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Guerre, de Louis-Ferdinand Céline

Publié le 10 août 2023 par Francisrichard @francisrichard
Guerre, de Louis-Ferdinand Céline

Guerre fait partie des manuscrits récemment retrouvés de Louis-Ferdinand Céline. Il a été publié l'an passé dans une édition établie par Pascal Fouché, avec un avant-propos de François Gibault.

Ce manuscrit, qui complète l'oeuvre de l'écrivain et médecin pour que ce qui concerne son expérience douloureuse de la Grande Guerre, date vraisemblablement de 1934, c'est-à-dire vingt ans après.

Ferdinand, le bras en morceaux, un énorme bombardement dans la tête, cherche tout seul à retrouver son régiment, rencontre des Anglais, perd connaissance, reprend une espèce d'esprit dans une église.

Un obus y éclate. Transporté jusqu'à la gare, il profite de l'arrêt du train pour se laisser glisser du wagon, passe deux jours et deux nuits dans l'herbe, où, cueilli, il est emmené à Peurdu-sur-la-Lys.

Là il échoue dans un hôpital, le Virginal Secours, dirigé par des dames de la société en plus des bonnes soeurs. Il y tombe entre les mains d'une rombière bien engageante qui lui font du bien:

Je voulais pas avoir l'air trop mort pour qu'on m'encaisse, mais je voulais pas trop bander non plus qu'on m'aurait cru imposteur.

(Chez Céline, le sexe, cru, n'est jamais absent, mais, en l'occurrence, les circonstances ne sont pas banales, ce qui ajoute du comique au tragique, la petite mort conjurant en quelque sorte la grande.)

Dans cet hôpital, il se trouve d'abord dans la cave, au lazaret, où sont entassés les morts et les plus grands blessés. Puis, opéré du bras, il est transporté en salle commune, alité entre Bébert et Oscar.

Bébert est un jeune souteneur qui a fait venir sa gagneuse, Angèle: il aime pas manquer. La suite montrera que ce n'était pas une bonne idée. Mais c'est l'occasion pour les deux compères de sortir.

Les rapports de Ferdinand avec ses parents ne sont pas bons. Son père lui écrit des lettres avec des phrases bien équilibrées et bien faites, mais il n'aime pas la musique de ces phrases, la vomit:

Pousser son couic encore ça peut se faire, c'est tout ce qui précède qui vous épuise la poésie, toutes les charcuteries, les baveries, les torturations qui précèdent le hoquet du bout. Faut donc être ou bien bref, ou bien riche 1.

La guerre n'est pas jolie. Ferdinand ne sait pas ce qu'est la bravoure. Pourtant le clou de l'histoire, alors qu'il craint d'être traduit en conseil de guerre, est qu'il est décoré... de la médaille militaire:

Je lui disais pas [à Cascade, alias Bébert] que c'était du roman, ma médaille, il m'aurait pas cru.

La fin de l'histoire tourne au vaudeville après que Bébert a connu une fin tragique. Il y a toujours ce mélange des genres chez Ferdinand, qui n'aime rien tant que de déconner pour s'en sortir.

Après tant d'années passées, Ferdinand fait appel au souvenir des choses pour raconter son histoire, mais il est bien conscient que c'est putain, le passé, ça fond dans la rêvasserie. Il faut s'en gourer:

Il prend des petites mélodies en route qu'on lui demandait pas.

Francis Richard

1 - À la fin du volume, cette édition comporte un Lexique de la langue populaire, argotique, médicale et militaire.

Guerre, Louis-Ferdinand Céline, 192 pages, Gallimard


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