L'idée de base est plutôt triviale : quand il devient impossible de détecter les incidents eux-mêmes ou, du moins, quand certains d'entre eux passent entre les mailles du filet, l'identification et la fermeture des chemins empruntés par l'argent détourné constitue une deuxième barrière à opposer aux malfrats. En l'occurrence, le recours, fréquent dans le milieu, à des personnes recrutées spécifiquement dans le but de servir d'intermédiaire aux mouvements délictueux – les fameuses mules – tend à faciliter cette tâche.
Forte de cette conviction, ANZ a donc entraîné un module d'apprentissage automatique à la reconnaissance de ces indélicats, complices parfois involontaires, par naïveté, des criminels. Une première mise en œuvre expérimentale en avril dernier, en complément de ses outils existants de sécurité comportementale, a permis de repérer quelques 1 400 comptes hautement suspects, avec un niveau de qualité suffisamment satisfaisant pour justifier la généralisation du dispositif en septembre, à peine cinq mois plus tard.
À ce stade, il faut préciser que l'intelligence artificielle n'est ici employée que comme un outil d'assistance et qu'aucune action n'est engagée sans supervision humaine. Les résultats des analyses de données sont en effet transmis à une équipe dédiée au dépistage des mules, au sein du département de « protection des clients » de la banque (comptant 440 personnes, au total !), qui se charge des suites à leur donner, depuis la confirmation des cas signalés jusqu'à la prise des mesures défensives nécessaires.
Dans ce dernier registre, il ne s'agit pas seulement de bloquer les agissements frauduleux et ainsi frustrer les malfaiteurs de leur butin. La banque exploite également (avec le concours des autorités ? aucune précision n'est fournie en la matière) les informations dont elle dispose afin de remonter les filières, d'en explorer les interdépendances, et, de la sorte, perturber plus profondément et durablement les réseaux d'escroquerie.
Avec sa professionnalisation, la criminalité qui s'organise autour des opportunités de la banque « digitale » gagne en sophistication et exige donc un alignement correspondant de la riposte. La diversité des techniques utilisées pour ce faire et des cibles qu'elles visent représente un des principaux facteurs d'une couverture efficace. Selon cette logique, la contre-attaque que mène ANZ sur les circuits de transit de l'argent sale ajoute une composante utile à son arsenal, qui devrait inspirer l'ensemble de l'industrie.