Si ça saigne (Stephen King)

Par Hiram33

Le téléphone de M. Harrigan

La ville natale du narrateur n'était qu'un village de 600 âmes. Son père et lui recevaient de moins en moins de courrier. La plupart du temps, c'était le Time, des prospectus et les factures mensuelles. En 2004, le narrateur avait neuf ans. Il commença à travailler pour M. Harrigan qui habitait plus haut sur la colline. À partir de ce moment-là, il était certain de recevoir au moins quatre lettres par an. Il y avait une carte de Saint-Valentin, une carte d'anniversaire en septembre, une carte de Thanksgiving en novembre et une carte de Noël. Chaque carte contenait un ticket à gratter de la loterie de l'État du Maine et la signature était toujours la même : avec les salutations de M. Harrigan. Et à chaque fois, le père du narrateur avait la même réaction : il riait et levait les yeux au ciel avec bonhomie. Le cas du narrateur pensait que M. Harrigan était un radin qui payait son fils une misère et lui offrait des primes de misère. Pourtant, une fois, le narrateur avait gagné cinq dollars et il avait demandé à son père de lui acheter cinq autres tickets à gratter. Son père avait refusé pour ne pas encourager son addiction au jeu car sa mère se retournerait dans sa tombe. Le narrateur aimait bien M. Harrigan et il aimait bien travailler pour lui. Il lui faisait la lecture et tondait son jardin. Le père du narrateur était étonné que M. Harrigan dépense des timbres pour envoyer des cartes à son fils alors qu'il y avait moins de 500 m entre sa boîte aux lettres et la leur. Mais M. Harrigan avait de l'arthrite et devait marcher avec deux cannes. Le narrateur aimait recevoir les cartes de M. Harrigan et les attendait avec impatience. Une fois, alors qu'ils faisaient les courses, le narrateur avait demandé à M. Harrigan son âge. Il avait répondu 68 ans. Le narrateur s'appelait Craig. M. Harrigan avait demandé à Craig de lui commander une radio par satellite pour sa voiture. Une fois, M. Harrigan avait cherché une radio spécialisée dans la musique country. Il était tombé sur «Stand by your man ». Longtemps plus tard, cette chanson donnait des frissons à Craig. Craig avait demandé à son père un téléphone portable mais son père trouvait qu'il était encore trop jeune. Il n'avait que 11 ans. Son père lui avait expliqué que John Harrigan était riche. C'était le grand manitou d'une société baptisée Oak Enterprises. Cette société détenait une compagnie de navigation, des centres commerciaux, une chaîne de cinémas, une entreprise de télécoms. M. Harrigan possédait plus d'un milliard de dollars. Pourtant il portait un costume miteux pour aller à la messe. Craig trouvait ça très intéressant que M. Harrigan ne possède pas d'ordinateur ni même une télévision alors qu'il avait possédé une entreprise de télécoms et une chaîne de cinémas. Craig voyait à quoi correspond de 5000 $ puisque c'était le salaire de son père qui travaillait comme vendeur dans le magasin de tracteurs et de machines-outils de Gate Falls. Mais il ne voyait pas à quoi pouvait correspondre 1 milliard de dollars. Craig et son père fréquentaient la première église méthodiste de Harlow. Il y avait une autre église, celle des baptistes mais elle avait brûlé en 1996. Craig avait perdu sa mère quand il avait six ans. Il aimait beaucoup son père mais il pensait qu’un père ne pouvait pas tout comprendre. Il aurait bien voulu que sa mère le prenne dans ses bras quand Kenny Yanko lui avait cassé la gueule. À trois ans, Craig savait déjà lire et la nouvelle s'était répandue. Le révérend Mooney lui avait demandé de faire la lecture biblique lors des réunions dominicales de la paroisse. Son père lui avait conseillé de ne pas attraper la grosse tête. Jusqu'à son départ à l'université, Craig assura la lecture biblique dominicale. Juste après la revente sa société, M. Harrigan s'installa à Harlow. C'était trois ans avant que Craig commence ses lectures bibliques. M. Harrigan allait à l'église chaque semaine. À cette époque, il n'avait qu'une canne sur laquelle il s'appuyait pour chanter des cantiques. À l'automne 2004, un lundi, M. Harrigan se présenta chez le père de Craig. Il proposa d'engager Craig pour qu’il lui fasse la lecture deux ou trois heures par semaine. Il lui paierait cinq dollars de l’heure. Il proposa également trois autres heures de travail si Craig acceptait de s'occuper de son jardin. Craig n'en revenait pas et ilcommençait à imaginer qu'il pourrait s'acheter le scooter d'occasion dont il rêvait. Son père accepta à condition que M. Harrigan ne lui fasse pas lire des textes controversés. M. Harrigan lui donna sa parole.

C'est que M. Harrigan trouvait remarquable c'était que Craig ne récitait pas même quand il ne comprenait pas. M. Harrigan demanda à Craig s'il comprenait l'expression « les filles des incirconcis » qu'il avait lue la veille à l'église. Craig ne le savait pas. Pourtant il avait su prendre le ton de colère et de lamentation qui convenait. M. Harrigan donna rendez-vous à Craig pour le mercredi suivant. Le premier livre que Craig lui pour M. Harrigan était Au coeur des ténèbres. Il demanda à Craig s'il avait compris le roman. Craig avoua ne pas avoir compris grand-chose sauf que Kurtz était complètement cinglé.

Ensuite Craig lut Silas Marner et l'amant de Lady Chatterley et ce fut pour lui une révélation. Pourtant son père avait recommandé à M. Harrigan d'éviter toute lecture grivoise. Après un passage particulièrement torride, M. Harrigan demanda à l'enfant s'il avait compris ce qu'il a vu. Il avait menti en disant qu'il n'avait pas compris. Ensuite ils passèrent à Dombey et fils. C'était le premier roman pour adultes que Craig avait aimé. Il ne voulait pas mentir à son père mais heureusement celui-ci ne lui demanda pas quelles étaient les lectures que choisissait M. Harrigan. Craig avait compris que M. Harrigan aimait l'avoir près de lui. Il le lui avoua peu de temps avant sa mort. Un jour, son père lui demanda si M. Harrigan le touchait, de temps en temps, d'une manière qui ne lui plaisait pas. Craig avait compris le sens de la question. On l'avait mis en garde de le CE2. Alors il avait répondu à son père que M. Harrigan ne le tripotait pas car il n'était pas homo. Pour plaisanter, il ajouta que si M. Harrigan le tripotait, il pourrait au moins lui envoyer des tickets de loterie à deux dollars ce qui fit rire son père. Sur les 30 $ que Craig gagnait chaque semaine, son père insista pour qu'il en dépose au moins 20 sur le compte épargne qui servirait à payer l'université. Craig accepta même s'il trouvait cela débile tant l'adolescence lui semblait très lointaine. Le reste, il le dépensait en mangeant des hamburgers mais surtout pour acheter des vieux livres de poche. Il appréciait les romans policiers et les westerns. Le matin de Noël 2007, trois ans après avoir commencé à travailler pour M. Harrigan et deux ans avant la mort de celui-ci, Craig reçut un seul cadeau. C'était un téléphone portable. Il sert à son père dans ses bras. Toutefois, son père lui conseilla d'utiliser ce cadeau avec modération car cela coûtait une fortune. Mais son père ne lui mena jamais la vie dure au sujet des factures de téléphone. Craig n’avait pas beaucoup de personnes à appeler mais il aimait regarder les vidéos de YouTube. Moins de deux mois plus tard, en rentrant de l'école, Craig trouva dans la boîte aux lettres une enveloppe qui lui était adressée. C'était la carte de Saint-Valentin que lui envoyait M. Harrigan. Il avait écrit : que cette année soit remplie d'amour et d'amitié. La carte représentait un homme autant son chapeau haut-de-forme et s'inclinant dans un champ de fleurs. Il y avait également dans l'enveloppe un ticket à gratter. Craig cria de joie et appela son père pour lui annoncer qu'il venait de gagner 3000 $. Son père le félicita. Pour fêter ça, Craig pourrait lui payer le restaurant Chez Marcel. Ensuite, Craig appela M. Harrigan. M. Harrigan lui dit que la chance lui avait souri. Il proposa à Craig de lui confier l'argent pour qu'il l'investisse à sa place. Craig devait d'abord en parler à son père. M. Harrigan lui proposa d'investir dans des actions Apple. Le soir, Craig parla de la proposition de M. Harrigan à son père et d'une idée de cadeau qu'il avait eu pour remercier M. Harrigan. Le père de Craig accepta que M. Harrigan place l'argent de son fils mais il ne doutait que l'idée de cadeau était bonne. Un mois plus tard, Craig offrit à M. Harrigan un iPhone. M. Harrigan refusa ce cadeau et demanda à Craig de lui offrir à son père. Il pensait que chaque nouvel objet que l'on possédait était un poids de plus que nous devions transporter sur notre dos. Pourtant, Craig insista et voulut montrer à M. Harrigan deux choses. Il y avait d'abord une application permettant de connaître les cours de la bourse à la seconde près. M. Harrigan en demeura bouche bée. Craig savait que M. Harrigan était convaincu pourtant il lui montra une deuxième chose. C'était là une du Wall Street Journal qui devait paraître le lendemain. M. Harrigan paraissait totalement accro et cela faisait peur à Craig. M. Harrigan utilisa le téléphone portable de Craig pour vous rendre toutes ses actions Cofffee Cow. Craig lui expliqua à quel point les nouvelles technologies étaient devenues importantes. M. Harrigan reconnu avoir été arrogant à ce sujet et accepta le cadeau de Craig. Ce jour-là, ils avaient presque fini la Pieuvre d'un certain Franck Norris. Craig avait hâte de savoir comment l'histoire se terminait. M. Harrigan demanda à Craig comment il avait pu lire cet article sur Coffee Cow et consulter la carte des boutiques qui allaient fermer. Normalement il aurait dû payer pour ça. Craig évoqua l'entrée de la foire de Fryeburg qui était gratuite. C'était ensuite qu'il fallait payer. Mais là, c'était différent, tout le journal était gratuit. M. Harrigan pensait que c'était une gigantesque erreur. Il pensait qu'un tremblement de terre économique se préparait. Alors il employa une métaphore pour expliquer sa pensée à Craig. Dans le monde du commerce, la plupart des gens étaient comme des chiots qu'il fallait éduquer selon lui. Craig n'aimait pas beaucoup cette notion de punition/récompense qui en disait long sur la manière dont M. Harrigan avait fait fortune.

Il expliqua à Craig que si on faisait trop de cadeaux aux gens, ils finiraient par considérer cela comme un dû. M. Harrigan imagina ce qui pourrait arriver si un individu mécontent décidait de dévoiler des secrets d'État. Il considérait Internet comme une canalisation éventrée qui crachait non pas de l'eau mais des informations. Il avait immédiatement compris qu'il fallait réparer cette canalisation pour que le monde des affaires survive. Plus tard, les articles de presse finiraient par devenir payants sur Internet et les gens n'étaient pas contents qu'on leur demande de payer. M. Harrigan avait qu'il n’utiliserait sans doute pas beaucoup le téléphone portable mais Craig savait que ce n'était pas vrai. Presque tous les soirs, M. Harrigan appelait Craig pour l'interroger sur les possibilités de son nouveau jouet. Un jour, M. Harrigan dit à Craig avoir gâché une magnifique heure de lumière d'été à regarder des vidéos de George Jones avec un mélange de honte et d’étonnante fierté. Craig lui demanda pourquoi il n'achetait pas un ordinateur portable mais M. Harrigan lui répondit qu'il lui avait appris à fumer de la marijuana et à aimer ça et maintenant c'était comme s'il lui proposait de passer à l'héroïne et M. Harrigan ne voulait pas. Craig lui lut On achève bien les chevaux à l'automne 2008. Craig finit par lui demander pourquoi il était venu dans cette petite ville. M. Harrigan lui demanda où il aimerait vivre s'il pouvait choisir. Craig répondit qu'il voulait vivre à Los Angeles pour travailler pour le cinéma. Alors M. Harrigan lui demanda s'il ne regretterait pas sa maison, de voir le visage de son père, de ne plus déposer des fleurs sur la tombe de sa mère. Cela lui donna à réfléchir. M. Harrigan répondit qu'il voulait faire une coupure nette ayant vécu toute sa vie en ville, il voulait être loin de New York. Il voulait éviter les touristes car il appréciait la tranquillité. Il avoua à Craig qu'il l’aimait bien lui aussi. Cela mit Craig en joie. Craig pensait que les gens vivaient en grande partie seuls, par choix, comme M. Harrigan ou parce que le monde était ainsi. M. Harrigan avait deviné que la seule école de la ville finirait par fermer et c'est ce qui arriva en juin 2009. Craig fut contraint de faire son année de quatrième à Gates Falls Middle, au milieu de 70 élèves, au lieu de 12. C'est au cours de cet été qu'il embrassa une fille pour la première fois, Regina. C'est cet été-là également que mourut M. Harrigan et ce fut Craig qui le découvrit. La veille de sa mort, Craig lut quelques chapitres de McTeague. M. Harrigan avait dit que les gens avaient fini par comprendre ce que représentait le téléphone portable. Il avait compris que son adresse électronique avait été revendue parce qu'il recevait des publicités. Il avait choisi un pseudonyme pirateking1 mais il savait que c'était ses recherches personnelles qui intéressaient les démarcheurs et pas son identité. M. Harrigan avait placé un masque à oxygène sur sa bouche. Il demanda à Craig s'il s'était déjà intéressé à Amazon. Il demanda à M. Harrigan où il voulait en venir. M. Harrigan avait compris que cette société deviendrait une des plus grosses et des plus puissantes entreprises des États-Unis. Il avait deviné que dans un avenir que si lointain, les spams décideraient peut-être des résultats des élections. Il se serait intéressé à cela s'il avait été plus jeune. Dans son regard apparut une lueur que Craig voyait parfois et qui faisait qu'il se réjouissait de ne pas l'avoir pour ennemi. M. Harrigan tint à lui redire combien il était heureux que Craig l’ait convaincu de garder ce téléphone qui lui avait donné matière à réflexion. Le lendemain, Craig découvrit M. Harrigan assis dans son fauteuil. On aurait dit qu'il dormait. Quand il comprit, Craig fut assailli par le souvenir fugace de sa mère lui lisant l'histoire du petit garçon qui criait au loup. Il alla chercher un miroir dans la salle de bains puis le plaça devant la bouche de M. Harrigan. Aucun souffle n’embua le verre. Alors Craig appela son père. Son père appela une ambulance. Craig prit le téléphone de M. Harrigan car il voulait garder quelque chose de lui, quelque chose qui comptait.

