Miles Davis, so cool

Publié le 18 août 2008 par Eddie

Miles Davis est une des superstars du jazz. Je crois que si vous demandez à n’importe qui dans la rue de vous donner le nom d’un jazzman, il y a d’énormes chances pour que son nom sorte instinctivement. C’est que le bonhomme a une histoire, un talent, une personnalité hors du commun. Ses admirateurs l’avaient surnommé “prince of darkness”, et pourtant rares sont les musiciens qui ont mené une carrière artistique aussi lumineuse et aussi pleine que celle du natif de Alton, dans l’Illinois.

C’est d’abord un pur produit du Bebop emmené dans les années 40 par Dizzy Gillespie et Charlie Parker réunis dans le premier grand big band de Bebop. Ces deux monstres sacrés (qui ne le sont pas encore à l’époque) viennent jouer un soir à St-Louis, et coup de bol, un de leurs trompettistes est défaillant, et Miles prend sa place. Le groupe retourne à New York, Miles se débrouille pour y continuer ses études de musique, et commence à traîner dans les bars de la 118è rue, le berceau du Bebop. Il retrouve Charlie Parker, complètement fauché à l’époque, qu’il héberge carrément chez lui. Il va lui servir de piston dans le milieu, lui fera rencontrer tous les pontes du jazz, de Thelonious Monk à Fats Navarro. Les amitiés se multiplient, les collaborations également, il fait ses premiers enregistrements studio en quintet et il rejoint enfin le big bang de Parker et Gillespie dans lequel il ne manque pas de se faire repérer grâce à son style. Son nom devient connu, et très vite il tombe, comme ses collègues, dans le piège de l’héroïne. Sex, drugs and jazz, mode de vie tout aussi dangereux que le sex, drugs and rock ‘n roll. Miles Davis continue toujours de jouer pour les plus grands. En 1948, il est une référence en tant que trompettiste, mais il n’a pas encore réussi à imposer son style, le jazz étant toujours dominé par le Bebop.

Il décide alors de monter un projet avec le producteur, arrangeur et musicien Gil Evans. Le projet est simple : inventer une nouvelle forme de jazz. Ce sera le cool jazz. Ce style, plus lent, plus arrangé, plus soigné, contraste avec l’urgence, l’improvisation constante du Bebop. C’est un nonet (neuf musiciens) que dirige Miles Davis et qui sera vite repéré par Capitol Records. En 1949, le nonet entre en studios pour enregistrer une douzaine de morceaux, six d’entre eux sortiront en 78 tours, le reste sortira en 1950 sur le bien-nommé et célébrissime album The Birth of Cool. Toujours en 1949, Miles Davis se rend en France, son premier voyage à l’étranger. A l’époque, il n’est pas encore meurtri par ses addictions qui le laissent plus ou moins tranquille. La France fascine Miles. Il y est très bien accueilli par l’intelligentsia locale et le milieu artistique ; la France est également à l’époque un pays bien moins raciste que les Etats-Unis. Il rencontrer Sartre, Vian, Picasso, tombe amoureux de Juliette Gréco, mais ne l’épousera finalement pas (les unions mixtes étaient à l’époque quelque chose d’absolument honnies aux Etats-Unis) et rentre à New York, triste.

Il retombe dans l’héroïne, cette fois pour de bon. Il parviendra à décrocher vers 1954. Entretemps le “Cool” a fait son chemin, mais l’aura de Miles a presque était réduite à néant à cause de ses problèmes de drogues. Lassé du style qu’il a lui-même créé, il lance le Hard Bop qui s’oppose (!) au Cool, bien plus énergique, moins arrangé, mais pas moins soigné pour autant. Le 33 tours fait son apparition la même année, ce qui permet de ressortir l’album The Birth of Cool qu’il a enregistré 5 ans auparavant. Cette réédition est un coup de boost gigantesque pour la popularité et la carrière de Miles Davis qui peut lancer le Hard Bop dans d’excellentes conditions, le succès est au rendez-vous.

Il fonde son premier grand quintet, avec notamment le saxophoniste John Coltrane, qui deviendra au moins aussi connu que lui. Sa nouvelle maison de disques, Columbia, met le paquet en terme de publicité. Du jamais-vu pour du jazz. Tout baigne pour Miles Davis, les critiques l’adorent, le public aussi, il est riche, il a une super équipe autour de lui…

… ça ne devait pas durer. Il doit subir une ablation chirurgicale de nodules sur ses cordes vocales, puis abîme définitivement sa gorge en s’engueulant avec un organisateur de concerts. Sa voix en sera complètement changée, elle est ravagée. Les tensions au sein du quintet se multiplient, John Coltrane, uqi lui aussi est tombé dans le piège de la drogue avec le succès du groupe, se fait renvoyer de celui-ci par Miles, qui le ré-engagera plus tard. Nous sommes en 1957, et Miles Davis va, après avoir inventé le le Cool Jazz en opposition au Bebop, le Hard Bob en opposition au Cool Jazz, il va inventer le Jazz Modal, beaucoup plus axé sur l’improvisation et un jeu “out”, en décalage. A cette époque il enregistre la bande-originale du film “Ascenseur pour l’échafaud”, en improvisation (ce qui inspirera Neil Young pour “Dead Man” de Jarmusch, sûrement la meilleure bande-originale de film de tous les temps). Il continue de collaborer à de nombreux albums qui connaîtront un grand succès critique et commercial.

En 1959 il enregistre un album entièrement improvisé autour de trames qu’il a composées, son chef-d’oeuvre, Kind of Blue (avec le célèbre “So What”) et enchaîne avec Freddie Freeloader, un de ses plus grand succès populaires. Il continuera d’enregistrer des albums et de tourner partout en Europe jusqu’en 1966 avant, encore une fois, d’initier une nouvelle forme de jazz en y intégrant un son électrique. Encore une fois, le succès populaire est là, avec notamment les 500 000 copies vendues de Bitches BrewMiles Davis s’est entouré de jeunes gens comme John McLaughlin et Joe Zawinul qui créeront plus tard le jazz fusion. Nous sommes en 1970 et Miles Davis a déjà fait exploser 4 fois les barrières du jazz. Il continuera à faire évoluer sa musique, y ajoutant des touches de funk notamment sur l’album On The Corner. Le succès est mitigé, mais si aujourd’hui, l’album est culte. EN 1975, pour des raisons de santé, Miles Davis quitte la scène.

En 1981, il revient, cheveux longs, et, comme à son habitude, va assurer son rôle d’initiateur en invitant des types comme Marcus Miller (basse) ou Mike Stern (guitariste), qui auront et ont toujours une magnifique carrière. S’engouffrant dans la modernité, il enregistre The Man With The Horn, un album de jazz-fusion très funky, et surtout Tutu en 1986, dernier gros succès populaire.

Il meurt en superstar en 1991 suite à de nombreux ennuis de santé. Aucune artiste n’aura fait évoluer sa discipline comme Miles Davis, il est un des plus grands artistes de tous les temps, et dans mon top 3 personnel. Aucun jazzman aujourd’hui ne peut parler de sa musique sans citer l’homme à la discographie vertigineuse et à la voix rauque.

Ci-dessous, mon petit best-of personnel, dans l’ordre chronologie des sorties d’album. D’abord du Cool Jazz, puis du Hard Bop, du Jazz Modal et enfin du Jazz Fusion.

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