Déçue.
La promotion de ce livre est bien faite mais plutôt mensongère. On annonce un roman qui relève de Lovecraft, un digne héritier de Stevenson… un suspense haletant… roman argentin validé par la star de la littérature horrifique Mariana Enriquez… hum… rien de tout cela. Les ingrédients sont bons, le phare, l’asile d’aliénés en Écosse, des traumas de la Première Guerre mondiale, un cas particulièrement complexe…
J’ai trouvé que c’était bien écrit, mais c’est plutôt ennuyeux, et à aucun moment je ne me suis vraiment intéressée aux personnages.
Dommage.
Décidément, les éditions du Sous-sol me séduisent…
J’ai dévoré ce roman étrange et dérangeant d’une jeune autrice napolitaine : Monica Acito.
Elle ne manque pas de personnalité ; il fallait oser, raconter ça, et comme ça. Une famille dysfonctionnelle dirions nous si on voulait faire dans l’euphémisme propret ; mais ce n’est pas du tout l’ambiance du livre, pas du tout. C’est un livre explosif qui déborde de partout. Dans sa langue aussi, surnoms, comparaisons, métaphores, invention de mots, tout se bouscule pour créer un monde unique, fou, et exhibant sa folie.
L’histoire ne se situe pas à un époque nette ; on aurait tendance à le situer dans un passé assez proche, enfin, tout est relatif, disons les années 90 au plus près, mais ça pourrait être les années 50, tant Naples apparaît à part, figée dans une dichotomie bouillonnante qui se décline sur différents niveaux. Deux quartiers s’opposent : celui de Graziella, la pauvre et vulgaire, vite mariée à Pasquale, riche, qui vit à Chiaia, quartier chic. Ils ont deux enfants, le beau et effacé surnommé Uvaspina en raison de sa peau diaphane, et Carmen vite appelée Minuccia. Là aussi, tension maximale. Il y a de l’amour et de la haine entre ces deux-là. Il faut dire qu’elle est un peu zinzin, la Minuccia. Quand on la contrarie, elle devient « toupifole », ou elle toupifole. Elle devient violente et cruelle. Et c’est souvent Uvaspina qui en fait les frais… efféminé, silencieusement homosexuel, épris de livres et de poésie, il détonne dans la famille criarde et théâtrale qu’anime Graziella qui devient, lorsque son mari la délaisse, « la Dépareillée », jouant sa mort, fumant ses cigarettes, réclamant de l’attention, faisant ses tours de magie noire qui prédisent l’avenir. Le mari s’absente progressivement, fuyant son domicile étouffant… dégoûté par ce que sa femme est devenue et ce qu’il devine de son fils…
Le roman est pourtant aussi une belle histoire d’amour. Pas jolie, mais belle. Je ne dirai pas laquelle, mais elle illumine de nombreuses pages, avec un cinquième portrait subtil et poétique, porteur d’espoir. Le roman se fait initiatique aussi, récit d’une tentative d’émancipation.
Mais vous devinez qu’à l’ambiance du livre, l’amour, si profond soit-il, n’est pas un chemin pavé de roses. C’est tortueux, c’est brut, ça allume la colère des autres, ça laisse des taches et des bleus. Ça active la toupifole hélas… la terre est volcanique, et la mer pas toujours douce.
J’ai beaucoup aimé ce livre, je sens qu’il va rester en moi un certain temps, parce qu’il est vraiment singulier. Les inventions langagières, au début, surprennent et déstabilisent, puis donnent tout le sel (marin) au récit, qui est en effet sacrément relevé. On est immergé dans l’univers d’une ville pleine d’histoires d’amour cruelles, une vieille âme, une ville ridée, pas très sage pour autant, un monde qui déraille, mêlant tragique et grotesque. L’amour et la mort sont liées, mains serrées, et l’amour et la haine aussi, comme si c’étaient les deux face d’une mélancolie propre au lieu, à Naples, dont le lustre serait passé, irrémédiablement. Il y a d’ailleurs dans l’intrigue un noeud digne des grandes tragédies antiques, un malheur implacable, aussi terrible que beau.
Alors, je n’ai pas fait exprès d’enchaîner cette lecture avec la précédente, surtout après ce que je disais au sujet du fait que je n’ai jamais lu Stephen King.