Lors de l'enterrement de M. Harrigan, de nombreux habitants de la ville étaient présents car M. Harrigan était très apprécié à Harlow. Il y avait également des hommes d'affaires venus de New York. Mais il n'y avait aucun membre de sa famille. M. Harrigan ne s'était jamais marié et n'avait jamais eu d'enfants et il avait survécu à tous ses proches. Craig lut le quatrième chapitre des Ephésiens. Le révérend acheva l'homélie en huit minutes. Il se contenta de dresser la liste de tout ce que M. Harrigan avait fait pour la ville. Le révérend demanda à l'assemblée si quelqu'un voulait dire un dernier adieu au défunt. Virginia Hatlen se mit au piano pour jouer des chansons country parmi lesquelles bien sûr « Stand by your man ». M. Harrigan avait donc laissé des instructions relatives à sa musique de sortie de scène. Craig avait compris que le cercueil était un bateau qui allait emmener M. Harrigan pour son ultime voyage et il avait envie de pleurer. Son gars lui demanda s'il voulait se joindre à la queue devant le cercueil et Craig accepta. Il se plaça dans la file d'attente en dernier. Quand il atteignit le cercueil, Craig était seul. M. Harrigan ressemblait à une poupée grandeur nature et Craig ne se portait pas de le voir comme ça. Mais il avait quelque chose à faire et il devait le faire immédiatement avant que le révérend ne revienne. Il sortit de sa poche le téléphone de M. Harrigan. Il connaissait le mot de passe du téléphone et il l’avait déverrouillé la veille de l'enterrement pour laisser un message dans le bloc-notes. Il avait écrit : travailler pour vous a été un privilège. Merci pour les cartes et les tickets à gratter. Vous allez me manquer.

Il plaça le téléphone dans la poche intérieure de la veste de M. Harrigan. Juste après, le révérend arriva. Il lui dit qu'il avait eu avec M. Harrigan une relation que beaucoup de personnes pouvaient lui envier puis il lui conseilla de rejoindre son père dehors. Craig ne dit pas à son père qu'il avait besoin d'un calin mais son père dut le sentir car il le serra dans ses bras. Par la pensée, il supplia son père de ne pas mourir. Une autre cérémonie eut lieu dans le cimetière mais elle fut moins pénible car plus courte. Le directeur commercial de M. Harrigan évoqua brièvement les oeuvres de bienfaisance de son patron. Il fit rire l'assemblée en évoquant les goûts musicaux discutables de M. Harrigan. Craig faillit s'avancer pour dire à tous ces gens que M. Harrigan regardait Internet comme une canalisation éventrée qui crachait des informations et qu'il aimait les cookies aux flocons d'avoine mais il se tut. Le révérend lut le passage de la Bible où il était question de la résurrection. Puis ce fut terminé. M. Rafferty demanda à Craig et à son père la permission de faire un saut chez eux car il avait quelque chose à leur annoncer. Craig crut qu'il s'agissait du téléphone qu'il avait volé à M. Harrigan. Il leur montra une enveloppe blanche qu'il avait reçue deux mois plus tôt de M. Harrigan avec instruction de la garder jusqu'à une occasion comme celle-ci. Dans la voiture, le père de Craig se mit à éclater de rire. Il était persuadé que son fils figurait sur le testament de M. Harrigan. Alors Craig ouvrit l'enveloppe et lut la lettre. En effet, M. Harrigan avait légué 800 000 $ à Craig. Cet argent serait géré par son père et par M. Rafferty. Il voulait offrir cet argent à Craig pour qu'ils puissent aller à l'université jusqu'au doctorat. Il encourageait Craig à devenir scénariste si c'était son choix. Personnellement, M. Harrigan estimait que les films étaient éphémères alors que les livres étaient éternels. Il pensait que Craig lui avait lu beaucoup de bons livres mais d'autres attendaient qu'on les écrive. C'était tout ce qu'il avait à dire. M. Harrigan terminait sa lettre en disant qu'il avait apprécié les après-midi qu'ils avaient passé ensemble.

Le père de Craig demanda à son fils ce que ça faisait d'être riche. Craig pensait que c'était un super cadeau mais surtout que M. Harrigan le tenait en si haute estime. Il se demandait ce qu'il allait faire de cet après-midi désormais. Craig changea la station de radio dans la voiture. Il choisit la station qui diffusait de la country. Il avait pris goût à cette musique. Le soir, Craig remercia à M. Rafferty. M. Rafferty allait investir l'argent de Craig dans des actions Apple et Amazon. Il dit à Craig qu'il avait eu la chance de faire partie des rares amis de M. Harrigan. Après le départ de M. Rafferty, Craig pleura dans sa chambre. Il alluma son téléphone et chercha la blague sur le scénariste et la starlette que M. Harrigan avait mentionnée dans sa lettre sans la raconter. C'était l'histoire d'une starlette si stupide qu'elle couchait avec le scénariste. Craig comprit ce que voulait dire M. Harrigan. Tout à coup, Craig éprouva le besoin d'entendre la voix de M. Harrigan. Alors il appela le numéro de M. Harrigan et il entendit sa voix sur son répondeur. Puis il rappela pour dire à M. Harrigan qu'il lui manquait beaucoup et qu'il préférerait qu'il soit vivant plutôt que de lui avoir laissé de l'argent. Le lendemain matin, Craig vit un petit cercle rouge sur son téléphone lui signalant qu'il avait reçu un message. Le message provenait de pirateking1 et le sang de Craig se glaça. Le message avait été envoyé à 2:40 du matin. Alors Craig alla voir son père en pleurant. Il annonça qu'il fallait déterrer M. Harrigan car il avait été enterré vivant. Puis il raconta tout à son père à propos du téléphone portable. Le père de Craig et lui annonça qu'il avait été victime d'un canular. Il ne servait à rien de déterrer M. Harrigan car une autopsie avait été pratiquée. Craig avait envie de retourner chez M. Harrigan pour arroser les plantes et parler avec Mme Grogan. Il avait envie de lui donner une part de son argent. Son père l'embrassa sur la joue en lui disant qu'il était un brave garçon. Mme Grogan lui proposa une tasse de thé et des cookies. Craig lui confia que M. Harrigan lui avait légué de l'argent. Elle aussi avait reçu une enveloppe des mains de M. Rafferty. Elle pensait que son patron était honnête et loyal mais qu'il valait mieux ne pas l'avoir comme ennemi et elle raconta à Craig ce qui était arrivé à Dusty Bilodeau. Il avait été le jardinier de M. Harrigan. Mais il avait volé son patron. Il avait été licencié et M. Harrigan s'était arrangé pour que Bilodeau ne retrouve jamais de travail.

Mme Grogan ne savait pas comment elle allait s'occuper ensuite. Elle demanda à Craig ce qu'il comptait faire. Il comptait encore s'occuper des plantes de M. Harrigan. Il repensa au message qu'il avait reçu dans la nuit. Il emporta quatre des plantes de M. Harrigan chez lui. Puis il se rendit au cimetière. La pierre tombale de M. Harrigan avait été installée. Craig appela M. Harrigan. Il tomba encore sur le répondeur. Puis Craig rentra chez lui. En septembre 2009, il fit sa rentrée scolaire au collège de Gates Falls avec ses camarades Margie, Regina et Billy. En classe de quatrième, il était l'élève le plus petit. Il était la cible idéale de Kenny Yanko. Le directeur du collège, Albert Douglas, accueillit les nouveaux élèves. Craig eut une très bonne impression d'ensemble jusqu'à ce qu'il se fasse bizuter. Yanko lui ordonna de cirer ses bottes mais Craig refusa. Il songea à ce qu'aurait pensé M. Harrigan en le voyant à genoux en train de cirer servilement les chaussures d'un abruti. La professeure de SVT, Mlle Hargensen arriva à ce moment-là pour demander si tout allait bien. Craig ne voulait pas dire ce que contenait le sac de la brute. Il mentit en disant que le sac de Yanko contenait son déjeuner et pas un kit de bizutage. Une semaine plus tard, Yanko se disputa avec le professeur de travaux manuels et se fit renvoyer définitivement. À l'automne, le bal traditionnel eut lieu. Il s'agissait pour les filles d'inviter les garçons à danser. Craig fut invité par Margie et il accepta. Elle ne lui plaisait pas vraiment. Regina avait invité Billy uniquement parce que c'était l'ami de Craig.

Craig passa à un bon moment jusqu'au premier entracte pendant lequel il quitta le gymnase pour aller aux toilettes c'est là que Yanko l'agressa. Il voulut le forcer à cirer ses bottes mais Craig lui balança un coup de poing dans l'oeil. Mais il reçut cinq coups en retour. Une fois Yanko parti, Craig sortit son téléphone de sa poche. Il n'était pas cassé. Il appela Billy pour qu'il aille chercher Mlle Hargensen. Billy revint avec la professeure, Margie et Regina. Mlle Hargensen les conduisit dans la salle des professeurs. Elle soigna Craig et demanda à Margie d'appeler le père de Craig. Le père de Craig exigea de savoir qui lui avait fait ça. Craig ne voulut pas de le lui dire. Mlle Hargensen savait que c'était Yanko qui avait agressé Craig. Craig ne voulait pas le reconnaître. Il voulait juste s'intégrer. Alors elle lui dit qu'elle pensait qu'il réussirait. De retour chez lui, le père de Craig lui demanda encore s'il savait qui lui avait fait ça mais Craig prétendit ne pas le savoir. Il voulut savoir si son fils lui avait rendu la monnaie de sa pièce et il le lui confirma. Il le félicita mais si le type recommençait, c'est la police qui devrait prendre les choses en main. Son père lui raconta les bagarres qu'il avait subies quand il avait son âge. Craig eut du mal à dormir alors il téléphona encore à M. Harrigan. Cela faisait trois mois que M. Harrigan avait été enterré pourtant le répondeur fonctionnait encore. Craig raconta ce qui venait de lui arriver. Le lendemain, Kenny Yanko mourut. Il s'était pendu. Craig apprit la nouvelle par Billy. Aussitôt Craig pensa avec un sentiment de culpabilité à son coup de téléphone à M. Harrigan. Il repensa à ce qu'avait dit Mme Grogan : « il était honnête et loyal mais il valait mieux ne pas avoir comme ennemi ». Craig se sentit à la fois coupable et soulagé. Yanko ne se dresserait plus jamais sur son chemin. Plus tard, Mlle Hargensen entraîna Craig dans le couloir pour lui dire qu'elle savait qu'il pensait que le monde tournait autour de lui. Elle voulait lui dire qu'il n'était pas responsable de la mort de Yanko. Elle lui dit qu'elle se réjouissait que ce n'était pas lui qui était mort. Il avait eu un envie de lui répondre mais la sonnerie retentit à ce moment-là et le couloir fut envahi d'élèves. Le soir, il appela encore M. Harrigan. Le répondeur fonctionnait toujours. Il demanda à M. Harrigan qu'il n'était pour rien dans la mort de Yanko. Le lendemain matin, il reçut un message de pirateking1 : «aaa.C Cx ». Ça n'avait aucun sens mais effraya Craig. Craig pensa beaucoup à Yanko cet automne-là. Il pensa également à M. Harrigan. Une semaine avant Noël, le révérend le conduisit dans la sacristie pour bavarder. Il voulait lui dire que son père s'inquiétait pour lui car il maigrissait et ses résultats scolaires étaient en baisse. Craig lui confia s'être battu avec un garçon du collège. Il précisa qu'il n'avait jamais souhaité sa mort et pourtant il était mort peu de temps après leur bagarre. Il expliqua au révérend ce que lui avait dit Mlle Hargensen à propos des enfants convaincus que tout tourne autour d'eux. Malgré tout, Craig continuait à penser qu'il avait pu jouer un rôle dans la mort de Yanko. Alors le révérend confia à Craig que Yanko s'était suicidé. Le révérend expliqua à Craig que son soulagement provenait du fait qu'il était humain et Craig se sentit mieux. Peu de temps avant la fin de l'année scolaire, Mlle Hargensen annonça à ses élèves qu'elle avait été engagée par le lycée pour remplacer un professeur parti à la retraite. Craig applaudit très fort ayant l'impression ainsi de ne jamais abandonner l'amour de sa vie. Au lycée, Craig fit la connaissance de Mike Ueborroth. C'était un élève de première et Craig était encore en troisième, cela rendait leur amitié encore plus improbable. Le petit ami de Mike était membre du club théâtre et le convainquit de faire un essai dans la pièce Arsenic et vieilles dentelles. Il décrocha le rôle du meurtrier. Craig jouait le rôle de son acolyte, le docteur Einstein. À ce moment-là, Craig découvrit ce qui était réellement arrivé à Yanko. Il s'agissait bel et bien d'un accident. Mike avait appris que Craig avait eu des ennuis avec Yanko et il voulut lui annoncer comment il était mort. Le père de Mike était inspecteur de police. C'était son père qui avait mené l'enquête. Yanko avait voulu pratiquer une asphyxie auto érotique en se pendant. C'est-à-dire qu'il voulait se branler pendant qu'il se pendait. Mais ce qui était bizarre c'était que la moitié des cheveux de Yanko étaient devenus tout blancs. Craig trouvait que cette façon de mourir était stupide et indigne. Il ne pouvait s'empêcher de se demander ce qui avait pu provoquer le blanchiment des cheveux de Yanko. Alors il chercha sur Internet. Certains scientifiques estimaient qu'un choc pouvait blanchir les cheveux d'une personne. Il se demanda si Yanko avait vu une chose terrifiante avant de s'évanouir. La maison de M. Harrigan était à vendre. Un couple d'homosexuels la visita. Ils ne revinrent plus jamais. Un grand nombre d’acheteurs potentiels visiteurs la maison mais la succession avait maintenu Mme Grogan et Pete Botwick en poste et Craig avait été engagé par lui pour l'aider à s'occuper du jardin. L'argent que Craig gagnait ainsi était le bienvenu car il ne pouvait pas toucher au fidéicommis avant d'entrer à l'université. Pete et Mme Grogan avaient surnommé la maison de M. Harrigan le Manoir de l'Eléphant blanc.

