C'est aujourd'hui au Domaine de la Cour situé à Vautorte. Demain, jeudi 27 juillet ce sera au Jardin de la Mairie à La Bazouge-des-Alleux.
Ce seront deux soirées spéciales dans une année spéciale, comme le souligne Coralie Cavan, directrice artistique du festival, marquant la volonté de proposer une culture de proximité, reliée au patrimoine, qu’il soit architectural, naturel ou urbain. Avec aussi cette année les arts plastiques.
Dans les deux cas la représentation sera précédée d'une visite commentée, incluse dans le prix du billet. Je ne vais pas alourdir cet article en reprenant ici l'essentiel de ce que nous a dit Michel du Fou propriétaire des lieux (ci-dessous à droite).
Je reprendrai cette visite commentée dans une publication spécifique de manière à ce que ceux qui voudraient y résider (puisque le domaine abrite deux immenses gites) pourront connaitre l'histoire du lieu. Les plus impatients pourront dès à présent consulter le site en suivant ce lien.
La remarque vaut aussi pour les propriétaires. Jacquemine du Fou a volontiers ouvert la salle à manger aux comédiennes en guise de loges. Elles traversent silencieusement le hall alors que l'une d'elles fait ses vocalises, en l'occurrence Ursuline Kairson.
Il était nécessaire de rappeler que Maya une voix, programmé en 2022, n'avait pas pu se jouer
à Vimartin-sur-Orthe et à Saint-Aubin-Fosse-Louvain suite à un malheureux accident. Deux artistes de la compagnie avaient interprété en remplacement "Mayenne Route 66". Les voici de retour au complet avec leurs camarades. Le public des Nuits est sans doute d'autant plus venu en confiance qu’il doit se souvenir qu’une autre mise en scène d’Eric Bouvron (et d’Anne Bourgeois) a déjà été accueillie. C’était le 21 juillet 2016, au château de la Roche à Ahuillé avec Les Cavaliers, libre adaptation du roman de Joseph Kessel, Molière du théâtre privé.Pour ma part j'étais particulièrement heureuse de découvrir ce travail d'Eric Bouvron si peu de temps après avoir apprécié Braconniers le mois dernier, également en extérieur, au mois Molière de Versailles.La nuit n’est pas complètement tombée. Il fait doux. Le public s’est installé. Il ne reste guère que deux ou trois chaises vides. Les artistes peuvent monter sur scène.Avant de me concentrer sur ce spectacle je vais dire quelques mots de Marguerite Annie Johnson - diteMaya Angelou- (1928-2014) qui est peu connue en France. Née à Saint-Louis (Missouri), elle est décédée à 86 ans en Caroline du Nord. Elle a été écrivaine, a publié 7 livres autobiographies, trois essais, plusieurs recueils de poésies. Elle a reçu de multiples distinctions, prix prestigieux et diplômes honorifiques. Elle fut scénariste, productrice, documentariste, professeure d'université. Mais elle fut aussiactiviste,militante pour la défense des droits civiques aux côtés de Martin Luther King et Malcolm X.On peut légitimement penser que ce fut une femme forte. Elle disait d'ailleurs que le courage était une qualité indispensable. Pourtant, sa voix s’est brisée quand elle était enfant, à la suite d’un traumatisme et c'est sur cette période que Les Passionnés du Rêve ont décidé de se focaliser parce qu'elle est fondatrice de tout ce qui suivit. L'écriture fut collective et ils se sont
