Viens ici Fous-le-camp !
Prémonitoire, l’aimable comédie Ni vu ni connu tirée du roman d’Alphonse Allais par le cinéaste Yves Robert en 1958, jouée par Madeleine Barbulée et Louis de Funès ?
Nul n’aurait pu l’imaginer !
Le mauvais génie actuel de nos voyageurs de commerce politiques tendrait pourtant à nous le faire croire !
Souvenons-nous de ce film, du braconnier Blaireau, de sa pie Lucienne, des cochon Parju, corbeau Napoléon, membres du « club de la fine gaule » et, surtout, du chien « Fous-le-camp » toujours prêt à l’escapade !
La campagne profonde résonnait sans cesse des « Viens ici Fous-le-camp » de ce poétique Blaireau. Ainsi le gentil hors-la-loi rappelait-il au pied son fidèle fox-terrier qui risquait de le faire démasquer tandis qu’il récoltait les lapins pris dans ses collets ! On se marrait bien… bonheur assuré !
« Viens ici Fous-le-camp ! »
Qu’en est-il aujourd’hui, dans notre vie ordinaire, de ce que les psycho-socio-machinchoses, experts de tout poil, ont universitairement baptisé « Injonction contradictoire » ou « Injonction paradoxale » ? Ne serait-ce pas devenu le principe basique de fonctionnement de notre monde peuplé de citoyens décérébrés et de consommateurs conditionnés (les mêmes !)
Réveillons-nous, prêtons l’oreille aux réclames distillées chaque jour par les médias publics, privés et hybrides, écrits, parlés, vidéastés, et constatons que...
Vendre des voitures passe par vanter les couleurs, confort, performances, formes de la femme mannequin y associée, prix réduit à une dépense mensuelle négligeable pour faire passer la pilule… mais attention « Pensez à covoiturer ! » et « Pour les trajets courts privilégiez la marche ou le vélo ! » Donc : achetez nos bagnoles, mais surtout n’en usez pas !
Blaireau : « Viens ici Fous-le-camp ! »
Développer le marché de l’agro-alimentaire industriel passe par la tentation du goût, de la présentation, de l’exotisme, de la traçabilité, du clinquant de l’emballage… mais attention « Pour votre santé, évitez les aliments gras, sucrés, salés ! » Donc : achetez notre bouffe prédigérée, mais surtout ne la consommez pas !
Blaireau : « Viens ici Fous-le-camp ! »
Renforcer la position économique de nos entreprises productrices ou gestionnaires d’énergie passe par la promotion de la voiture électrique, l’automatisation de toutes les activités ménagères et des fonctions domestiques, l’encouragement aux déplacements, voire aux voyages lointains (par avion moins coûteux que le train !) et croisières (par immeubles flottants plus environnementicides que cent villages de notre campagne)… mais attention « L’énergie est notre avenir, économisons-là ! » et l’insupportable « C’est pas Versailles ici ! » Donc achetez nos véhicules à batterie (y compris les vélos), nos machines à laver, nos volets automatiques et nos billets d’explorateurs en escarpins sur des rafiots à pétrole, mais surtout ne les utilisez pas !
Blaireau : « Viens ici Fous-le-camp ! »
Alphonse Allais et son Blaireau nous avaient mis la puce à l’oreille voilà plus d’un siècle. Nous nous en étions amusés. Aujourd’hui…
Marchands apatrides et politiques (les mêmes, qui nous ordonnent effrontément « vote !», en même temps que nous murmurent « n’attends pas que je tienne compte de ton avis ! ) pénètrent sans cesse par effraction notre conscience de citoyens responsables et nous acceptons ce viol !
L’imbécillité criminelle et vénale nous gouverne par ses matraquages quotidiens, fait de nous des robots malmenés en permanence par les « Fais !" et « Ne fais pas ! » simultanés, nous transmute en chiffes molles par la répétition de ces « injonctions contradictoires », et nous acceptons ses lois !
Les « Blaireau » de notre temps tendent leurs collets partout autour de nous. Serons-nous leurs lapins aux grandes oreilles inutiles, piégeables à merci ?
Accepterons-nous de finir nos jours de citoyens dans leur gibecière ?
La question mérite d’être posée.
A nous de donner la réponse !
A moins que…
« Viens ici Fous-le-camp » !
Fraternité.