Au début de l'hiver 2011, Craig acheta un nouveau téléphone portable. Il transféra tous ses contacts de son ancien à son nouveau téléphone et ainsi il tomba sur le numéro de M. Harrigan. Alors il appela et cette fois il n'y eut pas de message d'accueil. Uniquement un silence paisible. Ce fut un soulagement. En classe de seconde, Craig choisit l'option biologie et retrouva Mlle Hargensen mais ce n'était plus l'amour de sa vie. Il était tombé amoureux de Wendy Gerard. Son amour pour Mlle Hargensen s'était transformé en amitié. Un jour, il lui demanda si elle croyait aux fantômes. Elle répondit qu'elle croyait en Dieu, aux anges et au monde des esprits. Elle aurait refusé de participer à une séance de spiritisme par superstition. Elle pensait qu'il ne fallait pas appeler si on ne voulait pas qu'on vous réponde. Craig n'osa pas lui avouer qu'il pensait toujours à Kenny. Elle lui dit que si les fantômes existaient, ce n'était pas tous des saints. Craig n'avait pas renoncé à devenir un écrivain mais son désir d'écrire des scénarios s'était émoussé. Cette année-là, pour Noël, son père lui offrit un ordinateur portable et Craig se mit à écrire des nouvelles. L’année suivante, le directeur du département d'anglais insista pour qu'il prenne le travail de rédacteur en chef du journal du lycée. Le virus de journalisme s'empara de lui. Il perdit sa virginité avec Wendy. Il finit troisième de sa promotion et son père lui acheta une Toyota Corolla. Craig fut accepté à l'école Emerson qui formait des journalistes. Au moment d'entrer à l'université, Craig ne pensait quasiment plus à Yanko. Mais il pensait toujours à M. Harrigan. À la Saint-Valentin, à Thanksgiving et le jour de son anniversaire, il déposait des fleurs sur sa tombe et achetait un billet de loterie à gratter. C'était uniquement pour se souvenir de M. Harrigan car il était déjà riche. Il avait déjà son appartement en première année à Emerson. Il travaillait pour un magazine littéraire ou il décortiquait les manuscrits reçus. Il se réjouit de voir combien d'apprentis écrivains étaient plus mauvais que lui. Un soir qu'il était en train d'accomplir sa corvée. Son père lui téléphona. Mlle Hargensen venait de mourir. Elle s'était tuée en moto avec son mari. Ils avaient été percutés par un automobiliste. Craig appela le rédacteur en chef du Weekly Enterprise pour lequel il avait travaillé. Dave Gardener lui donna des détails supplémentaires. Dean Whitmore, le chauffard, avait été arrêté quatre fois pour conduite en état d'ivresse mais son père dirigeait un gros fonds spéculatif et des avocats chers payés lui avaient sauvé la mise. Mais ce soir-là, il conduisait sans permis et en état d'ébriété. Gardener était persuadé qu'une fois encore ce type s'en sortirait grâce à son père.

Il y eut beaucoup de monde à l'enterrement de Mlle Hargensen et de son mari. Ils avaient été tous les deux des professeurs très appréciés. Craig retrouva Margie, Regina et Billy et Mike. Après la cérémonie, Margie et Regina étreignirent Craig devant l'église et Regina évoqua le soir où Craig s'était fait tabasser et avait été soigné par Mlle Hargensen. Whitmore puis jugé en juillet et condamné à quatre ans de prison avec sursis à condition qu'il suive une cure de désintoxication. Craig travaillait comme salarié pour le Weekly Enterprise. Il avait été affecté aux informations locales et il fit part de son indignation à Dave Gardener. Craig trouvait que ce n'était pas assez alors de retour chez lui il chercha son vieux téléphone portable et le rechargea. Il repensa à la phrase qu'avait prononcée Mlle Hargensen : « il ne faut pas appeler, si vous ne voulez pas qu'on vous réponde ». Ce jour-là, Craig voulait qu'on lui réponde. Craig se rappela également que Mlle Hargensen avait dit que si les fantômes existaient, ce n'était pas tous des saints. Cela a failli le dissuader mais il repensa une fois encore à ce salopard qui devait jouer au tennis dans son centre de désintoxication. Alors il appela le numéro de M. Harrigan et il entendit une tonalité. Il n'en fut pas surpris. Il entendit sa voix rouillée sur le répondeur. Il dit à M. Harrigan qu'un certain Whitmore avait tué sa professeure préférée au lycée et son mari. Il ajouta que le chauffard n'avait pas eu ce qu'il méritait. Il voulait que le chauffard meure.

Craig avait sympathisé avec Frank Jefferson, le responsable informatique du journal et lui raconta avoir communiqué avec la boîte vocale de la mort. Frank lui dit que c'était possible car les premiers ordinateurs et les premiers téléphones portables avec toutes sortes de bugs bizarres. Il pensait que le message de M. Harrigan avait dû se retrouver coincé quelque part dans le logiciel du téléphone de Craig. Whitmore mourut au cours de sa deuxième journée au centre de désintoxication. Craig décida de se rendre à Maidstone pour enquêter. Il apprit comment Whitmore était mort. Il s'était enfoncé un savon dans la gorge. Il avait laissé un mot : « continuez à donner tout l'amour que vous pouvez ». Craig en eut la chair de poule  car c'était une phrase provenant de la chanson Stand by your man. Quand Craig rentra chez lui, son père voulut savoir s'il avait bien profité de ses mini-vacances. Craig acquiesça. Il avait essayé d'imaginer comment M. Harrigan avait pu apparaître à Yanko et Whitmore et provoquer ainsi leur mort. Si c'était réellement ce qui s'était passé, Craig savait qu'il était complice de meurtre au moins moralement. Puis Craig ralluma son vieux téléphone et découvrit qu'il avait un message de pirateking1 :  C C C sT. Craig se demanda s'il ne gardait à M. Harrigan prisonnier de ses préoccupations terrestres par le biais du téléphone. Puis finalement il s'était dit que M. Harrigan avait dû se faire une joie d'intervenir. Le lendemain, Craig appela M. Harrigan et entendit une dernière fois le message sur son répondeur et il le remercia pour son intervention et lui dit au revoir. Ensuite, il lança le téléphone dans le lac. Après le dernier message de pirateking1, Craig avait deux certitudes : il ne voulait pas être incinéré après sa mort et il voulait être enterré les poches vides.

La vie de Chuck

Acte III : Merci, Chuck !

1

Marty Anderson découvrit le grand panneau publicitaire la veille du jour où Internet s'arrêta pour de bon. Cela faisait huit mois que le réseau donnait des signes de faiblesse. Il y avait d'autres problèmes comme ces espèces entières d'oiseaux et de poissons qui mouraient. La Californie partait à la dérive. Marty avait quitté le lycée tard car c'était le jour de la réunion parents-professeurs. Il avait trouvé les parents peu soucieux d'évoquer les progrès des petits Johnny et autre Janey. Tout ce qui les intéressait était la probable panne ultime d'Internet. Marty soupçonnait un grand nombre de ces parents de pleurer la disparition imminente de Pornhub. Le pont s'était écroulé sur Otter Creek quatre mois plus tôt ce qui obligeait Marty a traversé le centre pour rentrer chez lui. Il resta bloqué 10 minutes au carrefour de Main et Marker Streets ce qui lui permit de contempler le panneau publicitaire installé au sommet de l'immeuble de la Midwest Trust. On y voyait un homme portant une cravate assis à un bureau. Marty trouvait qu'il ressemblait à un comptable. Sur l'affiche était écrit : Charles Krantz 39 années formidables ! Merci, Chuck ! Marty n'avait jamais entendu parler de Charles « Chuck » Krantz. C'était certainement un groupe ponte de cette entreprise. Arrivé chez lui, il était tenté de prendre un arrêt maladie. L'absentéisme au travail avait atteint des sommets dans le monde entier. Il laissa tomber la moitié de ses livres sur le sol du garage, cela tua dans le l'oeuf sa bonne humeur naissante. Il enseignait actuellement La Conquête du courage à ses élèves de seconde. À peine arrivé dans sa cuisine, le téléphone sonna. C'était son téléphone fixe évidemment. Il s'est félicité d'avoir conservé sa ligne. Même les lignes fixes étaient victimes de pannes fréquentes désormais. Son ex-femme, Félicia était au bout du fil. Elle était infirmière. Elle lui apprit qu'il y avait eu six suicides aujourd'hui. Deux ans plus tôt, ils étaient encore mariés. Elle lui demanda s'il prenait toujours son médicament contre l'ulcère. Il ne le prenait plus car le médicament était devenu introuvable. Il s'était rabattu sur un autre médicament. Tous les deux s'entendaient mieux depuis qu'ils n'étaient plus mariés. Il leur arrivait même de coucher ensemble. Felicia parla de la Californie. Le matin même, un gigantesque tremblement de terre avait projeté un gros morceau du Golden State dans l'océan Pacifique. La majeure partie de l'État avait été évacuée et les réfugiés se déplaçaient vers le Nevada. Marty avait trouvé très intéressant que les parents s'inquiètent plus pour Internet que pour la Californie parce qu'ils avaient compris que le grenier à blé du pays était toujours là. Marty attendait que Felicia raccroche pour sortir sa bouteille de bourbon. Elle lui demanda si elle pouvait lui dire « je t'aime ». Il était d'accord à condition qu'il puisse répondre « moi aussi ». Le monde partait à vau-l'eau et tout ce qu'ils trouvaient à se dire c'étaient que ça craignait. Felicia avait peur qu'eux aussi partent à vau-l'eau. Marty lui répondit que Chuck prenait sa retraite. Il y avait donc une lueur d'espoir et cela fit rire Felicia. Marty demanda à Felicia comment ce type pouvait avoir une telle couverture médiatique avec sa tête de comptable. Elle lui conseilla de ne pas boire d'alcool fort car elle savait qu'il y pensait. Il remit la bouteille de whisky dans le placard et but une bière à la place. Internet était revenu alors Marty voulu regarder un épisode de The Wire. Mais à la place de Netflix, il tomba sur Charles Krantz. Marty se demandait bien qui était ce Chucky. Puis la connexion fut interrompue. Le lendemain, le ciel était bleu. Les nuages et la pluie avaient été quasi permanents depuis six semaines. Marty remarqua Gus Wilfong qui remontait la rue, un responsable de la mairie au service des travaux publics. Il devait se rendre à son travail à pied. Il y avait un trou énorme sur la chaussée au croisement de la Main et de Market Street. Gus monta dans la voiture de Marty. Il lui annonça qu'il ne restait plus que 20 % de la Californie du Nord. Le reste avait disparu. Il ne restait plus qu'une seule région agricole dans le pays. C'était la même chose en Europe et en Asie. La famine était apparue ainsi que la peste. Les abeilles avaient complètement disparu à l'exception de quelques ruches en Amérique du Sud. Marty aperçut une femme qui s'appelait Andrea. Felicia lui avait dit qu'elle travaillait chez Midwest Trust. Il sortit de la voiture pour aller lui parler. Il se présenta comme le mari de Felicia Anderson. Elle faisait partie du comité de surveillance du quartier avec Felicia. Andrea lui apprit que sa banque était en train de pencher. Elle était située au bord du cratère. Marty lui demanda que signifiait le panneau publicitaire. Elle répondit que Chuck était également présent sur les chaînes locales. Elle trouvait cela bizarre également. Elle ne connaissait pas ce Chuck et pensait qu'il devait travailler au siège de sa banque, à Omaha. Mais Omaha n'était plus qu'un immense cendrier. Andrea s'en alla. Gus retrouva Marty. Gus lui rappela quand les gens manifestaient à Washington pour avoir des réponses. Ils avaient renversé la grille de la Maison-Blanche et des étudiants avaient été abattus. Le gouvernement russe avait été renversé. Une guerre de quatre jours avait éclaté entre l'Inde et le Pakistan. Un volcan était apparu en Allemagne. Et puis, il y avait le suicide. Gus pensait que les suicides allaient diminuer car selon lui on traversait le cinquième stade du deuil : l'acceptation. Il pensait qu'il ne restait plus qu'un an avant la fin du monde. Marty lui-même ne sut répondre que « ça craint ». Un avion traçait des messages dans le ciel. « Charles » apparut dans le ciel. Suivi de « 39 années formidables ». Puis « merci Chuck ! ». Marty rentra chez lui pour manger et regarder la télé. Mais les deux chaînes qu'il réussit à capter ne montraient que la photo de Chuck. Alors il alla se coucher. Il se réveilla en pensant à Felicia. Il avait envie de la voir. Il ne voulait pas affronter la fin seul. Il décida d'y aller à pied. Il tomba sur un vieil homme qui portait un costume de tweed. Il expliqua à Marty qu'il se reposait après avoir marché pour voir le cratère et prendre quelques photos. Il espérait pouvoir les vendre à une chaîne de télé mais elles diffusaient plus que la photo de  Krantz. Lui aussi ne savait pas qui c'était. Il le percevait comme le Magicien d’Oz de l'Apocalypse. Cela fit rire Marty. Le vieux Monsieur voulait se rendre au même endroit que Marty. Marty lui proposa de marcher ensemble. Il s'appelait Samuel Yarbrough. Il était le principal employé des pompes funèbres Yarbrough. C'était un passionné de météorologie. Un bus passa avec la photo de Chuck à l'arrière. Samuel expliqua à Marty qu'il n'y avait pas 24 heures par jour mais 23:56 minutes plus une poignée de secondes. Mais à présent il y avait 24 heures et deux minutes par journée. Marty comprenait que cela signifiait le ralentissement de la rotation de la Terre. Tout ce qui se produisait dépassait largement les dégradations environnementales. Marty proposa que la faute en incombait à Chuck. Cela fit éclater de rire Samuel. Mais la dernière ère glaciaire remontait à plus longtemps que 39 ans. Quand ils arrivèrent à Harvest Acres, Samuel dut se rasseoir. Avant de le quitter, Marty lui dit que Charles Krantz devait signifier quelque chose. Samuel répondit qu’il n’y avait rien au-dessus de la rotation de la Terre. Alors que Marty approchait de chez Felicia, une fillette en patins à roulette approcha. Marty la salua et lui dit qu’il allait voir son ex-femme. Elle lui demanda pourquoi il voulait voir son ex-femme et il répondit qu'il tenait toujours à elle. Elle voulut savoir s’ils se disputaient. Marty répondit qu’avant c'était le cas mais maintenant ils s’entendaient  mieux depuis qu'ils étaient séparés. La fillette lui dit que Melle Gordon (Felicia avait repris son nom de jeune fille) donnait à elle et son frère des cookies au gingembre. À ce moment-là, les lampadaires s'éteignirent et toutes les maisons se retrouvèrent plongées dans l'obscurité. Il y avait déjà eu des coupures de courant en ville mais il était toujours revenu. Marty conseilla à la fillette de rentrer chez elle. Elle lui demanda si cela allait s'arranger. Bien que n'ayant pas d'enfant, Marty était professeur depuis 20 ans, il estimait qu’un mensonge bienveillant était toujours une meilleure idée quand il s'agissait de parler aux enfants. Alors il répondit que ça s'arrangerait. La fillette désigna une fenêtre à Marty. Le visage de Chuck était apparu. Son visage apparaissait maintenant à chaque fenêtre de chaque maison de Fern Lane. Il y avait des centaines de Chuck d'un bout à l'autre de l'artère principale. Marty ordonna à la fillette de rentrer chez elle. Marty avait l'impression d'être surveillé par une horde de fantômes alors il courut. Felicia lui ouvrit la porte. Elle tenait une bougie qui éclairait son visage effrayé. Elle étreignit Marty et l’attira à l’intérieur. Elle croyait que c'était bientôt la fin.

