs, son envie d’ailleurs, son impossibilité d’agir, cette colère qui ronge chacun des membres de sa famille, et lui-même. Le style est beau, imagé, poétique, exotique pour une lectrice comme moi, mais proche, familier.

J’ai apprécié la liberté de ton, la liberté narrative et le droit revendiqué par l’auteur de créer un récit aussi fictionnel qu’un conte ancien pour parler de famille, de loyauté, de petits mensonges et de grosses trahisons. Ce n’est pas un livre didactique, pontifiant, militant. C’est un livre qui arrache une part de beauté au théâtre sombre de l’histoire de la Palestine, et en cela, c’est un acte politique de résistance très fort.

Un livre qui se situe sur le fil du « temps des abricots », aussi beau que mythique, aussi convoité qu’inatteignable.

Karim Kattan a une voix bien à lui, et il est passionnant à lire, mais aussi à écouter, de-ci de-là, voix rare et précieuse pour ceux qui veulent bien tendre l’oreille au-dessous du fracas de ceux qu’on entend sans cesse.

Feb 27, 2025

Voici les deux chansons qui m’ont plu ces derniers temps.

(Tellement contente de retrouver Shannon Wright 🩶, tout l’album est top.)

Et :

Totale découverte et coup de foudre.

Feb 25, 2025 / 5 notes
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Incroyable livre-thèse-enquête.

Adèle Yon est partie pendant 4 ans à la recherche de son arrière-grand-mère. De sa véritable identité, de sa véritable personnalité, de sa véritable vie.

La presse en a beaucoup parlé, je n’apporterais pas grand-chose ici à mon avis sinon que j’ai trouvé le livre passionnant.

Le livre est composite : mails, documents d’archives, conversations retranscrites, extraits de rapports médicaux. Le livre est également très habilement construit, pour mettre en regard des éléments qui créent des rapports, qui se frottent, se contredisent, produisent des étincelles.

Difficile de progresser quand la famille est silencieuse, volontiers oublieuse. Opiniâtre, Adèle, qui veut comprendre la « folie » supposée de son arrière-grand-mère, va partout, frappe à toutes les portes, plonge dans les archives médicales. C’est pas joli joli. La psychiatrie, à peine débarrassée des clichés sur l’hystérie féminine et ses mutilations subséquentes, cherche encore à calmer -pourrait-on dire- les femmes, dès les années 50, leurs traits de caractères dérangeants, qui les rendent difficiles à dompter, à être aptes au rôle qui leur est assigné. Les asiles deviennent vite des mouroirs où sont rangées des femmes qui dérangent, embarrassent, avec la complicité des médecins. La lobotomie, sans avoir fait ses preuves de guérison, et pour cause, est adoptée et pratiquée à tire-larigot, même de manière itinérante. Elle permet de rendre les femmes (ce sont largement les femmes qui les subissent) plus calmes, dépossédées de leur colère. Parfois elles ne savent même pas qu’elles ont été opérées.

Elizabeth, l’arrière-grand-mère, est de celles-là. C’est terrible. On lui a volé sa vie car elle ne rentrait pas dans le moule.

J’ai été secouée par son histoire. Les pages sur la psychiatrie du XXe siècle sont dures mais importantes à connaître. Encore une fois, c’est la même histoire, possession des femmes par les hommes, droit confisqué de disposer d’elles-mêmes.

La quête de l’autrice est captivante et elle rend justice à ces nombreuses femmes « placardisées », sorties du champ de vision du monde, oubliées, délaissées, niées. Édifiant. Émouvant aussi, car le geste de l’arrière-petite-fille est juste et sensible, sinon réparateur.

Feb 22, 2025 / 2 notes
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Ça ne s’arrange pas… j’ai fini et adoré ce livre et pourtant je traîne des pieds pour en faire la chronique… chose que j’adorais faire, avant.

Je le fais quand même, ne serait-ce que pour garde une trace de cette lecture.

Excellent premier roman, d’une anglaise inconnue. Un livre qui plairait à Kate Bush, je le parie.

Un trauma de l’enfance, la vie rurale, une famille soudée mais qui parle peu, des comptines, une maison décatie que l’on aime. La vie qui suit, la construction de soi, avec ce manque, ces interrogations, la culpabilité, l’incompréhension… être mère, penser à sa mère…

Tout est raconté au plus juste. Tout donne juste dans ce roman. Les descriptions, les actions, leurs imperfections, les détails qui viennent heurter les intentions, la matérialité d’un monde dont on ne peut faire abstraction, et tant mieux finalement.

J’ai adoré. J’étais triste de quitter cette famille de guingois.