C’est aussi la ville de naissance de celle qui fut la plus adorée des grands-mères françaises, Lucienne Moreau, égérie de Canal +, un amour de vieille dame avec qui j’avais eu la chance de sympathiser.
Mais c’est aussi l’ancienne capitale du pays bleu, à savoir de l’ardoise. On a de ce matériau l'image des toits qui ont donné leur couleur aux villages. Mais à l’époque on en faisait aussi des murets. Aujourd’hui il sert pour des remblais, entourer les pieds de vigne? C'est un revêtement de cuisine et de salle de bains, et il est toujours présent sous le tapis vert des billards.
On peut visiter le musée qui s’est installé "naturellement" dans une ancienne maison de mineur dont nous verrons l’intérieur à la fin de cet article. Il appartient à la commune mais il est géré par l’association des anciens perrilleurs, voire de leurs descendants et les gens y sont très attachés.
On les appelle aussi perreyeurs. Ils étaient littéralement les ouvriers qui construisaient les perrés, revêtements en pierre pour protéger les abords d'un pont, les berges d'une rivière; par extension, tailleur ou carrier. En région angevine on dit plus simplement ardoisiers. Partout ils avaient leur vocabulaire. Les chariots sont désignés par le terme de crapauds. Autrefois tractés par des chevaux (ou des hommes) les trains les ont remplacés quand on a modernisé.
Tout est étrangement calme et désert aujourd’hui mais il faut s’imaginer ce que c’était au plus fort de l’activité quand le site employait entre 300 et 400 hommes, y compris des femmes et des enfants, dès 7-8 ans.
Les quatre hectares de "butte", le chevalement, les constructions de l’ancienne exploitation préservées dont le bâtiment de la machine d'extraction en pan de fer et brique, les tue-vents et cabanes reconstruites rappellent l’ancienne exploitation ardoisière abandonnée en 1975 et font du Musée un site patrimonial authentique. Il a été plusieurs fois le cadre de spectacles des Nuits de la Mayenne.
Le puits est ici de 300 à 400 mètres de profondeur. On descendait dans une cage, avec les chevaux et les ânes quand on les employait. Jusqu’en 1984, le visiteur pouvait lui aussi emprunter cet ascenseur mais la balade est désormais limitée à ce qui est visible en surface. Le musée renferme surtout des outils, des machines et beaucoup de photographies anciennes retraçant le travail de la mine en Mayenne, au cours des 5 siècles d’exploitation du schiste ardoisier à Renazé depuis le travail d’extraction et la taille des blocs.
L’ardoise a commencé à recouvrir les maisons de la région au XI°, et son essor date seulement du XV°. Mais selon une légende, probablement forgée vers 1820, le début de l’exploitation de l’ardoise remonterait au VI° siècle lorsque Saint Lézin aurait découvert la fissilité du schiste ardoisier et suscité l’introduction de l'ardoise dans les toitures angevines.
Toujours est-il qu’à Renazé la carrière fut gérée au XV° par une abbaye. Le trou était de 4 mètres sur 4 et on y descendait sans échelle. l’exploitation se faisait alors à ciel ouvert, puis on creusa en gradins, et enfin on appliqua la troisième méthode dite « en descendant » pour atteindre le sous-sol. A ce stade la carrière est exploitable environ une centaine d’années. Ici elle ne le fut que 34 ans de 1941 à 1975. On a fermé pour deux raisons, la fusion de la trentaine des carrières qui se trouvaient dans le périmètre et parce que le patronat a préféré investir en Espagne. En France les mines étaient plus difficiles à exploiter, donc moins rentables et Renazé fut la dernière à fermer.
Une liste est affichée dans une salle du musée comportant les surnoms des ouvriers car chacun en possédait un qui lui était attribué officiellement. Par exemple Poidemai pour un gars Poirier né en mai, Louis XIV pour le 14ème d’une fratrie. Le treuilliste devait savoir lire et écrire pour noter la quantité de travail de ses collègues dans la chambre. Il rendait compte au contremaître qui en déduisait les salaires et garantissait la productivité, ce lui valait d’être surnommé belle-mère, car il était toujours sur votre dos. Il est amusant de savoir que ce terme est souvent employé. Il désigne une épingle à nourrice pour les costumières dans l'argot des métiers.
Mon guide m’a fait remarquer que la Mayenne est hélas très bien placée dans ce palmarès. Il m’apprend que Rénazé comptait 72 cafés au début du XX° siècle, encore 18 aujourd’hui. Et je me souviens du temps où l’expression "boire un café" sous-entendait café + calvados, sans ambiguïté.
A midi, la pause ne dépassait pas 25 minutes pour manger du pain recouvert de saindoux (graisse de porc).
On travaillait debout à la presse à fendre. J’entends nettement le petit craquement du schiste. Les copeaux qui se dégage mtn sont très compacts. La manipulation se fait avec le genou. Plus tard on effectuera la taille finale avec une sorte de massicot (c’est le rondissage qui biseaute) avant de les empiler.
S’agissant de l’apprentissage, celui-ci n’était pas encadré et on travaillait à son compte quand on s’estimait prêt.
Un diaporama datent de 1987 raconte tout le chemin de l’ardoise, aussi bien le travail du fond que de surface, de découpe de bancs de 3 à 6 mètres en montant, dans une chambre de 20 mètres sur 30 de haut, 60 de long, chaque banc ne devant pas excéder un poids supérieur à 5 tonnes à remonter comme indiqué précédemment. On utilisait alors la poudre noire et non pas de la dynamite qui aurait tout broyé.