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Douglas Beaton, maître de conférences au département d’études philosophiques et religieuses de l'université d’Ithaca était assis dans une chambre d’hôpital et attendait que son beau-frère meure. Un petit garçon arriva. Sa mère l’avait autorisé à quitter les cours. La mère du petit garçon se trouvait au rez-de-chaussée  au rez-de-chaussée, dans la chapelle, en train de prier. Le garçon s'approcha du lit pour contempler le visage  de son père. Sans ses lunettes à grosses montures noires, il paraissait trop jeune pour avoir un fils en troisième. Brian lui prit la main et déposa un baiser sur la cicatrice en demi-lune. Chuck avait eu 39 ans l'hiver dernier. Doug lui demanda de venir s'asseoir à côté de lui. L'adolescent lui demanda combien de temps il restait à son père. Douglas répondit que d'après les médecins il pouvait partir à tout moment. Mais Chuck ne souffrait plus. Le plus dur était passé. L'adolescent se mit à pleurer. Douglas le prit par les épaules et lui dit que la vie était un mystère et la mort aussi. Charles Krantz avait travaillé toute sa vie au service comptabilité de la Midwest Trust. Brian dit à Douglas que les collègues de son père l'aimaient beaucoup et avaient envoyé des tonnes de fleurs. Douglas ajouta que Chuck adorait son travail et Brian répondit que son père adorait danser et qu’il était plus doué que sa mère. Il se surnommait le Fred Astaire du pauvre. Quand il était enfant, il adorait les petits trains. Douglas dit à Brian que son père avait eu une belle vie. Brian regrettait que son père ne puisse pas être présent quand il recevrait ses diplômes. Brian avait envie de croire en Dieu mais il ne comprenait pas pourquoi il fallait que ce soit comme ça. Douglas regarda son beau-frère qui était comme un frère à ses yeux. Il dit à Brian qu’il y avait des milliards de personnes sur terre et chacune de ces personnes contenait un monde en elle. Mais Brian répondit que le monde de son père était en train de mourir. Alors Douglas lui conseilla d'être fort pour sa mère. Il lui conseilla d'envoyer un SMS à sa maman pour la prévenir que c'était bientôt la fin.

3

Marty et Felicia sortirent dans le jardin de derrière pour s'asseoir dans des fauteuils. Le courant était coupé dans toute la ville. Ils regardèrent le ciel. Des étoiles étaient en train de s'éteindre. La planète Mars également. Felicia avait peur. Marty lui prit la main. Lui aussi avait peur.

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Ginny, Brian et Douglas étaient réunis à côté du lit de Chuck et ils se donnaient la main. Douglas dit : « 39 ans. 39 années formidables. Merci, Chuck ».

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Marty et Felicia regardaient les étoiles qui s'éteignaient par centaines. Marty se tourna vers son ex-femme pour lui dire qu'il l'aimait.

Acte II : artistes de la rue.

Avec l'aide de son ami Mac propriétaire d'une vieille camionnette, Jared Franck installa sa batterie à son emplacement préféré dans Boylston Street. Ensuite Mac partit s'acheter une bande dessinée. C'était un gros lecteur. Jared l'appellerait quand le moment de remballer serait venu. Jared déposa sur le trottoir un haut-de-forme cabossé et juste devant une pancarte sur laquelle on pouvait lire : ceci est un chapeau magique ! Soyez généreux votre don sera multiplié par deux ! Ensuite il déposa quelques billets d'un dollar à l'intérieur pour montrer l'exemple. Il portait la tenue qu'il appréciait pour ses concerts de rue car le temps était encore doux en ce début d'octobre. Il avait encore du temps devant lui jusqu'à vingt heures, moment où, généralement une voiture de police s'arrêtait le long du trottoir et un flic se penchait par la vitre pour lui annoncer qu'il devait remballer. Jared et Mac travaillaient à mi-temps chez Doctor Records mais les bons jours, Jared gagnait presque autant en jouant de la batterie dans la rue. Il avait abandonné ses études à la Juilliard School pensant que ce n'était pas fait pour lui. Parfois il se disait que l'ennemi c'était peut-être la musique et parfois il n'y avait plus que sa batterie qui comptait. Il s'échauffa d'abord en commençant par un tempo en douceur.

Janice Halliday rentrait chez elle après avoir travaillé chez Paper Page. Elle marchait dans Boylston Street. Son petit ami, avec qui elle sortait depuis 16 mois, venait de rompre. Il l’avait quittée par texto : « On n’est pas faits l'1 pour l'autre ». Puis : « tu resteras toujours ds mon coeur ! ». Puis : « Amis pour toujours OK ? ».

Elle ne s'y attendait absolument pas et c'était ça qui la tuait. Elle n'était pas amoureuse de lui mais quand même c'était un choc. Elle venait de se faire larguer à 22 ans : ça craignait. Elle entendit une batterie. Charles Krantz marchait dans Boylston Street avec son costume de comptable et son attaché-case. Il était à Boston pour participer à un colloque d'une semaine intitulée « être banquier au XXIe siècle ». C'était sa banque qui l'avait envoyé là. Le colloque avait lieu dans un hôtel idéal : propre et pas trop cher. Le colloque devait s'achever le lendemain mais il n'avait aucune envie de profiter de ses quartiers libres en compagnie de 70 autres comptables. Son existence était plus étriquée que celle qu'il avait espérée mais il s'était fait une raison. Il avait une épouse à laquelle il restait scrupuleusement fidèle et un fils intelligent. Il ne lui restait que neuf mois à vivre mais il ne le savait pas. Chuck incarnait certainement l'Amérique blanche, collet monté et corsetée, obsédée par l'argent. Il était en train de se rappeler de la petite soeur qui s'appelait Rachel ou Regina, la petite soeur du guitariste solo. Chuck avait été le chanteur d'un groupe baptisé Les Rétros. Son groupe reprenait beaucoup de tubes des années 60 et 70 car les mélodies étaient simples. Mais ils évitaient les Beatles dont les chansons regorgeaient d'accords bizarres. Son groupe était mauvais à ses débuts et médiocre au moment de sa séparation. Ce que Chuck aimait c'était les passages instrumentaux car il pouvait alors danser et arpenter la scène à la Jagger il savait faire le moonwalk, ce qui provoquait toujours des applaudissements. Pendant les répétitions du groupe dans le sous-sol chez le guitariste solo, la petite soeur remuait les hanches et les fesses de façon outrancière. Une fois elle avait dit à Chuck : « entre nous, tu chantes comme les vieux baisent ». Il avait répondu : « qu'est-ce que tu en sais, cul de singe ? ». Mais elle aimait le regarder danser. Après les répétitions, ils dansaient ensemble. Il lui enseignait le moonwalk. Tout à coup, il aperçut un jeune garçon en train de marteler un bon vieux rythme. Jared jouait depuis 10 minutes et ne comprenait pas pourquoi personne ne lui donnait de l'argent. Jared avait vu Chuck arriver. Il était persuadé qu'il allait passer devant lui sans s'arrêter pour rejoindre son hôtel de businessman. Mais pour l'instant le tempo était bon. Pourtant le businessman s'arrêta. Il se mit à danser. Un jeune homme s'arrêta et jeta des pièces dans le chapeau. Elles étaient destinées à Chuck et pas au batteur mais peu importait. Jared remarqua que le danseur avait une petite cicatrice en demi-lune sur le dos de la main. Chuck se revit en train de danser avec la petite soeur. Une salle teigne qui jurait comme un charretier, mais qui assurait. Chuck n'avait pas assuré depuis des années mais chacun de ses mouvements lui semblait parfait. Surpris, le batteur accéléra le rythme. Les gens s'attroupaient. L'argent coulait à flots dans le chapeau : il se passait quelque chose. Deux jeunes à béret se tenaient au premier rang du petit rassemblement. Un des deux jeta dans le chapeau un billet de cinq dollars. La foule grossit et le chapeau se remplit. Toutes les conditions étaient réunies pour un infarctus mais Chuck s'en fichait. Une jolie jeune femme apparut à côté des deux types à béret. C'était Janice. Chuck l’invita à danser comme si c'était la petite soeur. Jared changea de tempo pour se transformer en Charlie Watts. Chuck n'en pouvait plus et s'arrêta. Mais Janice se précipita vers lui, lui posa ses mains sur ses épaules et finalement il recommença à danser. Plus de 100 personnes y regardaient danser et applaudissaient. À la fin de la danse, Janice se demanda ce qui leur avait pris. Chuck n'en savait rien que c'était la meilleure chose qui lui était arrivée depuis longtemps. Le chapeau magique débordait. La foule en réclamait encore mais Chuck n'en pouvait plus. Il se demanda combien de personnes avait eu le réflexe de filmer la première danse et ce que penserait sa femme si elle voyait les images. Janice voulut partir mais Jared lui demandant de rester. Chuck et Janice aidèrent Jared à démonter sa batterie et à la charger à l'arrière de la camionnette. Jared compta son argent. Quelqu'un avait jeté un billet de 50 $. Il y avait plus de 400 $ en tout. Jared n'avait jamais empoché une telle recette. Il garde 10 % pour Mac et offrit la moitié du reste à la Janice et la Chuck. Chuck sentit se profiler une de ses migraines mais l'enthousiasme de ce jeune garçon l'amusait. Jared lui demanda où il avait appris à danser et Chuck répondit que c'était au collège. Janice répondit qu'elle avait appris dans les bals du lycée. Jared leur dit qu'avec ce numéro ils pourraient gagner leur vie. Pendant un instant de pur délire Chuck envisagea réellement cette possibilité et il voyait que la fille aussi. Ça avait été Janice dit que ça avait été magique comme son chapeau. Mac revint et conseilla à la Jared de partir pour éviter de devoir payer une amende. Avant de les laisser partir, Jared serra Janice et Chuck dans ses bras. Il leur dit qu'ils étaient artistes de rue pour toujours. Chuck et Janice répétèrent ce serment. Chuck dit Janice qu'il se rendait au Boston Hotel mais elle voulait prendre le métro. Alors Chuck l’accompagna. Elle le remercia pour cette danse. Il la regarda partir. Puis il marcha lentement car il avait mal au dos, aux jambes et il ne se souvenait pas d'avoir jamais vu une telle migraine. Plus tard, il oubliera le prénom de sa femme et sera dans l'incapacité de faire la différence entre la veille de sommeil. La seule chose dont il se souviendra ce sera de s'être arrêté dans la rue et d'avoir posé son attaché-case pour remuer les hanches sur le tempo de la batterie. Il se dira que c'est pour ça que Dieu a créé le monde. Rien que pour ça.

Acte I : je contiens des multitudes.

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Chuck était impatient d'avoir une petite soeur et sa mère lui avait promis qu'il pourrait la tenir dans ses bras s'il faisait très attention. Mais il n'eut jamais rien de tout cela à cause d'une plaque de verglas sur un pont. Beaucoup plus tard, à université, il dit à une petite amie que ce genre d'histoire n'arrivait qu'au cinéma ou dans les livres. Elle lui répondit qu'elle était sûre que ça arrivait tout le temps. Elle lui demanda ce qui lui faisait croire qu'il était le personnage principal d'autre chose que de sa propre histoire. Leur relation ne durera qu'un semestre. Il n'était pas mort avec ses parents car il était avec ses grands-parents ce soir-là. Il avait sept ans quand il était devenu orphelin et ses grands-parents l'élevèrent. Le prénom de sa petite soeur avait déjà été choisi : Alyssa. Quand Chuck avait dit que ce prénom lui faisait penser à la pluie, sa mère avait ri et pleuré en même temps. Il ne l'avait jamais oublié. Les parents de sa mère, il les voyait chaque été, mais à ses yeux ils restèrent des étrangers. Ses grands-parents l'emmenèrent à Disney World, quand il avait 10 ans. Chuck fut le premier à se débarrasser de sa tenue de deuil arrachant ainsi à leur chagrin ses grands-parents. Sa grand-mère aimait écouter du rock 'n' roll quand elle cuisinait. Il n'était pas rare qu'elle lui propose de danser avec elle. Elle lui apprit quelques pas. Elle lui montra des films avec Fred Astaire et Ginger et Rogers. Mais sa comédie musicale préférait restait Singin’ in the rain. Un jour, il demanda à sa grand-mère quel genre de fille elle avait été au lycée. Elle répondit qu'elle était une nana sexy. Il y avait une pièce fermée à clé et Chuck voulait savoir ce qu'elle contenait. Sa grand-mère répondait que le plancher n'était pas sûr et qu'il n'y avait rien à voir. Mais un soir, Chuck quand avait 11 ans, son grand-père lui avoua une partie de la vérité.

