Pourquoi Hitler n'a pas eu la bombe atomique ? par Nicolas Chevassus-au-Louis

Par Mpbernet

L’essai est court, clair, les explications accessibles au non initié, toujours d’actualité. Car à la veille de la Seconde guerre mondiale, la plus grande puissance de recherche est l’Allemagne avec un nombre exceptionnel de prix Nobel en physique et chimie (7 entre 1919 et 1939 contre 5 aux USA et 5 aux britanniques, 2 en France). Dès 1939, l’Allemagne s’est lancée dans deux projets de recherche sur le nucléaire, l’un civil, l’autre militaire.

Grâce à l’annexion des Sudètes, elle a accès aux mines de pechblende, et à partir de 1939, elle décide de stopper toute exportation d’uranium … Le milieu scientifique est cependant peu favorable au nazisme mais c’est une voie pour les jeunes chercheurs d’échapper à l’incorporation.

La question fondamentale est : comment enrichir l’uranium 235 pour produire des matériaux explosifs qui dépassent d’un facteur de plusieurs dizaines la force des explosifs existants ? Et il faut aussi un modérateur d’une masse atomique aussi faible que possible pour maîtriser la réaction en chaîne : l’eau lourde ou le graphite. Seule l’usine norvégienne NorskHydro est en mesure de la produire … C’est ce qui donnera le célèbre film « La bataille de l’eau lourde » en 1948. Plus tard, les chercheurs exploiteront un nouveau procédé avec une cascade de centrifugeuses …

Toutefois, l’appareil d’Etat nazi se caractérise par la multiplication de structures redondantes et rivales entre elles. Plusieurs programmes sont en concurrence, y compris chez la Poste, puis à la Kiegsmarine. Au fur et à mesure de leurs conquêtes, les Allemands s’emparent d’un important stock d’uranium en Belgique (Congo), du cyclotron de l’équipe Joliot-Curie à Paris … Mais à partir de 1943, l’intensification des bombardements alliés perturbe les programmes de recherche et imposent le déménagement des laboratoires. Après la débâcle, les Américains et les Britanniques « recrutent » nombre de scientifiques allemands, nombreux sont aussi ceux qui partent continuer à travailler en URSS – dont peu passeront à l’Ouest.

Aux Etats-Unis, les ingénieurs américains n'ont que mépris pour les atomistes allemands. Leur projet Manhattan, unique, est gigantesque. Il aboutit en août 1945 avec les bombes sur Hiroshima et Nagasaki. En 1949, les Russes parviennent au même résultat.

La clé de la réussite de ces programmes est une direction unique à deux têtes dotée de tous les pouvoirs : un militaire et  un scientifique. Leslie Groves et Robert Oppenheimer d’une part, Lavrenti Beria et Kourtchakov d’autre part.

Dispersion des efforts, concurrence des projets, redondances, manque de matières premières critiques, bombardements ont nui à l’aboutissement dans les temps des projets allemands sans compter les conflits de pouvoirs, la désorganisation de l’appareil d’Etat nazi, et la peur omniprésente dans un régime totalitaire.

Certains des savants ont tenté, pour justifier leur échec, d’avancer une sorte de résistance passive, se concentrant davantage sur la mise au point d’une machine génératrice d’énergie plutôt que sur la bombe … Cependant, il est à peu près certain que les Allemands ont procédé à un essai nucléaire en Thuringe, causant la mort de centaines de prisonniers. Mais il ne subsiste aucun écrit de ce fait, seulement quelques témoignages … Ils n’étaient donc pas loin d’atteindre leur objectif !

Pourquoi Hitler n’a pas eu la bombe, essai de Nicolas Chevassus-au-Louis, Editions Economica dans la collection Mystères de guerre, 122 pages, 19€