vraisemblablement beaucoup inspiré du premier tome de sa série autobiographique, Je sais pourquoi chante l'oiseau en cage(1969) qui raconte sa vie jusqu’à l’âge de 17 ans et qui l’a faite accéder à la célébrité.La bonne idée de mise en scène est de commencer néanmoins par 1993. Quand Maya Angelou s’apprête à lire un poème pour l’investiture du président des États-Unis Bill Clinton devant 800 000 personnes, faisant resurgir son enfance … Elle nous emmène alors dans ses souvenirs.Les gens oublieront ce que vous avez dit, ils oublieront ce que vous avez fait, mais n’oublieront jamais ce que vous leur avez fait ressentir. Tels sont ses mots dans Du silence à la poésie, et le spectacle sera à la hauteur de cette phrase.Depuis le divorce de ses parents en 1931, Marguerite et son frère Bailey sont élevés par Annie Henderson, leur grand-mère paternelle qui tient une épicerie dans l'Arkansas, un État du Sud où sévit la ségrégation réglementée par les lois et garantie par le Ku Klux Klan. Maya est confrontée très jeune à la haine raciste. Mais la personnalité de sa grand-mère, un pilier de la communauté afro-américaine, lui donnera confiance en elle-même.Elle ira ensuite vivre chez sa mère, Vivian Baxter, à Saint Louis, en compagnie de son frère et du nouveau compagnon de sa mère qui passe ses soirées à scintiller sur la scène d’un cabaret dans une robe rouge à paillettes, avec des plumes dans les cheveux. Mr Freeman est un homme attentionné et généreux qui prend soin des enfants jusqu’au jour où cet homme abuse d’elle. La scène du viol est suggérée avec pudeur de manière à ce que le spectacle soit accessible à un public pré-adolescent.Déclaré coupable par le tribunal, il sera assassiné quelques jours plus tard par l'oncle de Vivian. C'est un second choc pour Maya qui retourne chez sa grand-mère où elle s'enferme dans le silence pendant six années en se sentant -à tort- coupable d'avoir parlé.Par chance une amie de sa grand-mère, Mrs Bertha Flowers, lui fait découvrir les grands auteurs et lui suggère d’écrire si elle ne veut pas parler … Dickens, Kipling Jane Austen, Shakespeare, Zola, Daniel Defoe, Victor Hugo, Edgar Poe, Platon, Mary Shelley, la mère de Frankenstein, tous l'influenceront durablement. Tu peux parler avec ta plume, alors lance-toi lui soufflera Bertha Flowers. Maya comprendre vite qu'un poème prend toute sa dimension et sa signification par la parole et la manière dont on le fait vibrer en le lisant. Elle n'aura plus peur de parler.
- Jericho, enregistré pour la première fois en 1922, sera repris entre autres par Sidney Bechet (1949), ou Mahalia Jackson (1961),- Strange Fruit (littéralement "Fruit étrange") qui dénonça les pendaisons de noirs par le Ku Klux Klan, qui fut interprétée par la chanteuse américaine Billie Holiday pour la première fois en 1939 et qui risquera sa vie à la chanter,- Put a Spell on You ( Je t'ai jeté un sort), une chanson de rhythm and blues de Screamin' Jay Hawkins, en 1956
Les cinq interprètes sont toutes aussi talentueuses les unes que les autres dans le chant a capella comme dans la comédie, et même les pas dansés. L’écriture étant contemporaine, elle accorde une place équivalente à chaque comédienne, dans un parfait équilibre. La mise en scène d’Éric Bouvron donne à chacune une place équivalente, quitte à confier plusieurs rôles à certaines, y compris les rôles masculins et le public suit très bien cette histoire de vie passionnante. SeuleUrsuline Kairsoninterprète Maya tout le long de la soirée.Les accessoires composent un décor tout à fait évocateur du Sud des Etats-Unis dans la première moitié du XX° siècle. On y est complètement sans qu'il soit besoin de manipuler beaucoup d'objets. Une corde, un boa, un livre ancien, un balai, un éventail ou un chapeau suffisent. Maya, une voix est un spectacle complet, très équilibré, qui a enchanté un public enthousiaste, ne se privant pas de battre les mains sur le final entonné après les premiers saluts.
Mise en scène : Éric Bouvron
Interprétation : Ursuline Kairson, Julie Delaurenti ou Sharon Mann, Vanessa Dolmen ou Margaux Lampley, Tiffany Hofstetter ou Elizabeth Wautlet, Audrey Mikondo.
Musique : Nina Forte et standards de blues et de jazz
Spectacle vu le Mercredi 26 juillet à 21h30 au Domaine de la Cour à Vautorte (Mayenne)