2

Après la mort de son fils, de sa belle-fille et de sa future petite fille, Albie Krantz s'était mis à boire beaucoup. Il pouvait se permettre de voir boire car il était à la retraite, à l'aise financièrement et très déprimé. Après le voyage à Disney World, sa consommation d'alcool se réduisit un verre de vin au cours du repas ou une bière devant un match de base-ball. Mais de temps en temps, tous les mois d'abord puis tous les deux mois ensuite, il prenait une cuite. Un soir où ils regardaient un match de base-ball, alors qu'Albie avait largement entamé son deuxième pack de bières, Chuck aborda une fois de plus le sujet de la coupole. Son grand-père sembla réfléchir puis il appuya sur la télécommande pour couper le son. Son grand-père lui répondit que s'il montait dans la coupole, il verrait un tas de choses qu’il n'avait pas envie de voir. C'est pour ça que c'était fermé à clé. Il voulait demander à son grand-père ce qu'il entendait par là mais par intuition il sut qu'il fallait se taire et attendre. Puis son grand-père lui dit que cette maison était de style victorien. Elle avait été construite en 1885 et la coupole avait toujours été là. Ses grands-parents habitaient cette maison depuis 1971 et pendant toutes ces années Albie n'était pas monté dans cette foutue coupole plus d'une demi-douzaine de fois. Chuck demanda si c'était à cause du plancher pourri. Mais son grand-père répondit que c'était à cause des fantômes puis il vida sa bière et rota. Il évoqua le fantôme du Noël à venir de Charles Dickens. Il parla d'un certain Henry Peterson. Il allait en dire plus. La porte de la cuisine s'ouvrit. C'était sa grand-mère qui revenait de chez la voisine d'en face. Albie se redressa dans son fauteuil et cacha sa bouteille de bière.

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La grand-mère de Chuck envoya Albie acheter du lait au bout de la rue pour le faire dessaouler. Après son départ, la grand-mère de Chuck s'assit à côté de lui sur le canapé et lui demanda ce que son grand-père lui avait raconté. Alors Chuck sut qu'il était inutile de cacher ce que son grand-père avait dit à propos de la coupole. Elle lui expliqua qu'il ne fallait pas croire tout ce que disait son grand-père, est un peu trop. Mais jusqu'à ce soir-là, Albie n'avait jamais parlé des fantômes de la coupole devant Chuck. Alors Chuck demanda à son grand-mère qui était le petit Jefferies dont avait parlé son grand-père. Sa grand-mère soupira et lui répondit que c'était une histoire très triste. C'était un garçon qui habitait dans la rue voisine et avait été renversé par un conducteur en état d'ivresse. Si son grand-père lui avait dit avoir vu l'accident avant que cela arrive, il se trompait. Chuck comprit que sa grand-mère mentait. À la façon dont elle cessa de le regarder pour fixer son attention sur la télé alors qu'elle ne s'était jamais intéressée au base-ball. À partir de ce jour-là, Chuck eut peur de la coupole. Mais la fascination est soeur jumelle de la peur et Chuck trouva le courage de monter les marches juste pour toucher le verrou de la porte.

4

Le grand-père de Chuck passait beaucoup de temps à effectuer des travaux de menuiserie dans la cave. Chuck y découvrit un carton de vieux livres de la série des Frères Hardy. Chuck fut surpris par sa grand-mère en train d’en lire un et elle lui arracha des mains en disant qu'il fallait qu'il passe à un niveau supérieur. Alors elle lui offrit le meurtre de Roger Ackroyd. Chuck fut captivé par ce livre. Par la suite, il lut d'autres livres d'Agatha Christie. Il en vint à se demander comment M. Poirot enquêterait sur le mystère de la coupole. Alors un jour il se rendit chez Mme Stanley qui était la commère de la rue. Il lui apporta des muffins faits par sa grand-mère. Elle lui demanda comment ça se passait avec ses grands-parents. Mais Chuck était conscient que tout ce qu'il dirait serait répété alors il répondit que tout se passait très bien. Mais comme Hercule Poirot affirmait qu'il fallait toujours donner un peu pour obtenir un peu, il ajouta que sa grand-mère collectait des vêtements destinés au refuge pour sans-abri de la paroisse luthérienne. La commère lui demanda comment allait son grand-père et Chuck répondit que celui-ci avait fait examiner son dos. Le médecin avait retiré et fait analyser ce qui me dérangeait le grand-père mais ce n'était rien de méchant. Chuck estimait avoir le droit de recevoir quelque chose de la part de Mme Stanley. Alors il lui dit que son père avait parlé d'un certain Henry Peterson. Alors Mme Stanley écarquilla les yeux et porta ses mains à sa gorge. Elle lui raconta que c'était un drame affreux. Peterson était le comptable qui s'occupait des affaires de son grand-père. Il s'était suicidé en se pendant. Chuck lui demanda s'il avait détourné de l'argent. Mme Stanley répondit qu'il s'était suicidé parce que sa femme l'avait quitté pour partir avec un homme plus jeune. De retour chez ses grands-parents, Chuck nota tout ce qu'il avait entendu dans un carnet. Il en déduisit que son grand-père avait vu le fantôme de sa grand-mère bien avant sa mort. D'ailleurs son grand-père lui avait dit que le plus difficile dans cette histoire c'était l'attente. Chuck lui aussi devrait attendre en espérant que tout cela n'était qu'un ramassis de conneries.

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Le dernier jour de l'année de sixième, Mlle Richards essaya de lire à la classe de Chuck quelques verres de Walt Whitman extraits de « Chanson de moi-même ». La classe chahuta mais Chuck fut capté par un vers. Après le cours, il demanda à sa professeure ce que signifiait « Je suis vaste. Je contiens des multitudes ». Alors elle prit le visage de Chuck entre ses paumes et lui demanda ce qu'il y avait entre ses mains. Chuck comprit. Le poète voulait évoquer le monde existant à l'intérieur de chaque personne. L'idée que son crâne puisse contenir tout un monde donna le vertige à Chuck. En regardant Chuck, Mlle Richards parut soucieuse et lui demanda si tout allait bien. Il acquiesça. Puis il lui demanda si elle croyait aux fantômes. Elle réfléchit avant de répondre. Elle répondit que les souvenirs étaient des fantômes. Elle lui conseilla de bien profiter de son été

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Chuck profita de son été jusqu'au mois d'août, date à laquelle, sa grand-mère mourut. Chuck recommença à appeler sa grand-mère « Bubbie » dans sa tête et il s'endormit bien des nuits en pleurant. Son grand-père porta son brassard de veuf et maigrit. Il arrêta de raconter des blagues. Chuck avait senti que son grand-père éprouvait un certain soulagement car ce qui l'angoissait depuis des années s'était enfin produit. Après la mort de sa grand-mère, Chuck ne gravit plus jamais l'escalier de la coupole pour se mettre au défi de toucher le cadenas. Mais un jour, Chuck se rendit à l'épicerie du coin de la rue pour demander à un employé où se trouvait sa grand-mère lorsqu'elle avait été foudroyée dans la rue par une crise cardiaque. L'employé lui répondit que cela s'était passé dans la troisième allée. Il ajouta que ce jour-là, sa grand-mère avait acheté beaucoup de pain. Chuck connaissait déjà ce détail.

7

le lendemain de son entrée au collège d'Acker Park, Chuck repéra sur le tableau d'affichage une annonce pour rejoindre l'équipe des Virevolteurs. C'était une équipe de danseurs. Cela lui rappela le jour où sa grand-mère lui avait proposé de danser avec elle. Alors il décida de rejoindre cette équipe. Elle était dirigée par Mlle Rohrbacher, la professeure d'éducation physique des filles. Chuck connaissait déjà tous les pas de danse sauf ceux de la samba. Mais il comprit aussitôt que la professeure les lui montra et il en tomba amoureux. Il était de loin le meilleur danseur de ce petit club. La professeure l’avait associé aux filles les plus empotés pour les faire progresser et il s'était prêté au jeu. Mais au bout des 45 minutes de cours, Mlle Rohrbacher lui donnait comme cavalière Cath McCoy qui était la meilleure danseuse parmi les filles. Il aimait danser avec elle et c'était réciproque. Un jour, en octobre, Mlle Rohrbacher mit « Billie Jean ». Chuck en profita pour faire une démonstration du moonwalk. Sa professeure en demeura bouche bée. Il montra à Cath comment faire. Puis tous les autres s'exercèrent au moonwalk. Après le cours, Cath proposa à Chuck de faire le moonwalk pour la fête. Mais Chuck hésita car il était beaucoup plus petit qu'elle. Alors elle lui proposa des boîtes à talons cubains. Elle le serra dans ses bras comme une soeur.

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Chuck se rendit en célibataire à la fête d'automne mais ce n'était pas grave car toutes les filles du club voulurent danser avec lui. Particulièrement Cath car son petit ami, Dougie Wentworth, avait deux pieds gauches. Chuck pensait à sa grand-mère. Vers 21:00, Chuck et Cath s'avancèrent sur la piste pour exécuter le moonwalk. Les élèves formèrent un cercle et applaudirent. Quelqu'un leur demanda de recommencer mais ils refusèrent car ils savaient quand s'arrêter. La perfection est indépassable.

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Six mois avant de mourir d'une tumeur au cerveau, Chuck confia à sa femme la vérité au sujet de sa cicatrice sur la main. Cela n'était pas important pour Ginny mais elle savait que c'était important pour son mari alors elle l'écouta. Une fois alors incroyable prestation terminée, Cath s'était précipitée vers ses amies et Chuck avait besoin d'être seul. Il était passé devant Dougie et ses copains qui l'ignorèrent superbement. L'air frais avait calmé le feu de ses joues mais pas son euphorie. En regardant le ciel, il se dit qu'il avait le droit d'être exceptionnel. Alors il exécuta un moonwalk sous le panier de basket. Mais sa main avait heurté le grillage et un bout de fil de fer lui avait entaillé la peau. Cette blessure avait laissé une cicatrice, un minuscule croissant blanc. Il avait tout d'abord dit à sa femme que cette blessure était due à une bagarre avec Dougie alors elle lui avait demandé pourquoi ce mensonge. Cette cicatrice était importante pour une autre raison que celle de passer pour un héros en se battant avec Dougie. Elle faisait partie d'une histoire qu’il ne pouvait pas raconter sur la maison victorienne hantée.

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Le grand-père de Chuck succomba à une crise cardiaque quatre ans après le bal de la fête d'automne. Il gravissait l'escalier de la bibliothèque municipale pour rendre Les Raisins de la colère. Chuck était en première au lycée. Son grand-père lui légua tout. Cela permit à Chuck de payer ses études universitaires. Plus tard, la vente de la maison victorienne permit à Chuck et à Virginie de s'installer au retour de leur lune de miel. Modeste caissier à la Midwest Bank, jamais il n'aurait pu acheter une nouvelle maison. Il refusa catégoriquement de partir vivre à Omaha chez ses grands-parents maternels car il voulait rester où il avait grandi. Par conséquent, ce furent ses grands-parents qui s'installèrent avec lui dans la maison victorienne pendant une vingtaine de mois. Ils n'arrivèrent pas à temps pour assister aux funérailles d'Albie. Chuck ne regretta pas vraiment leur absence. Les pompes funèbres lui envoyèrent une enveloppe qui contenait les effets personnels d'Albie qu'il avait dans ses poches au moment où il s'était écroulé dans l'escalier de la bibliothèque. Dans l'enveloppe, il y avait le porte-clés de son grand-père. Alors il gravit les quelques marches de l'escalier qui menait à la coupole. Il ouvrit la porte. Il s'attendait à tout.

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Mais il n'y avait rien. La pièce était vide. Il y avait une unique fenêtre recouverte par la crasse. Chuck vérifia la solidité du plancher. Il n'y avait aucun craquement. Il marcha jusqu'à la fenêtre. Au moment où il se retourna pour fermer la porte, il découvrit un lit au centre de la pièce ronde. C'était un lit d'hôpital. Un homme y était étendu. Il entendit une machine. L'homme avait les yeux fermés, une main reposait sur le couvre-lit. Chuck observa la cicatrice en forme de croissant sur le dessus sans s'en étonner. Dans cette pièce, son grand-père avait vu sa femme morte, au milieu des miches de pain qu'elle avait fait dégringoler des rayonnages quand elle s'était effondrée. C'était l'attente qui avait été le plus dur lui avait-il dit. Désormais, sa propre attente allait débuter. L'image disparut. Chuck décida de vivre sa vie jusqu'à son terme. Il méritait d'être exceptionnel et il contenait des multitudes. Il ferma la porte et il fit claquer le cadenas.

Si ça saigne.

En janvier 2021, une petite enveloppe fut adressée à l'inspecteur Ralph Anderson. Elle avait été déposée chez les Conrad, voisins des Anderson. Les Conrad, en vacances aux Bahamas, avait fait suivre cette enveloppe malgré l'inscription : ne pas faire suivre à conserver jusqu'au retour du destinataire. Ralph découvrit à l'intérieur de l'enveloppe une clé USB intitulée : si ça saigne. Dans cette clé, il y avait un dossier renfermant des photos et des spectogrammes audio. Il y avait également un rapport ou un journal intime sonore émanant de Holly Gibney avec qui l'inspecteur avait mené une enquête qui avait débuté dans l'Oklahoma pour s'achever dans une grotte au Texas. Les dernières paroles du journal sonore de Holly Gibney était daté du 19 décembre 2020. Elle conseillait à l'inspecteur d'être prudent s'il voulait continuer l'enquête. Elle voulait lui dire combien son amitié avait compté pour elle.