Mariana Enriquez est apparemment une grande fan elle aussi du maître américain de l’épouvante. Et c’est vrai que dans son roman (énorme, presque monstrueux !) on trouve comme dans La nuit ravagée, une histoire de maison abandonnée qui attire un groupe d’ados… avec des conséquences graves…
Bref. Je ne cherchais pas vraiment à lire à nouveau un roman horrifique. Mais on m’a conseillé vivement ce livre argentin, et j’ai commencé… pour ne plus le lâcher. A dire vrai, le début m’a énormément marquée, presque davantage que la fin. J’ai été envoûtée, touchée et intriguée par Juan et Gaspar, un père géant et malade, mystérieux et inquiétant, et son fils, enfant intelligent, calme et aimant, habitué aux bizarreries de son père ; ce duo partant en voiture de Buenos Aires sous un soleil écrasant vers une ville, à peine remis du deuil de la mère et épouse, pour une mission étrange, m’a vraiment happée. On comprend que leur relation est forte, fusionnelle tout autant que violente. Non, Juan n’est pas un père comme les autres. Cette mise en place de l’intrigue, de l’atmosphère est totalement captivante et unique. C’est cette relation qui m’a passionnée de bout en bout de cet -épais- récit.
Le roman se découpe en plusieurs parties temporelles, avec des focus sur différents personnages. En gros, c’est de 1983 à 1997, avec des passages dans les années 70, à Londres (la partie que j’ai le moins appréciée, malgré l’apparition récurrente d’un certain David androgyne qui écrit une chanson sur un astronaute !). On apprend à connaître différentes facettes d’une histoire complexe qui se recompose progressivement tel un puzzle, autour d’un noeud COMPLÈTEMENT FOU : Juan est médium pour un culte qui exige des sacrifices humains, l’Obscurité, qui agit comme une bouche immense qui dévore, pour découvrir le message qui permettra l’immortalité. Il sent et peut communiquer avec les morts qu’il voit partout (et qui voyagent vite) ; n’oublions pas qu’en 1983, l’Argentine renoue avec la démocratie après de très longues années de dictatures militaires, responsables d’au moins 30000 morts et/ou disparitions… ce passé à peine passé étant incarné dans le roman par cette armée de morts ou de fantômes, tous ces disparus, que Juan continue de voir, parfois malgré lui. Car les médiums, rares, sont voués à une existence de souffrance, penchée au-dessus de l’abîme, ou de l’inconscient. Juan n’a pourtant pas l’âme sacrificielle… il est violent lui-même, et désireux d’avoir sa propre famille, et un enfant libre de tout héritage contraignant. On met un certain temps à comprendre sa logique, son combat pour affranchir son fils du don qui est aussi malédiction.
L’imagination de Mariana Enriquez, bien nourrie de classiques gothiques anglais ou américains, a aussi bénéficié des légendes de son pays, et elle semble infinie. Elle a digéré tout cela, sans oublier la politique de son pays, et les fantasmes paranoïaques de notre époque, et a mélangé tout ça dans un grand périple façon train fantôme, où l’immobilisme est dangereux. L’inquiétude est au cœur de son récit. Il faut se sauver de cette main qui vous attrape, de la noirceur qui veut vous avaler. Il y a des scènes ahurissantes, atroces. Et pourtant, on lit, concernés, ces histoires de forêts pleines d’arbres recouvertes de mains tranchées, ces scènes de transes occultes, parce qu’elles sont mélangées avec un art du récit direct, à ras de conscience des personnages, que ce soit celle d’un jeune enfant qui ne souhaite que l’amour de son père, ou celle d’un homme souffrant luttant pour sa survie, non par peur de la mort, mais pour accomplir sa volonté précise.
C’est éclatant, beau, chaotique, éreintant, douloureux, effrayant, mais surtout, envoûtant. Sans doute que ça fait vibrer en nous, lecteur, notre part sombre, la part inquiète, la part enfantine, la part primitive, notre part de nuit, en somme.
Un roman d’une force incroyable.
Alors.
Je n’ai jamais lu Stephen King (🫣 merci de ne pas m’en vouloir). Je sais maintenant pourquoi.
Le roman ci-dessus est un hommage déclaré à ce dernier. Un hommage aussi au cinéma horrifique des années 80-90, que je connais mal. J’ai quand même eu envie de lire car #maisonhantée.
Je pense que c’est un roman très réussi. Bien écrit, bien construit. J’ai beaucoup aimé la première partie où le narrateur plante le décor et campe ses personnages de grands adolescents dans un lotissement d’une commune péri urbaine de Toulouse, cinq adolescents qui s’ennuient passablement au lycée, vivent dans des familles plutôt dysfonctionnelles, mais se considèrent encore plutôt épargnés par le sort, n’ayant pas encore subi de véritables traumatismes, et tentés par une insouciance bien agréable. Ils ressentent cependant une menace sourde qui est à la fois celle des temps à venir, et celle de la bascule dans l’âge adulte, ô combien peu désirable.
Une maison décatie et abandonnée exerce cependant une attraction irrésistible dans leur quartier. Eux qui connaissent les codes des films d’horreur, savent que cette maison recèle un bon potentiel de sensations fortes. Ils vont être servis.
