Bon ben voilà, c'est raté pour le triathlon français. Fred Belaubre n'a pu faire mieux que dixième, trop juste pour pouvoir suivre le rythme des meilleurs à pied. Tony Moulai a bâché et Laurent Vidal finit très loin, à la 34e place. Comme hélas trop souvent, la course s'est résumée à une course à pied. Et à ce petit jeu, les Tricolores ont explosé dans la fournaise. Alors évidemment, dixième à des Jeux olympiques, bien sûr que c'est honorable. Mais quand on rêve tous d'une médaille, c'est forcément décevant. Au lieu d'une grosse couverture médiatique, le suivi du triathlon se résumera à quelques lignes dans les journaux, quelques interviews à la radio et basta, on passe à autre chose. Ce sont les Jeux, pas le temps de s'éterniser sur une discipline qui ne fait pas grossir le tableau des médailles. Et le pire, c'est que l'on va encore plus ramer auprès de nos chefs pour "vendre" des papiers de tri. Pourtant ce matin, malgré l'extrême fatigue (franchement on est tous mort), je m'étais levé d'un coup, excité à l'idée de vivre peut-être une grande journée pleine d'émotions. Alors même si j'en ai eu bien sûr (et je ne parle pas seulement du plaisir d'avoir enfin croisé Charline), la matinée laisse un goût amer. Pas de sourire à l'arrivée, pas de rires, pas d'étincelles dans les regards. Juste des athlètes meurtris, des larmes, des regrets. Pour les athlètes, la désagréable sensation d'avoir bossé quatre ans pour rien. La cata. Ils mettront sans doute du temps à s'en remettre. Dommage. Mais bravo aux autres, à l'Allemand Frodeno, licencié à Sartrouville, à Simon Whitfield, le canadien, premier champion olympique de l'histoire, en 2000 à Sydney et au Néo-zélandais Bevan Docherty, un chic type. On se réjouira aussi de l'ambiance sur le site. Le triathlon a gardé son côté "cool". Une sécurité très légère, une bonne ambiance, un joyeux bordel parfaitement maitrisé et plein de jolies filles !!!! C'est toujours ça...
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Plus beau, plus intense, plus émouvant. Voilà ce que pourrait aussi être la devise olympique. Je continue de prendre mon pied dans ces Jeux de Pékin. Je vais finir sur les rotules (j’en suis déjà pas loin... merci M. Guronsan...) mais ça vaut le coup de se mettre minable et de sauter d’un sport à un autre. Le revers de la médaille c’est qu’on ne voit rien de Pékin si ce n’est les rocades, autoroutes et voies rapides empruntés pour nous rendre sur les divers sites. Pour le tourisme, il faudra revenir une autre fois. Mais pas grave. Le but premier est de repartir avec un max d’images fortes en tête. Hier, une m’a particulièrement marqué. En quittant le site du triathlon avec mon collègue de L’Equipe Ollivier et Stéphane de Triathlète, nous étions juste derrière Jessica Harrison. La course était finie depuis longtemps et Jess repartait vers les " vestiaires ". Puis elle s’est retournée, a regardé longuement le site qu’elle quittait en donnant l’impression de savourer pleinement cette joie d’avoir disputé un triathlon olympique. Elle semblait vouloir graver bien profondément ces images. C’était juste… beau.
Des images comme ça, ils en surgit partout où l’on va. Après avoir été assisté dimanche soir à la finale du simple hommes de bad, je suis allé hier soir à celle du par équipes de tennis de table. A chaque fois, la victoire chinoise étant quasi assurée, je voulais profiter d’une ambiance à coup sûr explosive. Et je n’ai pas été déçu. Quand Lin Dan a achevé de donner la fessée au Malaisien, pourtant n°2 mondial, mais complètement submergé par le Chinois, la salle a explosé. Idem quand la dream team chinoise de ping (les trois joueurs dans le Top 4 mondial…) a fini de régler son compte à l’Allemagne. Bien évidemment, les esprits chagrins estimeront que ces Jeux vont encore renforcer l’esprit patriotique des Chinois. Mais comment serions-nous si nos sportifs raflaient autant de médailles ? (ok, c’est de la fiction…même si au nombre de médailles de bronze, on les talonne les Chinois… ben oui quoi faut bien positiver…)
Le gros problème dans un tel événement est de lutter contre la tentation du sentiment de frustration. On aimerait être partout. Mais il faut bien faire des choix. Et puis bon, on est quand même un peu là pour travailler et on est tout de même obligé de temps en temps d’aller là où nos chefs nous envoient. Heureusement, étant 50 sur place, cela permet d’avoir une certaine souplesse et de pouvoir considérablement influer sur son emploi du temps.