8 et 9 décembre 2020

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Pinebrough Township était une ville de Pennsylvanie possédant un centre-ville dynamique. Il y avait une pomme de pin en bronze d'un intérêt culturel douteux ornée de guirlandes de Noël clignotantes. Non loin de la pomme de pin se trouvait le collège Albert Macready. Le 8 décembre, à 9:45, une camionnette pénétra dans la vie circulaire du collège. Le livreur apporta un colis pour la Nemo Me Impune Lacessit Society. La secrétaire, Mme Keller expliqua Bolivar que c'était la devise nationale de l'Écosse qui signifiait Nul ne me provoque impunément. La classe d'histoire-géo de M. Griswold était jumelée avec une école en Écosse.

Sur le paquet était indiqué : ne pas ouvrir avant le 18 décembre. La secrétaire demanda à un élève d'aller déposer le paquet dans le débarras, entre la bibliothèque et la salle des professeurs. Pendant la pause déjeuner, elle informa M. Griswold de l'arrivée du paquet. Il répondit qu'il emporterait le colis dans la salle de classe à 15:30. S'il était allé le chercher au déjeuner, le carnage aurait peut-être été plus terrible encore. L'American Club du collège Renhill n'avait envoyé de cadeau de Noël aux élèves du collège Albert Macready et la société du livreur n'existait pas. La camionnette avait été retrouvée abandonnée plus tard. Mme Keller s’en voulut toute sa vie de ne pas avoir remarqué que le livreur ne portait pas de badge à son nom et que son scanner n'avait pas bipé parce que c'était un faux. Le bras qu'elle avait perdu n'était que le début de son expiation.

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Il était 14:45 et le collège se préparait pour sa petite heure de plaisir. Il s'agissait de regarder la télévision. Holly travaillait pour une agence de détectives privés Finders Keepers avec Pete Huntley et Jerome Robinson qui était parti en congé sabbatique d'un an à Harvard dans l'espoir de transformer un devoir de sociologie en livre. Holly consultait une psychiatre, Allie Winters. Il était 15:00 et elle remit le sens de la télévision pour regarder John Law. Elle aimait regarder cette émission car elle trouvait que les cas étaient toujours intéressants. Pendant la pause publicitaire, Holly mangea un Snickers et Pete lui en réclamant un. Elle accepta à contrecoeur. Tout à coup, un flash info apparut sur l'écran. Holly espéra que ce n'était pas un nouveau 11 septembre. Une forte explosion s'était produite dans un collège en Pennsylvanie. Il y avait de nombreuses victimes, principalement des enfants. Il y avait déjà 17 morts et bien plus de blessés. Holly put voir un énorme trou dans le côté du bâtiment. Holly regarda une femme qui était probablement une des mères des victimes. Elle culpabilisait de regarder cette émission. Un journaliste annonça que l'explosion avait eu lieu aux alentours de 14:15. Le feuilleton allait reprendre mais Holly éteignit la télévision car elle n'était plus d'humeur à regarder une parodie de justice. Pete lui prit la main. Habituellement, elle n’aimait pas qu'on la touche mais à cet instant précis cette main qui tenait la sienne lui faisait du bien. Elle lui dit que lui et Bill avaient pu empêcher une tragédie bien plus importante, un attentat qui aurait dû se produire lors d'un concert de rock. Pete ajouta que Jerome était également présent. Mais empêcher l'explosion dans ce collège, c'était la responsabilité de quelqu'un d'autre.

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holly, à l'instar de la plupart des êtres humains du XXIe siècle, était devenue insensible à la violence que des hommes infligeaient à d'autres hommes, au nom de la religion ou de la politique mais ce qui s'était passé dans ce collège ressemblait trop à ce qui avait failli se produire à l'intérieur du Midwest Culture and Arts Complex. Il était 19:00 elle était en train de ranger les dossiers. Jerome arriva. Il avait l'air épuisé. Holly n'avait pas voulu continuer de suivre les informations alors Jerome lui annonça qu'il il y avait 27 morts dont 23 enfants. Lui aussi pensait à Brady Hartsfield , l'auteur de l'attentat empêché lors du concert de rock. Jerome  lui raconta ce qu'il avait appris en cours de philosophie. Il existait un mal intérieur est un mal extérieur. Le mal extérieur était représenté par les esprits malfaisants et les sorcières tandis que le mal intérieur était représenté par les tueurs en série. Jerome pensait qu'il n'existait pas de différence entre les deux. Holly acquiesça. Jerome voyait le mal comme un oiseau gris et déplumé. Jerome était parti à la recherche d'un chien enlevé. Comme la rançon n'avait pas été payée, le chien avait été tué par les ravisseurs. Il se mit à pleurer.

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Un peu avant 22:00, Holly abandonna le livre qu'elle essayait de lire pour allumer la télé. Il y avait 31 morts et 73 blessés. Le président des États-Unis avait adressé à la nation ses pensées et ses prières. L'attentat avait été revendiqué par les rebelles houtis et les Tigres de libération de l'îlam tamoul mais le département d'État avait affirmé qu'aucune de ces revendications n'était crédible. L'homme qui avait posé la bombe avait été filmé par une caméra de surveillance et une récompense de 200 000 $ était offerte pour toute information pouvant conduire à son arrestation. Holly comprit que le terroriste savait qu'il serait filmé et qu’il s'en foutait. Chet Ondowsky était le reporter qui avait révélé l'attentat. C'était le scoop de sa vie et il était toujours sur place. Il était couvert de poussière de briques et il y avait du sang sur sa joue. Holly pensa qu'il devait tomber de fatigue. Le journaliste avait participé à la découverte de deux enfants dont une petite fille qui était mal en point et réclamait sa maman. C’en était trop pour Holly et elle coupa le son.

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Holly réussie à trouver le sommeil. Peut-être que partager les larmes de Jerome lui avait permis d'évacuer une partie du poison que cette nouvelle avait injecté en elle.

9-13 décembre 2020

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Si Finders Keepers avait pu s'installer dans les nouveaux locaux plus chers situés au quatrième étage du Frederick Building c'était parce que les affaires fonctionnaient bien. L'agence s'occupait de remettre des documents officiels et elle était en rapport avec plusieurs compagnies d'assurances. Holly passa la majeure partie de son vendredi à enquêter sur une suspicion d'incendie criminel. Il leur fallait parfois retrouver un débiteur en fuite et partir à la recherche des enfants et des chiens perdus. Généralement c'était Pete qui s'occupait des enfants et Jerome qui faisait des miracles avec les chiens. Jerome était chez lui pour travailler sur son projet. Holly devinait qu'il allait réveiller le monde et le forcer à ouvrir les yeux car elle croyait en lui. On déplorait un nouveau mort dans l'attentat. Mme Keller avait repris connaissance mais elle n'avait pas grand-chose à ajouter à part que le colis piégé était censé provenir d'une école située en Écosse. Ironie du sort, les 11 Impunis du groupe de la Nemo Me Impune Lacessit, comme il se surnommait avaient tous survécu à l'explosion. La camionnette du livreur avait été retrouvée mais elle ne comportait aucune trace d'ADN. Le vendredi après-midi, le téléphone sonna. C'était la mère d'Holly qui lui apporta une mauvaise nouvelle. Alors elle se mit à pleurer.

2

Le samedi soir, Holly planifia son trajet puis elle s'endormit. Elle rêva de Chet Ondowsky. Dans ce rêve, le journaliste lui confiait des choses qu'il ne pouvait pas dire à la télé. En lui disant ces horreurs, le journaliste lacérait ses vêtements car dans le rituel juif, pour marquer le deuil, on déchire un morceau de ses vêtements pour montrer son coeur endeuillé. Le lendemain matin, la perspective du trajet pesait sur ses épaules. Dehors, Jerome l'attendait. Elle le remercia. Elle réussit à ne pas pleurer.

3

Jerome conduisit durant la première moitié du trajet et Holly prit le relais après l'arrêt pipi-essence. L'approche de Covington faisait monter l'appréhension d'Holly. Alors elle demanda à Jerome des nouvelles de son livre. Au départ il s'agissait d'un cours de sociologie intitulée « Noir et blanc ». Jerome avait choisi de parler de son arrière-arrière-grand-père, né d'un couple d'anciens esclaves en 1878. Alton Robinson avait passé son enfance et sa jeunesse à Memphis où il existait une classe moyenne noire prospère. Il s'en alla lorsque la fièvre jaune et des miliciens blancs s'attaquèrent à ce système économique parfaitement équilibré. Il s'installa à Chicago au travaillé dans un abattoir. Puis il ouvrit un boui-boui deux ans avant la Prohibition. Il déménagea dans le South-Side pour ouvrir un bar clandestin surnommé le Hibou noir. Il avait réchappé à trois tentatives d'assassinat et la quatrième s'était moins bien passée. Quand il reprit ce projet, Jérôme avait compris qu'il y avait un thème à exploiter : « derrière chaque grande fortune se cache un crime », phrase de Balzac reprise en exergue du roman Le Parrain. Jérôme pensait que la discrimination était la mère de tous les crimes. Alton Robinson pensait atteindre une sorte d'égalité par le biais du crime. En vérité, il n'avait pas été assassiné pour s'être mis en travers du chemin de Paulie Ricca, le successeur de Capone, mais parce qu'il était noir. Jérôme révèle un secret à Holly. Son professeur de sociologie avait montré son devoir à une agent littéraire à New York. Élisabeth Austin s'était montrée intéressée et Jérôme lui avait envoyé la centaine de pages qu'il avait écrites depuis l'été. Elle avait suggéré Le Hibou noir : grandeur et décadence d'un gangster américain comme titre. Holly lui demanda comment réagiraient ses parents. Ses parents avaient adoré sa dissertation.

Il lui demanda conseil et elle répondit qu'il devrait faire lire à ses parents tout le texte qu'il avait envoyé à l'agent littéraire. Ensuite il devrait tenir compte des sentiments de ses parents. Elle lui conseilla d'être courageux.

4

Holly se mit en condition d'un déjeuner qui risquait d'être stressant. Elle demanda à Jérôme de se préparer car sa mère lui avait annoncé que l’état de santé de son oncle s'était aggravé. Charlotte Gibney sortit de sa maison et sa fille la salua d'un geste timide de la main auquel sa mère ne répondit pas. Jérôme annonça s'être invité en espérant que ça ne me dérangeait pas mais Charlotte se contenta de lui demander d'entrer car elle se gelait dehors. Charlotte vivait avec son frère depuis la mort de son mari. Dans l'entrée, des tables étaient recouvertes de figurines en porcelaine, la passion de Charlotte. Malgré sa thérapie, Holly éprouva une bouffée de ressentiment proche de la haine. Elle repensa à toutes les fois où, lorsqu'elle pleurait, sa mère l’envoyait dans sa chambre en attendant que ça passe. Elle voulut prendre sa mère dans ses bras mais Charlotte la repoussa en esquissant une grimace. Holly vint saluer son oncle Henry et lui annoncer que le repas était prêt. Mais Henry l’appela Janey qui était la cousine de Holly. Elle avait été le petit ami de Bill Hodges avant de mourir dans une explosion, victime d'une bombe destinée à Bill posée par Brady Hartsfield. Alors elle lui répondit qu'elle n'était pas Janey mais Holly. Son manque finit par l'admettre en prétextant que c'était à cause de ses yeux. Il lui demanda un câlin et elle s'exécuta. Puis il demanda qui était Jérôme. Elle lui dit qu’il avait déjà vu Jérôme. Henry se leva pour lui serrer la main mais son pantalon tomba. Jérôme l'aida à le remettre. Puis Henry lui dit que le flic était trop vieux pour Janey mais que Jérôme faisait trop jeune pour elle. Il continua de confondre Holly et Janey car Janey avait eu une liaison avec Bill, un ancien policier.

5

Charlotte ne cessa de faire les gros yeux à Henry par elle était parfois obligée de l'aider à manger. À deux reprises, elle quitta la table pour pleurer. Grâce à sa thérapie, Holly avait compris que sa mère était presque aussi terrifiée par la vie qu'elle avait été elle-même autrefois. Son besoin de tout contrôler provenait de cette terreur. Après le déjeuner, Charlotte demanda aux hommes d'aller regarder la télé. Charlotte demanda à Holly de déplacer sa voiture pour pouvoir sortir celle de Henry du garage. Tout était prêt pour le déménagement. Holly lui dit que son oncle la confondait avec Janey et Charlotte répondit que Janey avait toujours été sa préférée. Ce fut comme un coup de poignard qui la transperçait.

6

Charlotte n'était peut-être pas ravie de voir sa fille débarquer avec Jérôme mais elle était contente de le laisser conduire la vieille Buick de l'oncle Henry jusqu'à la maison de retraite de Rolling Hills. Charlotte avait voulu le garder jusqu'à Noël mais il pissait au lit et errait dans le quartier en pantoufles. Henry croyait qu'ils allaient au cinéma. Ils furent accueillis par Mme Braddock qui traita l'oncle Henry comme un vieil ami. Holly se rendit compte que sa mère allait pleurer. Jérôme proposa d'aller chercher les valises. Henry se livra à une parfaite imitation de Sydney Poitier et se tourna vers sa nièce en l'appelant par son vrai prénom. Holly se sentit encore plus mal. Elle avait regardé un tas de films avec son oncle. Henry demanda où ils étaient. Holly songea que c'était l'endroit où il allait probablement mourir. Henry ne voulait pas rester et Charlotte se mit à pleurer. Un employé et une infirmière entraînèrent Henry jusque dans sa chambre. Holly se rappela toutes les fois où sa mère lui reprochait de pleurer en public. Elle tenait sa vengeance mais elle s'en serait bien passée. Holly regarda une aide-soignante charger les valises de son oncle sur un chariot. Elle retenut ses larmes et Jérôme l'entraîna délicatement au-dehors.

7

Holly ne voulait pas passer la nuit sur place même si elle s'en voulait se laisser sa mère seul le premier soir. Pour le retour, Holly conduisit la première et Jérôme la relaya ensuite. Après avoir somnolé, Holly se réveilla en sursaut. Elle venait de se rendre compte que Ondowsky avait un grain de beauté au coin de la bouche l'après-midi et le soir quand il était réapparu à l'antenne, il ne l'avait plus. Jérôme lui conseilla de se détendre.