C’est intriguant au début comme on glisse dans le fantastique, la maison se révélant une fabrique à fantasmes, les exposant successivement à leurs désirs ou peurs les plus enfouies. Puis, la machine s’emballe.
A partir de là, j’ai été moins à l’aise, moins intéressée, et presque agacée. Parce que comme l’explique en postface l’auteur, l’horreur est assez limpide : c’est la matérialisation des angoisses et des désirs. Une fois qu’on a compris ça, on n’est plus vraiment étonné. Même si l’imagination de l’auteur est assez impressionnante pour trouver des développements sanglants et révulsants. J’ai donc « subi » la dernière partie, le feu d’artifice de scènes horribles et de visions ahurissantes. Je n’ai pas eu peur, mais plutôt été dégoûtée. Et j’attendais d’en finir.
Je ne suis tout simplement pas le bon public. Je n’aime pas ça. Je suis sûre que des quarantenaires qui ont la même culture et les mêmes références que l’auteur en revanche seront ravis de lire ce récit fort bien fait. J’ai largement préféré la mélancolie suggérée au début de ces ados qui devinent le « mal » et la peine dans leur voisinage, dans les faits divers proches, sous le crépi des façades de ces maisons d’un lotissement tristement banal qui offre un bonheur standard, calibré, qui manque singulièrement d’espoir.
Bon. Les anglais ont LE TRUC EN PLUS, le JE-NE-SAIS-QUOI qui m’émeut.
Voici deux séries, (je n’ai pas fini de voir In my skin) qui m’ont rendue dingue ces derniers 15 jours.
Adolescence, vous savez sans doute de quoi il s’agit, vu le battage qu’il y a eu, largement mérité. Enfin une série fine et captivante qui parle d’un sujet crucial pour nos mondes, nos société : l’injonction à être homme, même souterraine, même aimante, qui devient toxique et meurtrière. J’ai été bouleversée, au point de ne pas dormir, étant mère d’un ado de 13 ans moi-même. Ces questions, il faut se les poser, individuellement et collectivement. Qu’est-ce qu’on transmet à nos enfants ? Comment les aider à traverser cette période magique et dangereuse de l’adolescence où l’on se construit et où l’on peut se détruire (ainsi que d’autres, au passage ?). Une grosse claque, grâce à Stephan Graham et au jeune acteur, incroyables.
Et In my skin, fabuleuse série galloise de 2 saisons, avec une héroïne mytho, en plein déni de réalité familiale, qui pourtant assume ce que plein d’adultes n’arriveraient pas à assumer, comme la santé mentale défaillante de sa mère et l’alcoolisme toxique de son père. Malgré la gravité des thèmes abordés, ce qui m’a frappée dès l’épisode 1, c’est la vitalité de l’héroïne, Beth, se capacité à choper le bonheur quand il apparaît, même fugace, sa faculté à rire et à apprécier les moments rares et importants, son écoute des autres, alors qu’on sait que l’adolescence n’est pas le moment le plus propice au décentrement…
Ces deux séries britanniques plombent et revitalisent EN MÊME TEMPS le spectateur. Ce sont des bijoux. Admirablement joués, pleins de finesses psychologiques et sociales, attentives au réel et à notre époque. A voir absolument pour saisir ce moment si spécial de l’adolescence où tout est grave et léger, où l’on fait tout pour la première fois comme disait Truffaut, ce qui continue de me chavirer malgré les années qui s’accumulent.
Chouette roman policier. C’est bien écrit, et dépaysant.
Un peu long peut-être, en même temps, si j’ai mis du temps à « entrer » dans le roman, j’y ai ensuite été à l’aise, avec cette narration polyphonique et ce foisonnement de personnages, et les sauts dans le temps.
Le suspense est bien entretenu, on ne sait vraiment pas le fin mot de l’histoire avant les tous derniers instants.
J’ai aimé les personnages féminins, intéressants, variés et forts, du récit. Et j’ai toujours ce faible pour les récits qui s’attardent sur l’adolescence ; ici la fin de l’adolescence principalement, au début des années 70.
L’immersion dans la nature est réussie aussi avec pour cadre l’immense forêt américaine des Adirondacks et ce camp de jeunes qui viennent se frotter au sauvage.
Oui, c’est un livre harmonieux si je puis dire, avec une identité bien définie, agréable dans sa cohérence : un thriller situé dans le passé, au cœur de la forêt, qui mêle une satire sociale et des récits d’apprentissage, dans lequel on traîne suffisamment longtemps pour apprécier les personnages et leurs parcours.
Je ne partage pas les avis dithyrambiques que j’ai lus cependant, je ne pense pas que ça soit le livre du siècle, mais c’est une lecture captivante et agréable. Petit reproche : les riches sont vraiment affreusement bêtes et méchants. Un peu trop, ça manque de nuance…