En ce qui me concerne, la suite s’annonce chargée. Après le triathlon de ce matin, place au foot. Je crois bien que je vais finir de couvrir les tournois masculin et féminin. Comme à Athènes. Ça commence ce soir par un Argentine – Brésil avec Ronaldinho et Messi sur le terrain et un certain Diego Maradona dans les tribunes. Avec un peu de bol, je vais pouvoir approcher mon idole absolue. Ce serait top. Jeudi, il devrait y avoir aussi la finale féminine Brésil – Etats-Unis, comme il y a quatre ans. J’espère que cette fois les Brésiliennes, qui ont pulvérisé en demi-finale les Allemandes pourtant championnes du monde (4-1), vont aller au bout. Pour le reste, je ne sais pas trop ce que je vais faire. J’irai probablement un ou deux soirs à l’athlé. A suivre.
J’évoquais plus haut les images fortes quotidiennes. Dimanche, avec Sophie ma collègue de lequipe.fr on a adoré l’attitude de l’Américain Matthew Emmons au tir. Dans l’euphorie, j’avais même profité des 45’ de navette pour rentrer au centre des médias pour écrire un papier. Evidemment, il n’est pas passé. Alors pour ne pas complètement gâcher, le voici ci-dessous.
Emmons le maudit
Comme il y a quatre ans à Athènes, l’Américain a perdu l’or sur la dernière balle et une incroyable bourde.
Et Matthew Emmons répond encore et encore à la même question, explique dix, vingt trente fois cette dernière balle de la finale du tir à la carabine 50m trois positions. Toujours avec le sourire, toujours dans la bonne humeur. Seuls les chaleureuses accolades d’autres tireurs et entraîneurs de tous les pays viennent interrompre cette séance de décryptage. L’histoire est incroyable. Largement en tête au moment d’armer son dernier tir, ccccc a égaré sa balle dans la nature. Un 4,4 improbable qui le prive non seulement de l’or mais aussi d’une médaille. Le scénario serait déjà incroyable s’il ne c’était pas déjà produit il y a quatre ans à Athènes. Egalement en tête, Emmons s’était trompé de cible sur sa dernière cartouche. Un truc qui n’arrive jamais. Comme ce 4,4. " Ce n’est pas une erreur stupide, c’est une erreur technique, commente-t-il inlassablement. Contrairement à Athènes, j’étais vraiment concentré et j’ai tiré normalement en redescendant vers la cible. Mais mon doigt a déclenché le tir trop tôt. J’ai été surpris par le départ du coup. Là, je me suis dit : aie aie, j’ai fait une boulette. "
Et quelle boulette ! Comme il y a quatre ans, il offre le titre à un Chinois Qiu Jian, tout ému de ce coup du sort. " Quand on a entendu le public réagir, on s’est retourné, témoigne Valérian Sauveplane, témoin privilégié. Mon entraîneur m’a dit : ‘’Emmons 4’’. J’ai pensé quatrième avant de réaliser. C’est incompréhensible, il est maudit. A notre niveau, 7 c’est déjà nul, au pire on fait 8. J’ai mal pour lui, je préfère même être ma place. Ce titre, il le mérite tellement. En plus ça lui arrive sur le tir debout qui est sa spécialité. On s’est entraîné avec lui et ça lui est arrivé de faire 396 sur 400, c’est un truc incroyable, un score qu’on ne parvient même pas toujours à faire au tir couché, alors debout… La prochaine fois il faudra faire la série sur 129 coups et plus sur 130. Il y a quatre ans, il l’avait pris avec philosophie. Pas sûr que cela le cas cette fois. " Et pourtant… " C’est comme ça, ce sont des choses qui arrivent parfois. Evidemment que d’avoir le titre olympique ou même une médaille aurait été formidable. C’est ma passion, mon métier, mais voilà c’est arrivé. Ma conception du sport se veut avant tout tourné autour du plaisir. Et puis si j’avais gagné, j’aurais peut-être arrêté le tir faute de motivation. Mais voilà une bonne raison pour continuer et revenir dans quatre ans. " Malgré tout, quand on lui demande comment il racontera ça à ses enfants, toujours dans un grand éclat de rire, il consent juste à répondre qu’il attendra peut-être d’avoir des petits-enfants pour raconter cette histoire. Le tout ponctué d’un grand éclat de rire. Maudit mais grand classe.
PASCAL GRéGOIRE-BOUTREAU