14 décembre 2000

1

Elle réussit à s'endormir chez elle et fut réveillée par la sonnerie de son téléphone. L'attentat au collège Macready avait quitté là une des journaux la police continuait de suivre un certain nombre de pistes. Holly pensait que Ondowsky pouvait faire partie des suspects. Elle fit des recherches sur Internet sur lui. Elle découvrit que son vrai prénom était Charles et non pas Chester. Il travaillait pour NBC depuis deux ans. Ses domaines de prédilection étaient le crime, les communautés et la consommation. Elle regarda plusieurs vidéos où on le voyait. Il n'avait pas de grain de beauté au coin de la bouche. Alors elle voulut regarder une nouvelle fois la première intervention du journaliste sur le lieu de l'explosion. Elle se rendit compte que ce n'était pas un grain de beauté qu'il avait mais un poil qui avait échappé au rasoir. Mais cela pouvait être également un reste de fausse moustache. Alors elle regarda la photo du livreur/poseur de bombes et se focalisa sur la moustache. Elle se demanda comment Ondowsky avait pu arriver aussi vite sur le lieu de l'explosion avant tous les autres journalistes. Elle décida de téléphoner à Ralph Anderson avec qui elle avait déjà enquêté. Elle se rappela qu'il était en vacances et ne voulut pas le déranger. Alors elle imprima la photo du livreur/poseur de bombe pour la comparer avec plusieurs portraits de Ondowsky qu'elle imprima également. Elle se rappela que Bill lui avait dit une chose qu'elle avait gardée en mémoire. D'après l'écrivain de romans policiers McBain, il n'y avait que deux types de visages humains : les visages de cochon et les visages de renard. Elle décida de baptiser le poseur de bombe George. Il avait un visage de renard. Ondowsky avait un visage de cochon, c'est-à-dire plus rond. Il était l'incarnation parfaite de l'homme blanc alors que George avait un teint légèrement olivâtre. Ondowsky avait un menton fendu et pas George.

Malgré cela, elle dessina une moustache sur un des portraits d’Ondowsky. Mais ça ne changeait rien. Il ne pouvait s'agir du même homme. Mais elle se rappela que le journaliste était accompagné pendant son reportage. Un certain Fred qui était arrivé en même temps que lui sur WPEN. Il y avait une autre chaîne de télé indépendante sur place. Holly regarda les images de cette chaîne. Ondowsky était bien présent le premier. On le voyait en train d'aider les secours. Pete lui téléphona par elle avait oublié un rendez-vous. Elle devait éplucher la comptabilité d'un vendeur de voitures soupçonné de détourner les comptes de son entreprise. Elle prétendit avoir eu une panne d'oreiller et s'apprêta à partir à son rendez-vous.

2

Avant de partir, elle retourna devant son ordinateur pour regarder si Ondowsky avait un compte sur Facebook ou sur Instagram. Ce n'était pas le cas. Elle trouva cela bizarre. Mais il était sur Twitter. Elle remarqua que le premier tweet du journaliste avait-il publié une heure  après l'attentat. À 13:46, il avait publié une photo d'un dîner rétro prise du parking au premier plan. Holly trouva l'adresse du restaurant en question. Il était à moins de 20 km du collège Macready. ondowsky et son collègue étaient en train de couvrir le plus grand vide grenier du monde dans une ville baptisée Eden. Il était tout simplement au bon endroit, au bon moment. Holly était à présent convaincue que la police locale avait déjà interrogé Ondowsky et son cameraman à propos de leur arrivée fortuite sur le lieu du drame.

Puis elle se rendit à son rendez-vous

3

Holly déjeuna avec Tom Toomey avec qui elle avait fait économiser un paquet de fric. En vérité, elle n'avait pas faim elle ne cessait de penser à Ondowsky. Elle lui conseilla à Tom de faire intervenir son avocat et un comptable spécialisé dans les fraudes s’il voulait porter plainte contre son employé. Tom ne comprenait pas pourquoi elle ne semblait pas plus ravie d'avoir épinglé un voleur. Et elle continuait de penser en grain de beauté de Ondowsky.

4

Pete n'était pas présent au bureau et lui avait laissé un mot. Il était à la recherche de Herbert Rattner, un fugitif. Alors elle continua de chercher sur Internet. Il regarda la photo du restaurant qu’Ondowsky avait publié sur son compte Twitter. Elle se rendit compte que la camionnette de WPEN n'était pas dans le parking du restaurant. Mais elle aperçut la camionnette d’Ondowsky derrière la vieille camionnette de la chaîne de télé indépendante. Il s'était garé sur le bas-côté ce qui lui avait permis de se précipiter sur le lieu du drame. Jérôme appela pour savoir si elle n'avait pas une affaire de chien perdu à lui confier. Elle voulut lui demander de récolter des informations sur Fred, le cameraman d’Ondowsky. Puis elle se ravisa. Elle ne voulait pas mêler Jérôme à cette affaire. À la place, elle lui demanda d'aller à la recherche de Rattner. Au moment de quitter le bureau, elle avait réuni de nouvelles informations pour le moins troublantes.

5

De retour chez elle, Holly appela sa mère pour lui demander si elle était allée voir l'oncle Henry. Elle acquiesça. Il était confus mais il semblait s'habituer. Elle ajouta qu'il avait envie de voir sa nièce et Holly omis de lui rendre visite. Puis Holly peut voulut encore appeler Ralph avant de se raviser. Alors elle enregistra un message sur son téléphone à destination de Ralph Ralph. Dans ce message elle évoquait la fois où elle s'était retrouvée dans une grotte avec Ralph à la recherche d'un criminel. C'était un criminel qui se croyait unique. À présent, elle se demandait s'il n’en existait pas un autre, finalement. Elle se devait donc d'agir. L'outsider, le criminel qui était dans la grotte avait une période d'hibernation dans laquelle il quittait l'apparence d'une personne pour en adopter une autre. Elle pensait que le criminel qu'elle était en train de chercher pouvait changer de physionomie lui aussi mais plus rapidement. Elle dit que l'individu qui l'inquiétait se nommait Charles Ondowsky et se faisait appeler Chet. Elle décrivit le personnage à Ralph. Ce qui l'inquiétait c'était qu’Ondowsky s'intéresser aux crimes et aux drames. Et cela lui rappelait l'outsider. L'outsider avait tué un petit garçon et deux fillettes. Holly se rendit compte qu’enregistrer un rapport vocalement lui faisait du bien.

15 décembre 2020.

Le lendemain matin, Holly se réveilla prête à travailler et à tirer un trait sur Ondowsky. L'enregistrement avait produit l'effet escompté, elle avait mis de l'ordre dans ses pensées. Cela s'apparentait avec ses séances de thérapie avec Allie. Elle passa une bonne journée au bureau. Jérôme avait repéré Rattner dans un bar et Pete s'était chargé de l'escorter jusqu'à la prison. Puis il s'était rendu à la concession automobile en vue d'une confrontation avec Richard Ellis. Barbara Robinson, la soeur de Jérôme, passa à l'agence pour poser quelques questions à Holly pour rédiger un exposé sur les détectives privés. À 15:00, elles regardèrent John Law. Holly passa une très bonne journée et ne pensa presque plus à Ondowsky. Mais son téléphone sonna à 18:00. C'était le docteur Carl Morton. Après cet échange, Holly téléphona à son tour et fut appelée une heure plus tard. À chaque fois, elle prit des notes.

Le lendemain matin, elle partit pour Portland, dans le Maine.

16 décembre 2020

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Holly laissa un message pour Pete en lui expliquant qu’elle ne viendrait pas au travail et serait peut-être absente jusqu'à la fin de la semaine. Elle lui demanda de dire à Jérôme de conseiller à sa soeur de regarder Le Faucon maltais, Le Grand sommeil et Harper pour la partie fiction de son exposé sur les détectives. Elle poursuivit l'enregistrement de son rapport adressé à Ralph. Elle commença à se dire qu'elle allait peut-être devoir lui envoyer finalement.

2

Holly avait décidé de contacter le Dr Morton bien qu’Allie Winters soit sa thérapeute attitrée depuis des années. Il avait écrit deux livres et elle avait estimé qu'il était la personne indiquée. Elle lui raconta sa rencontre avec l'outsider. Elle ne s’était pas confiée à Allie de crainte de nuire au travail qu'elles effectuaient parallèlement sur ses autres problèmes.

3

Vers la fin de leur seconde et dernière séance, Holly dit à Morton qu'il devait juger une partie de son histoire vraie car elle avait été médiatisée mais que le reste de son histoire (la créature qui change d'apparence et ce qui était arrivé dans la grotte) ce devait être des hallucinations provoquées par le stress. Elle lui demanda de parler de son cas dans les conférences auxquelles il participait et qu'il précise qu'elle était convaincue d'avoir rencontré une créature qui se régénérait en se nourrissant de la souffrance des mourants. Et dans le cas où il recevrait un message d'un collègue ou d'un patient souffrant du même désir, elle voulait être mise en contact avec cette personne.

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Holly poursuivit son rapport en évoquant le Dr Morton qui avait accepté de parler d'elle dans ses conférences. Il avait juste pris le soin de modifier le prénom d'Holly et les lieux du drame

5

Il était 5:00 du matin quand Holly arriva à l'aéroport. Elle poursuivit son rapport tout en espérant que Ralph n’écouterait jamais cet enregistrement mais si ce message lui parvenait, elle tenait à ce qu'il ce qu'il sache tout. Surtout si elle devait mourir.

6

Holly avait reçu un appel du Dr Morton. Il avait consulté son avocat pour être certain qu'il n'enfreignait aucune règle éthique en mettant Holly en relation avec le thérapeute d'un autre patient. Il avait reçu un appel provenant d'un psychiatre de Boston nommé Joel Liebermann. Morton avait appris l'existence d'un autre outsider potentiel depuis plus d'un an mais il n'avait pas appelé Holly avant. Par timidité avait-il dit. En 2018 et 2019, le docteur Liebermann suivait un patient qui vivait à Portland qui s'appelait Dan Bell et qui se disait fermement convaincu d'avoir découvert l'existence d'une créature surnaturelle, « un vampire psychique ». Il était convaincu que cette créature sévissait depuis au moins 60 ans. Liebermann avait assisté à une conférence du Dr Morton ou il avait évoqué le cas d'Holly et avait réondu à son appel à témoignage. Liebermann avait rappelé Morton pour lui annoncer que son patient avait interrompu leurs séances. Mais le lendemain de l'attentat du collège Macready, Bell l’avait recontacté en affirmant que la bombe avait été posée par un vampire psychique. Bell voulait discuter de ce sujet avec une personne qu’il connaissait uniquement sous le nom de Carolyn H. Le pseudonyme que Morton avait choisi pour évoquer le cas d’Holly. Morton n’avait pas été retenu uniquement  par des considérations éthiques. Il était très risqué de réunir des personnes souffrant des mêmes idéations délirantes. Pourtant il avait recontacté Holly parce que dans une certaine mesure son histoire avait ébranlé  son système de croyances.  Bell avait lu  un article écrit par Morton sur le cas d’Holly. Il voulait lui parler. Morton donna à Holly les coordonnées de Liebermann. Liebermann avait donné les coordonnées de Bell à contrecoeur à Holly. Liebermann pensait qu’en dehors du « vampire psychique », Bell ne souffrait d’aucune des dégénérescences cognitives que l’on découvrait chez les personnes âgées. Bell avait 91 ans. Liebermann  avait conseillé à Holly  d’éviter d’effrayer Bell car c’était un vieil homme terrorisé. Holly avait appelé Bell. Il lui avait demandé son vrai nom et elle le lui avait donné. Il voulait qu’elle vienne le voir le plus vite possible si ça concernait le collège et cette chose qui se faisait appeler Ondowsky.

7

Holly atterrit à Portland un peu avant midi. Elle prit une chambre à l'hôtel et appela aussitôt Bell. C'est le petit-fils de Bell qui répondit en disant que son grand-père était dans un bon jour. Il avait pu dormir toute la nuit ce qui ne lui était pas arrivé depuis longtemps. Il lui demanda de venir dès qu'elle pourrait. Elle prit un taxi.

8

Jérôme appela Holly pour savoir où elle était et s'il pouvait l'aider. Elle répondit que c'était une affaire personnelle mais promit de tout lui raconter. Jérôme pensait que ça concernait l'oncle Henry alors elle lui expliqua que ce n'était pas le cas. Elle affirma que tout allait bien. Mais elle frémit en repensant à la chose que Ralph et elle avaient dû affronter dans la grotte.

