L'illusion de la super-app selon Forrester

Publié le 16 août 2023 par Patriceb @cestpasmonidee
Les dernières extravagances d'Elon Musk autour de son acquisition de Twitter, qu'il imagine transformer en « super-app », suscitent une réaction radicale de la part des analystes de Forrester, qui rejoint celle que j'exprime ici depuis longtemps : ce rêve est totalement dépassé et ne pourra jamais se réaliser. Le message vaudra aussi pour les nombreuses institutions financières qui partage la même utopie.
Qu'il s'agisse, pour le milliardaire américain, d'ajouter à son réseau social des services de paiement (en attendant l'extension à des capacités supplémentaires) qui rendront possibles le développement d'applications intégrées en tout genre, ou, pour les banques, de profiter de leur position historique privilégiée dans la relation avec l'argent pour s'imposer dans d'autres domaines économiques, l'objectif est toujours d'essayer de répliquer les succès chinois afin de compléter des revenus qui plafonnent.
Malheureusement pour ces ambitions, les conditions qui ont prévalu à la montée en puissance de WeChat n'existent plus. En réalité, elles n'ont probablement même jamais été réunies dans les pays occidentaux. Nos amis de Forrester en dressent une liste exhaustive : le besoin ressenti par les consommateurs dans un marché mobile à peine émergent, la possibilité de confiance très orientale en une entreprise omnipotente, l'absence initiale de concurrence, un contexte réglementaire souple donc favorable.
Incidemment, il s'avère que ceux qui prétendent aujourd'hui développer des super-apps se contentent de solutions fort éloignées de leur modèle de référence. Ces pâles imitations n'ont généralement qu'une couverture fonctionnelle limitée, touchant à quelques activités spécifiques et sans la moindre vocation universaliste. D'autre part, d'un point de vue technique, jamais il n'est question d'héberger les services tiers au sein d'une plate-forme centralisatrice. Et ce facteur à son importance, largement occultée.

C'est là que les analystes recommandent plutôt de rechercher dans les super-apps ce qui crée leur attractivité et de s'efforcer de reproduire ces qualités dans les démarches engagées. En tête du palmarès figure immanquablement l'excellence de l'expérience utilisateur, avec des fonctions simples, accessibles, faciles à exploiter. Il faudra également penser aux moyens de conquérir la fidélité, non seulement par des récompenses mais également par la commodité d'usage et la promotion d'un écosystème ouvert.
Plus surprenant, mais non sans pertinence, la réflexion aboutit finalement à une vision dans laquelle le mobile, tout en restant central dans la vie des consommateurs, changera de rôle, les applications y perdant leur prépondérance. L'avenir basculera vers des expériences immersives et invisibles. Dans cette perspective, les groupes désireux de prendre une place équivalente à celle des super-apps devront en priorité apprendre de leur faculté d'adaptation instantanée aux attentes des clients, qui passera par des approches de composition dynamique, en temps réel, de parcours personnalisés.