Magazine Culture
Déjà le quatrième album pour King Krule, mais seulement le premier à avoir le modeste honneur d'être chroniqué ici. Pourtant, le jeune prodige anglais a tout pour me plaire sur le papier : un style bien à lui, mélange de multiples influences allant du post-punk au jazz le tout saupoudré d'une voix rugueuse et rêche à souhait. J'en parle maintenant que le buzz est retombé, qu'il fait désormais partie des valeurs sûres du rock indépendant actuel, incapable de sortir un disque prévisible. Ce "Space Heavy" n'échappe pas au constat. 15 titres dont au moins un immédiatement accrocheur, l'excellent "Seaforth", les autres se dégustent plutôt sur la longueur. Cette musique peut paraître à première écoute, pas terminée, au stade brouillon, avec ces morceaux qui pour certains durent à peine deux minutes. Et puis, au fil des écoutes, ce qui paraissait presque une esquisse, une chanson en chantier, prend toute sa justification. King Krule impose son univers plus réfléchi qu'il n'y paraît, pas si nonchalant. Il faut des qualités hors du commun pour réussir cet exploit de disques mouvants, à la recherche perpétuelle de nouveaux sons, qui font qu'ils demeurent encore étonnants après plusieurs dizaines d'écoute.
Mais alors pourquoi maintenant avec "Space Heavy" et pas les trois précédents ? Tout simplement parce que la musique s'y trouve plus enveloppante, plus modeste, moins heurtée, plus immédiate toute proportion gardée et même plus passionnante que jamais. Sur le premier morceau "Flimsier", on croirait même entendre Christopher Owens, l'ancien chanteur de Girls - au passage, "donne des news, man ?" comme dirait l'autre. Ensuite, on note la présence de quelques voix féminines - les très beaux "Empty Stomach Cadet" et "Seagirl" - qui viennent apporter un peu de douceur. Puis, il y a bien sûr, toujours ces titres empêcheurs de tourner en rond, comme "Pink Shell" ou le titre éponyme, qui naviguent comme bon leur semble, sans vrai fil directeur. Voilà donc un album et un artiste qui pourraient nous suivre pendant longtemps, car on voit bien qu'il a assurément encore beaucoup à nous montrer.