Dalva est le premier roman de Jim Harrison que j’ai lu. Comme souvent, il faut un peu de temps pour entrer dans l’écriture d’un auteur qu’on ne connaît pas (ou, ici, sa traduction, par Brice Matthieussent). Mais voilà : après quelques pages, je me suis laissé embarquer. Mes préjugés n’ont pas tenu. Le mode de narration, une sorte de journal au milieu duquel un autre journal fait apparaître des carnets plus anciens. Cela fait trois ou quatre narrateurs et narratrices dont les récits se percutent et se prolongent les uns les autres. Toute la partie centrale, dont le narrateur peut paraître insignifiant, donne pourtant les clés du roman. Ça bouscule. Qu’est-ce que ça devait être dans les années 1980, au moment où Dalva raconte, au moment où sort le livre ? Il est question d’une famille dont le grand-père vient en Amérique porter la « bonne parole » et apprendre aux Sioux à cultiver… Il sera confronté à la réalité violente de la conquête par les hommes blancs de territoires qu’ils ont spoliés et saccagés, en maltraitant et massacrant les autochtones dont ils ne respecteront aucun des traités signés avec eux. On ne peut vivre ici sans se confronter à ce passé, sauf à en répéter la violence pendant des siècles. Jim Harrison, en écrivant ce livre, poursuit en quelque sorte l’oeuvre du grand-père et celle du père et celle de Ruth, de Dalva et de leur mère, Naomi, qui identifie les oiseaux dont la disparition a déjà commencé… « Nous connaissons tous la fin, mais où donc est passé le milieu ? » et, oui, « la vie est en fait plus vaste et beaucoup plus secrète et terrifiante qu’on ne le suppose ».