Dans « Ton ami », une invasion de vénusiens, bizarres créatures faites de parties métalliques plus ou moins bien agencées, viennent en repérage sur la terre. Kaneka, le chef, envoie Denkichi, le plus jeune, en mission. Celui-ci se lie d’amitié avec une famille, apprenant aussi le sens de la beauté, qu’il ne connaissait bas, car issu d’une caste « moche », puis revient faire son rapport. « Comment son les terriens ? » lui demande son supérieur. « Nuls. Que des gens bizarres. Extermine-les au plus vite ». Denkichi n’étant occupé qu’à admirer la vis sur la tête de son supérieur, le rendant si beau à ses yeux. Dans « Un ami cher ». Kenichi, jeune garçon, va aujourd’hui pêcher avec son ami Soegusa. Il espère passer un bon moment. Un homme avec un bouledogue passe. Kenichi s’amuse à imaginer ce que donnerait la tête du chien sur l’homme, mais se fait mordre toute la main, qu’il perd. En sang, mais pas démonté, il décide de corriger la bête, mais frappe par erreur l’homme, ayant vraiment pris une tête de chien entre temps. Ce dernier ne supportant pas la violence, lui arrache la tête avec sa gueule. Kenichi, sans tête, sans bras, rejoint dés lors son ami. Après un moment d’hésitation, Soegusa l’invite à monter dans sa barque et tous deux partent au milieu du lac pêcher. « C’est beau l’amitié » pense Kenichi.
La couverture est trompeuse avec ses couleurs vives et ses personnages familiaux posant ou gambadant dans une nature idyllique. Quoi que le héros à grosse tête : Amo, un des personnages principaux de ces 18 histoires, semble sourire jaune, comme si lui seul était conscient de la farce et des histoires pas nettes qui se jouent autour de lui. Hideyasu Moto a débuté sa carrière de mangaka en 1995 au Japon dans la célèbre revue Garo, alors en passe de disparaitre, un an plus tard, au décès de son créateur Katshuichi Nagai. Garo était à l'origine une publication pour enfants, créée en 1964 et a publié entre autre des histoires de Toshiharu Tsuge (la Vis). Elle évolua cela dit vers un ton de plus en plus décalé et c'est en son sein qu'en 1976 le courant Heta-Uma (malhabile mais appréciable), fut créé sous le crayon de Teruhiko Yumura. Hideyasu Moto s'emparant du genre, l'accorda à sa sauce, avant de partir ensuite travailler pour la revue Ax (la hache). C'est là qu'en 1998 paru la première version de "La vie heureuse", dont la version remaniée de 2012 nous est aujourd'hui proposée par les éditions Misma. Cette compilation d'histoires courtes dérange dés son premier épisode. Le Meta-Huma révèle effectivement un genre mêlant un dessin minimaliste, de style comique bien que malhabile, où les corps volontairement déformés de certains personnages accentuent l'effet étrange. Les scénarios quand à eux proposent des situations souvent surréalistes, improbables, ou au contraire tirées de la vie quotidiennes, mais où un élément dramatique violent vient souvent s'inviter, au détriment de toute logique, ou compassion. L'exemple des vénusiens dans « Mon ami » en est un exemple probant. Amo, de son côté, est souvent la victime des maltraitances d'autres copains ou de sa propre famille, lorsqu'il n'est pas le bourreau à son tour, sans pitié, quoi que de manière dilettante et peu assumée. Des histoires d'enfance vues sous l'oeil d'un adulte moqueur et cynique. On essayera vaguement de comparer ce genre en France aux forfaits de noms tels Charlie Schlingo, Fred Neidhardt (Monsieur Tue tout), ou peut-être Vuillemin, mais Hideyasu Moto reste unique. Une découverte surprenante, réjouissante, et, osera t-on le dire : jouissive, marquant d'une pierre blanche l'univers manga déjà passionnant. Préface et Avant propos accompagnent les histoires. Chouette !
FG
Une chouette vie par Hideyazu Moto
Éditions Misma (23€) - ISBN : SBN 9782916254982