Nous sommes plus grands que nous ne pouvons le saisir, et en même temps nous gardons une capacité d'injustice, de mensonge et de cruauté que nous ne pouvons sonder.
C'est en ces termes que, dans sa préface, Pierre Manent commente le titre de la Lettre apostolique pour le quatrième centenaire de la naissance de Blaise Pascal de Pape François, qui est parue le 19 juin 20231.
Grandeur et misère de l'homme, telle est la traduction en français du titre de cette lettre, surprenante de la part d'un pape qui pourrait pourtant s'opposer au pourfendeur de la Societas Jesu à laquelle il appartient.
Pape François est en effet plus lucide quand il traite de religion, son domaine de compétences, que quand il se mêle d'affaires purement humaines, qu'il s'agisse de science ou d'économie, où, moins grand, il s'égare...
Pascal était d'une intelligence prodigieuse: en dehors des visées de l'amour il n'y a pas de vérité qui vaille; c'est l'Esprit Saint qui nous libère et c'est bien pourquoi la religion chrétienne nous fait connaître le vrai bien.
Pascal avait l'esprit de géométrie qui permet de comprendre le fonctionnement des choses dans leur détail et, à la fois, de reconnaître les limites de l'intelligence et de s'ouvrir aux raisons surnaturelles de la Révélation.
Ces limites sont celles des philosophes grecs dont il admirait la sagesse, mais qui, faute d'appréhender la réalité, qui est supérieure à l'idée, ne pouvaient que conduire les stoïciens à l'orgueil, les sceptiques au désespoir.
La condition humaine est tragique. Aussi avons-nous besoin de nous divertir, mais cela n'apaise ni ne comble notre grand désir de vie et de bonheur. Seule la Révélation apporte la réponse rationnelle à nos contradictions.
Il faut faire preuve d'humilité autant que de courage pour L'accueillir. Pour découvrir Dieu - elle n'aura jamais fini de le faire -, la raison doit être illuminée par la grâce, comme ce fut le cas pour lui le 23 novembre 1654.
Pascal avait l'esprit de finesse, qui permet de saisir la réalité, tout d'un coup. Il l'appelle aussi le coeur. Le coeur spirituel, la charité, permet d'accéder aux vérités divines qui ne sont pas démontrables par la raison.
À la fin de sa lettre, Pape François évoque sa belle Prière pour demander à Dieu le bon usage des maladies. Elle est celle, dit-il, d'un homme pacifié qui ne se situe plus dans la controverse ni dans l'apologétique.
Sans doute est-ce pourquoi Pape François, tout jésuite qu'il est, ne cherche pas à polémiquer sur l'engagement de Pascal aux côtés des Jansénistes et préfère terminer sa lettre par ce souhait empreint de conciliation:
Puissent son oeuvre de lumière et les exemples de sa vie si profondément baptisée en Jésus-Christ, nous aider à parcourir jusqu'au bout le chemin de la vérité, de la conversion et de la charité.
Francis Richard
1 - Blaise Pascal est né le 19 juin 1623 à Clermont.
Sublimitas et miseria hominis, Pape François, 56 pages, Pierre TÉQUI éditeur
Autres textes de Pape François:
Laudato Si' (2015)
À la jeunesse (2016)
Traditionis custodes (2021)
Sur Pascal:
Pascal et la proposition chrétienne, Pierre Manent, 432 pages, Grasset (2022)
De Pascal:
L'esprit de géométrie et l'esprit de finesse