Bien que peu de monde ne semble en prendre conscience, parfois même parmi les premiers concernés, l'identité digitale représente un enjeu colossal pour l'avenir des interactions en ligne, justifiant largement des batailles souterraines titanesques. Ainsi, beaucoup, par exemple en France ou dans la lignée des travaux de la commission européenne en la matière, considèrent qu'elle ressort exclusivement d'une responsabilité régalienne de l'état. Mais il peut être utile d'étendre le champ de vision.
En effet, dans le monde digital d'aujourd'hui, il n'est pas seulement question des documents officiels permettant à chaque individu de justifier de son identité dans toutes sortes de démarches administratives sensibles. En réalité, le concept englobe désormais toutes les informations, plus ou moins confidentielles, directement liées à la personne, dont la captation et les usages se déclinent dans une multitude d'expériences de la vie quotidienne… en dehors de tout contrôle véritable (en dépit des réglementations).
Voilà pourquoi, d'une part, les plates-formes susceptibles de remettre de l'ordre dans la cacophonie ambiante et, surtout, de redonner aux consommateurs le pouvoir sur leurs données et l'exploitation qui en est faite (en conformité avec des législations qui se généralisent un peu partout) sont au premier plan d'une compétition cruciale, et, d'autre part, les institutions financières possèdent une certaine crédibilité à y jouer un rôle de médiateur en raison de la confiance sur laquelle elles peuvent capitaliser.
Dans cette double perspective, la stratégie affichée par les banques espagnoles, dont BBVA se fait maintenant le porte-drapeau avec un lancement opérationnel annoncé pour le 10 mai prochain, apparaît résolument pertinente. En résumé, leur idée consiste à enrichir leur application de paiement mobile Bizum (portée par une soixantaine d'établissements et forte de plus de 23 millions d'utilisateurs inscrits) de capacités de gestion d'identité, d'abord destinées aux besoins des commerçants en ligne.
En pratique, rien de révolutionnaire, en apparence : l'internaute pourra dorénavant valider son panier d'achat en fournissant simplement son numéro de téléphone, puis en confirmant sur son appareil, en même temps que le paiement, la transmission des informations requises afin de finaliser la transaction (ses coordonnées complètes, par exemple), dont la liste détaillée lui est soumise. Ce qui fait la puissance de cette déclinaison d'une approche connue est qu'elle couvre d'emblée une portée étendue.
Pour les commerçants, la nouvelle option offre une opportunité incomparable de fluidifier le parcours client et donc d'augmenter mécaniquement les taux de transformation, en sachant qu'elle sera accessible à la majorité de leur audience (justifiant l'investissement à consentir). Incidemment, elle présente aussi, pour les banques, l'avantage de créer une raison supplémentaire d'utiliser leur instrument de paiement. Et le développement de l'adoption donnera ensuite du poids à un élargissement des usages de leur identité « digitale » hors e-commerce, jusqu'à, pourquoi pas, en faire la référence nationale.