"Octobre en feu", dit le gros titre
(en général, on pense "octobre en fleurs", puisque c'est le printemps)
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Hier se tenait la première phase des élections générales en Argentine, les PASO, système de sélection des candidats admis au premier tour, lequel se tiendra en octobre et auquel il suffit d’obtenir 45 % des voix pour être élu président de la Nation.
Les sondages accordaient autour
de 20 % au candidat le plus éloigné de l’État de droit et
de l’ordre constitutionnel, l’anarcho-libertaire
bolsonaro-trumpien et nettement fascisant Javier Mileí. Depuis hier
soir, il se trouve en tête du personnel politique argentin puisqu’il
a recueilli 30 % des voix exprimées, dans un contexte
d’absentéisme record. Seuls 68 % des électeurs se sont en
effet déplacés dans un pays où le vote est pourtant obligatoire.
"La nuit du Lion", titre le quotidien des ultra-catholiques
Hier, ils avaient titré triomphalement : "Demain, ce sera un autre pays"
C'est bien un autre pays, mais je ne suis pas sûre
qu'ils puissent s'en réjouir
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Derrière Mileí et son effrayant programme dont la justice sociale, considérée comme une escroquerie, est bannie et la vente des organes largement permise, arrivent la droite libérale officiellement constitutionnelle, désormais représentée par Patricia Bullrich, qui veut libéraliser le port d’armes et mise sur une présomption d’innocence pour tout policier qui sort son arme et tue quelqu’un, et, en troisième place, Sergio Massa, l’actuel ministre de l’Économie, représentant le péronisme de gauche (ou de centre-gauche).
Trois points séparent ces trois
courants de pensée mais si l’on calcule à partir des voix qui se
sont portées sur chaque candidat et non plus famille politique par
famille politique, l’ordre et les marges sont différents :
Mileí arrive toujours en tête mais c’est Sergio Massa qui le
suit avec 21 % des voix. Il précède donc Bullrich qui n’a
obtenu que 17 % des suffrages.
"Milei a créé la surprise dans tout le pays
Bullrich a gagné chez Juntos por el Cambio"
(ensemble pour le changement)
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Reste à savoir comment va s’opérer le transfert des voix. Il n’est pas sûr que les 11 % qui, dans la droite libérale, ont voté hier pour Horacio Rodríguez Larreta, le chef de l’Exécutif municipal de Buenos Aires qui reçoit un camouflet électoral spectaculaire après avoir longtemps figuré comme le champion naturel et évident de son camp, acceptent tous comme un seul homme de voter pour la très droitière et très violente Patricia Bullrich tant les positions des deux concurrents sont incompatibles sur bien des points.
Il est possible aussi que des électeurs de Mileí, dont personne ne pensait qu’il arriverait en tête, se repentent devant les résultats effectifs et votent différemment au premier tour en octobre. Peut-être ne le feront-ils pas tous pour Bullrich tant il y avait de colère qui s’exprimait dans ce pré-scrutin sans effet décisif et considéré donc comme négligeable ou accessoire par bon nombre de citoyens argentins.
A gauche, eu égard aux enjeux
imposés par cette double droite triomphante de cette nuit, il est
probable que le report des voix qui sont allées à Juan Grabois, un
syndicaliste qui représente une gauche façon « insoumise »
avec un programme peu réaliste en Argentine mais indéniablement
ambitieux sur le plan social, soit très large en octobre. Le
candidat battu a lui-même montré l’exemple en allant rejoindre
Sergio Massa, dès la fin de son propre discours, pour lui apporter
sur le champ tout son soutien, comme il l’avait promis en se
présentant contre lui au dernier moment. Or il a remporté 6 %
des suffrages exprimés, ce qui nous donne un bloc de 27 %, soit
un score assez peu éloigné de Mileí et dix points au-dessus de
celui obtenu par Bullrich.
"Choc électoral : Milei gagne, Bullrich l'emporte sur Larreta
et le kirchnerisme arrive troisième"
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Et qu’en sera-t-il des abstentionnistes d’hier ? Iront-ils voter en octobre ?
Au niveau local, deux résultats secouent aussi le paysage local et national :
- le kirchnerisme, mouvement lancé par le défunt mari de l’actuelle vice-présidente Cristina Kirchner, perd le poste de gouverneur de la province de Santa Cruz qu’il détenait depuis plus de trente ans, depuis la toute première victoire électorale dudit Néstor Kichner, dont la sœur, Alicia Kirchner, occupe le siège depuis des temps immémoriaux et jusqu’à la toute prochaine prestation de serment du vainqueur d’hier, un syndicaliste de l’industrie pétrolière, dissident du kirchnerisme ;
- à La Plata, capitale de la province de Buenos Aires, en revanche, c’est le gouverneur kirchnériste qui devrait rempiler, Axel Kiciloff, dont les oreilles ont pourtant dû siffler ces derniers jours, à la suite de plusieurs faits divers particulièrement sordides qui ont fait mettre en doute sa politique de sécurité publique. Il vient pourtant d’engranger un très beau score. Depuis quatre ans, Kiciloff a mené une politique plutôt cohérente dans sa gigantesque province et il semble en avoir retiré les fruits électoraux hier. Ce qui met du baume au cœur de son camp, étrillé par ces résultats nationaux cauchemardesques.
Cette fin d’hiver et ce début de printemps promettent donc d’être très durs pour les Argentins qui ont en quelque sorte vécu hier soir leur 21 avril 2002, avec de surcroît un président sortant qui n’a pas pu se représenter, comme Hollande en 2017.
Le 10 décembre prochain, journée internationale des Droits de l’Homme, l’Argentine doit célébrer les quarante ans du retour de la démocratie. Ce sera aussi le jour où le nouveau chef d’État prêtera serment.
© Denise Anne Clavilier www.barrio-de-tango.blogspot.com
Pour aller plus loin :
lire l’article principal de La Prensa
lire l’article principal de Clarínlire l’article principal de La Nación