Savonarole, d'Aimé Richardt

Publié le 30 août 2023 par Francisrichard @francisrichard

Jérôme Savonarole (1452-1498) est un religieux condamné par l'Église pour schisme et instauration d'un régime théocratique à Florence. Des catholiques lui accorderont respect, confiance, voire admiration; des protestants, tels que Luther, verront en lui un éminent précurseur de la Réforme.

C'est son histoire qu'Aimé Richardt raconte dans ce livre en en restituant le contexte. Il en ressort que les moeurs de l'Église sont contraires à son enseignement, jusques au sommet de la hiérarchie, et que Jérôme Savonarole va s'insurger contre, à partir du moment où il en fera lui-même partie.

Ce qui frappe dans cette époque de chrétienté, c'est l'intolérance des uns et des autres qui n'est pas sans rappeler ce que nous vivons dans la nôtre, où des mots sont des appels à des actes qui nous choquent parce que, du moins à ma génération, nous avons appris à les trouver répréhensibles.

À lire cette biographie, il est difficile de prétendre que Savonarole ait commis des actes condamnables. Il n'est pas de ceux qui disent de faire ce qu'ils ne font pas eux-mêmes. À ce point de vue, sa vie est irréprochable. Mais ce qu'il dit n'est pas toujours crédible, est dur, parfois contradictoire.  

Après des études universitaires, il reçoit l'appel de Dieu en mai 1474 et quitte la maison paternelle sans guère d'explications, un peu moins d'un an plus tard, en avril 1475, pour se rendre au couvent dominicain de Bologne, où il revêt l'habit des mains du prieur et se forme pendant sept ans.

Depuis ses 20 ans, Jérôme écrit des poèmes. Il continuera cette activité pendant toute sa vie, ce qui démontre qu'il a une bonne culture. À chaque grande occasion, il en compose, mais ce sont ses prêches qui vont, peu à peu, retenir l'attention, mû par une illumination qu'il aurait eu à 22 ans.

Dès lors il prophétise qu'un fléau s'abattra sur l'Église si elle ne s'amende pas et n'opère une profonde réforme... Il y a à cela sept raisons: la criminalité, la luxure et l'idolâtrie, les mauvais bergers, les faux prophètes, la diminution de la foi, la décrépitude de l'Église et le mépris des saints.

Écarté pendant un temps du couvent dominicain de Florence, après avoir été à Bologne, Ferrare et en Lombardie, il y retourne en 1490, à l'invitation de Laurent le Magnifique, sous les instances de Giovanni Pic de la Mirandole. Il y donne des leçons sur l'Apocalypse au grand retentissement.

Son destin bascule après sa prédication du 27 avril 1791, où il se montre d'une rare véhémence. Les pauvres et les opprimés y trouvent la justification de leur mécontentement tandis qu'elle indiffère les riches et que Laurent le Magnifique se sent visé et ne lui oppose qu'un piètre prédicateur.

Après la mort de Laurent le Magnifique, devenu prieur du Monastère Saint Marc, Jérôme Savonarole se fait prophète non plus sur la base des Écritures mais sur les révélations qu'il se persuade que Dieu lui ferait directement, tout en prétendant que l'Ancien Testament reste la source de ses visions.

Après l'élection du pape Alexandre VI, la chute des Médicis, la nouvelle vision qu'il décrit en chaire le 1er avril 1495, tout va changer pour Jérôme Savonarole dont d'aucuns mettront alors en cause la bonne foi. Ses attaques contre le pape lui vaudront excommunication et défections de partisans.

Lui qui avait étésaisi d'une rage punitive (bûcher pour les sodomites, extirpation des mauvais prêtres, enfermement des prostituées au bordel, lourdes amendes pour les joueurs, percement de la langue des blasphémateurs, interdiction des bals, etc.) finira pendu et brûlé après avoir été torturé.

Après s'être rendu aux autorités civiles qui menaçaient de mettre le feu à son couvent, il avoua sous la torture que son but était la gloire, le crédit et la réputation. C'était un reniement total de l'oeuvre de sa vie. Seul un de ses deux compagnons, arrêtés avec lui, et torturés, ne l'aura pas renié.

L'Inquisition les condamnera comme hérétiques et schismatiques, les remettra au bras séculier qui doit les exécuter par pendaison: leurs corps devront ensuite être brûlés afin que le feu purifie la terre de leur passage, et leurs cendres dispersées pour effacer toute trace de leur passage sur la terre.

Il ne faut jamais oublier le contexte, ni juger avec les yeux d'aujourd'hui. Mais l'on ne peut s'empêcher de faire des rapprochements avec un autre épisode de l'histoire, la Révolution française, où des mots, suivis d'actes, ce qui ne peut être reproché à Savonarole, se sont retournés contre leurs auteurs.

Francis Richard

Savonarole, Aimé Richardt, 154 pages, SOTECA (sortie le 30 août 2023)

Livres précédents:

Chez François-Xavier de Guibert:

La vérité sur l'affaire Galilée (2007)

Calvin (2009)

Saint François de Sales et la Contre-Réforme (2013)

Jean Huss, précurseur de Luther (2013)

Bossuet, conscience de l'Eglise de France (2014)

Lacordaire - Le prédicateur, le religieux (2015)

Chez Artège:

Lamennais le révolté 1782-1854 (2017)

Zwingli le réformateur suisse 1484-1531 (2018)

Montalembert (2020)

Le Catholicisme social en France (1830-1870) (2020)

Saint François Xavier - Le missionnaire (2022)

Chez SOTECA:

Saint Vincent de Paul (1561-1660)-Le miséricordieux (2022)

Le saint curé d'Ars (2023)