9

Bell devait peser 40 kg et se déplaçait dans un fauteuil roulant. Il avait besoin d'une bouteille d'oxygène. Brad Bell lui proposa un thé. Après le départ de son petit-fils, Dan dit à Holly que Brad était terriblement gay mais que c'était un génie qui l'avait aidé dans ses recherches. Holly commença à penser que Bell était victime de troubles névrotiques et qu'elle s'engageait dans une impasse. Mais s’il délirait, elle aussi, probablement. Bell lui demanda de parler de sa créature. Elle ne voulait pas car tout avait été déjà raconté dans l'article de Morton. Elle lui dit qu'elle était venue pour écouter son histoire. Elle voulait savoir comment il pouvait être convaincu qu'Ondowsky était un outsider. Dan accepta de raconter tout ce qu'il savait mais il insista pour qu’Holly lui explique ce qui l'avait amenée au départ à suspecter Ondowsky. Elle lui résuma son raisonnement. Dan lui demanda si son outsider avait une arme ou une moustache. Holly se rappela que la première personne dont l’outsider avait volé l'apparence était imberbe, idem pour la personne suivante. Sa troisième victime portait un bouc. Mais quand elle l'avait affronté dans la grotte, la métamorphose n'était pas achevée. Elle pensait que les outsiders ne pouvaient pas avoir de barbe ni de moustache. Ils avaient des cheveux, toutefois. Brad revint avec deux tasses de thé et des chaussons empilés dans une assiette. Il leur donna son avis sur Ondowsky. Il pensait qu'il devait porter des faux sourcils ou des implants. Ils passèrent au premier étage dans une pièce où les fenêtres étaient masquées par des rideaux occultants. Il y avait quatre ordinateurs disposés sur deux tables, une tonne de matériel audio et un gigantesque téléviseur. C'était l'endroit où vivait Brad. Holly avait l'impression d'être Alice invitée au thé du Chapelier fou. Dan n'était pas habitué à recevoir quelqu'un qui savait. Il pensait que cela lui ferait du bien. Dan remarqua que son petit-fils avait oublié les serviettes alors Brad partir chercher du Sopalin. Holly avait remarqué le portrait à l'étage en dessous. Dan les avait dessinés. Il avait illustré des couvertures de livres de poche dans les années 50 et 60. Mais il avait été policier pendant 44 ans. Holly se dit qu'une force invisible mais puissante semblait l'entraîner dans cette histoire en insistant discrètement sur les parallèles et les prolongements car elle était entourée de policiers dans cette affaire comme dans celle qu'elle avait vécue avec l'outsider. Son fils avait été également policier mais il avait été tué dans un accident de voiture. Brad revint. Il expliqua à Holly qu'il créait des sons pour des jeux vidéo. Dan avait mis au courant son petit-fils depuis l'âge de 20 ans. Il enquêtait avec lui sur cette affaire depuis 2005. Brad le corrigea en disant que c'était un peu plus tard. Dan lui demanda si la vidéo était prête. brad alluma la télévision.

10

Dan avait 31 ans quand il rencontra le vampire pour la première fois. Il guettait les conducteurs en excès de vitesse avec son collègue Marcel Duchamp. Un type s'était précipité vers leur voiture pour frapper à la vitre. Il leur demanda s'ils étaient au courant de ce qui venait de se passer à New York. À ce moment-là, Brad lança la vidéo. Il s'agissait du pire accident d'avion de l'histoire. Deux avions s'étaient percutés. Il y avait eu 134 morts. C'était le 16 décembre 1960. Cela faisait pile 60 ans. Holly songea qu'il existait peut-être dans ce monde des forces manipulant les gens à leur guise comme des pions sur un échiquier. Elle pensait qu'il existait une chaîne d'événements remontant jusqu'à un autre monstre nommé Bradley Hartsfield. Celui qui, au départ, lui avait permis de croire.

Brad Bell lui apprit qu'il y avait un seul survivant à cet accident. Mais il avait survécu un jour. Les journaux l'avaient surnommé « le garçon tombé du ciel ». Ce surnom, précisa Dan, avait été trouvé par une chaîne indépendante disparue depuis longtemps, WLPT. Puis il lui demanda de se préparer à recevoir un choc. A cause de sa mère, Holly avait pris l’habitude de garder ses sentiments pour elle. Pourtant, lorsque les premières images de la deuxième vidéo apparurent sur l'écran, elle ne put retenir un hurlement : c'était lui ! C'était Ondowsky !

Dan le savait.

11

La plupart des gens auraient affirmé le contraire mais Holly, comme Dan savait. On voyait le reporter de la WLPT. C’était Ondowsky avec un visage un peu plus rond et peut-être 10 ans de plus. Il se présentait sous le nom de Paul Freeman et annonçait qu’il existait un survivant. C’est lui qui surnomma le jeune garçon «  le garçon tombé du ciel ». Il avait été éjecté par l’arrière de l’avion et avait atterri dans une congère. Il donnait des détails sur les blessures du survivant. Brad  arrêta la vidéo. Dan était persuadé que dans l’esprit des téléspectateurs, le journaliste était réellement horrifié et faisait son travail dans des conditions difficiles. En réalité, il n’était pas horrifié. Holly repensa au premier direct réalisé par Ondowsky, au collège Macready. Il n’était pas horrifié, il était excité. Brad se sentit moins seul à connaître ce secret. Le jeune garçon se nommait Stephen Baltz. Dan en était venu à croire que ce Paul Freeman se nourrissait de la souffrance de Stephen. Holly ajouta qu'il s'était également nourri de l'horreur des témoins. Dan demanda à son petit-fils de lancer la troisième vidéo. Holly et demanda à Dan quand il avait vu le reportage de Paul Freeman, et il répondit qu'il l’avait vue le soir même du crash sur NBC qui avait racheté les droits à la WLPT. Holly se demanda si Freeman n'avait pas provoqué l'accident d'avion. Dan ne le pensait pas. Mais peut-être qu'il percevait l'imminence des désastres majeurs. Dans la troisième vidéo, on voyait encore Ondowsky mais plus mince et plus jeune. Cette fois il travaillait pour la chaîne KTVT. Cette fois il était présent sur les lieux de l'assassinat de Kennedy. Holly repensa à ce que son père lui avait dit à propos des voitures. Il lui avait expliqué que tous les constructeurs proposaient un tas de modèles différents mais qu'en réalité ces modèles étaient tous issus du même gabarit. Il en était de même pour Ondowsky. Il était différent modèles à lui tout seul. Dan précisa qu'en fait il y avait au moins deux gabarits et peut-être plus. Cette fois, Ondowsky portait le nom de Dave Van Pelt. Holly remarqua qu'il se délectait du témoignage des femmes en pleurs. Il faisait semblant de compatir mais il n'était pas très bon comédien. Dan avait fait des recherches. Ondowsky avait commencé à travailler pour KTVT pendant l'été 1963 et qu'il en était parti au printemps 1964. Il n'était réapparu qu'en 1967, à Detroit pendant l'émeute de la 12e qu'il avait fait 43 morts et 1200 blessés. Brad lança la quatrième vidéo. Ondowsky interviewait un jeune Noir, le visage en sang devant sa laverie qui était en train de brûler. Cette fois Ondowsky portait le nom de Jim Avery. Il était plus corpulent que Paul Freeman et dégarni. Holly lui demanda comment il avait trouvé ces images. Et comment il avait remarqué la ressemblance. Brad lui expliqua que son grand-père dessinait les portraits-robots quand il travaillait dans la police. D'ailleurs, Holly avait pu voir dans le couloir des portraits-robots dessinés par Dan de personnes qui avaient été arrêtées grâces à son talent de dessinateur. Mais le souvenir d'un visage ne suffisait pas pour représenter fidèlement un criminel si on ne l'avait pas vu soi-même. Holly écouta attentivement Dan parce qu'elle continuait à apprendre pour son métier. Dan lui expliqua que son métier consistait à regarder au-delà de toutes les variations pour percevoir les similitudes. Il avait donc dessiné les variantes d’Ondowsky et il montra les dessins à Holly. Il avait fait ses dessins en ne voyant qu'une seule fois chacun des reportages puisque le magnétoscope n'existait pas à l'époque. Il s'était fié à sa mémoire. Dan  montra d'autres dessins à Holly. C'était les portraits de Reginald Holder, Harry Vail, Fred Liebermannbach. En tout il y avait 17 versions différentes d’Ondowsky. Il y en avait peut-être d'autres.

12

Ils redescendirent et Dan demanda à son petit-fils d'aller lui chercher un verre de bourbon. Brad lui rappela que c'était déconseillé par son médecin mais Dan avait besoin d'un coup de fouet. Il venait de se débarrasser d'un énorme fardeau. Ce fardeau reposait sur les épaules d'Holly à présent. Elle voulut que Ralph et Bill soient avec elle. Holly demanda à Dan pourquoi il était allé voir Liebermann. Il répondit qu'il avait besoin de trouver quelqu'un qui y avait des raisons de croire à l'incroyable et parce qu'il cherchait Holly. Tout comme Holly le cherchait. Dan et son petit-fils avait visionné toutes les informations sur l'affaire qu'Holly avait suivie au Texas. Ondowsky n'avait pas couvert cette affaire. Holly répondit que son outsider n'avait jamais été filmé. Holly lui demanda pourquoi Dan ne l'avait contactée qu'à présent. Depuis 2005, Brad surveillait Internet à chaque tragédie, chaque fusillade. Ils avaient su qu'Ondowsky avait interviewé des survivants dans un night-club après une fusillade en 2016. Mais ils ne l'avaient su qu'après l'explosion survenue au collège Macready. Holly leur demanda comment ils avaient pu passer à côté car Ondowsky avait toujours son visage de cochon. Et elle leur expliqua la théorie de Bill selon laquelle les gens avaient soient un visage de cochon, soit un visage de renard. Dan pensait qu'il y avait des exceptions avec des personnes qui avaient un visage de cheval. Dan demanda à son petit-fils de passer une autre vidéo. Holly regarda. Elle en avait le souffle coupé. Les reporters, Philip Hannigan était jeune, blond et maigre. Il avait un visage de renard. Il avait le visage de celui qu'elle appelait George, l'outsider. Celui qui avait déposé le colis piégé au collège Macready. Dan lui confirma que c'était bien Ondowsky et que cette créature n'avait pas qu'un gabarit. Elle en avait au moins deux.

13

Holly retourna dans sa chambre d'hôtel et regarda les messages qu'elle avait reçus sur son téléphone. Pete, Barbara et Jérôme avaient tous de l'affection pour elle. Elle ne put s'empêcher de verser quelques larmes. Sa mère l'avait appelée plusieurs fois en essayant de la culpabiliser pour son absence. Holly était tellement perturbée qu'elle s'agenouilla dans la salle de bains pour prier Dieu de lui donner le courage d'appeler sa mère. Après quoi, elle appela sa mère qui monopolisa la parole. Sa mère était en colère car elle s'apercevait que sa fille avait sa propre vie désormais et ce n'était pas censé se passer comme ça. Elle voulait qu'Holly rentre ce week-end pour aller voir l'oncle Henry. Holly lui répondit qu'elle ne pouvait pas et Charlotte pleura. C'était son dernier recours lorsqu'elle voulait obliger Holly à faire quelque chose. Holly lui dit qu'elle l'aimait et elle coupa la communication. Elle aurait voulu briser la chaîne qui la retenait à sa mère surtout quand sa mère lui avait avoué avoir voté pour Trump. Sa mère n'avait cessé de la dénigrer quand elle était enfant. Et Holly y avait cru jusqu'à ce qu'elle rencontre Bill Hodges. Pourtant si Holly rompait avec sa mère, elle se sentirait diminuée. Elle reprit son rapport destiné à Ralph. Cela l'aida à clarifier ses pensées.

14

Holly regretta de ne pas avoir enregistré sa conversation avec Dan et Brad alors elle en fit  un résumé pour Ralph. Dan avait montré à Holly un diaporama avec 17 photos provenant de toutes les vidéos trouvées sur Internet. Il s'agissait des 17 incarnations d'Ondowsky. Puis il lui avait montré une 18e incarnation, celle de Philip Hannigan devra la boîte de nuit en 2016. Elle pensait que ça ne pouvait pas être Ondowsky et que c'était le poseur de bombe du collège. Brad lui avait proposé un bourbon mais elle avait refusé. Il lui avait demandé si son grand-père lui avait dit qu'il était gay pour montrer que ça ne le gênait pas mais évidemment ça le jamais. Il aimait beaucoup son petit-fils mais ça le gênait. Holly lui avait répondu qu'elle éprouvait à peu près la même chose au sujet de sa mère et Brad avait souri en disant qu'ils avaient un point commun. Dan croyait à ce qu'il appelait « le deuxième monde » : les histoires de télépathie, de fantômes, de disparitions inexpliquées et son petit-fils avait fini par y croire lui aussi. Holly avait demandé à Brad pourquoi son grand-père avait attendu aussi longtemps pour la contacter. Dan croyait avoir affaire à une créature inoffensive. Il estimait que le vampire faisait la même chose que toutes les personnes qui regardaient les infos, il se nourrissait du drame. La seule différence était que ce monstre avait la chance de pouvoir vivre plus longtemps grâce à cela. Brad avait repéré trois fois le visage du poseur de bombe faisant en direct sur le lieu d'une tragédie pendant l'ouragan Katrina en 2005, les tornades dans l’Illinois en 2004 et devant le World Trade Center en 2001. Brad était convaincu que le poseur de bombe du collège était le même homme qu'Ondowsky mais pas Holly. Alors Brad lui expliqua avoir réalisé une image spectrographique de la voix de Paul Freeman. Puis il avait montré à Holly l'image spectrographique de la voix d'Ondowsky. Holly put comparer les deux spectrogrammes. Elle réalisa que c'était bien la même voix pour les deux incarnations. Ensuite Brad lui fit écouter la voix de Hannigan pour qu'Holly comprenne que ce n'était pas celle de George mais bien celle d'Ondowsky. Et dans ces incarnations, il y avait le même défaut. Le vampire avait un zozotement qu'il avait dû corriger avec le temps mais on pouvait entendre que sa voix achoppait parfois sur certains mots. Holly avait été convaincue par Brad.

15

Holly commanda un grand coca et une pizza et regarda un sapin de Noël clignoter dans le parking de l'hôtel. Elle n'avait jamais été aussi éloignée de l'esprit de Noël. Elle projetait d'aller à la rencontre du monstre le lendemain. Elle avait proposé à Brad de l'accompagner mais il avait refusé car son grand-père avait besoin de lui. Elle ne voulait pas demander à Jérôme de venir car il risquerait de s'impliquer corps et âme et ce serait dangereux. Quant à Pete, il ferait ce qu'on lui demanderait mais considérerait tout cela comme une plaisanterie et Ondowsky n'était pas un plaisantin.

À présent, le monstre pouvait provoquer un carnage alors qu'avant, il se contentait de se nourrir des répercussions d'un drame. La prochaine fois, le bilan humain serait peut-être encore plus lourd. Holly ne pouvait pas l'accepter.

Elle téléphona à Dan. Elle lui demanda comment Ondowsky réussissait à se faire engager par différentes chaînes de télévision. Brad saisit le téléphone de son grand-père pour répondre. Il pensait que le monstre se faisait engager dans des petites chaînes de télé locales pour passer à l'antenne pendant quelques mois et ensuite il pouvait postuler dans une des grandes chaînes nationales. Le talon était recherché dans ce métier. Et le monstre avait de l'expérience. Brad avait envoyé à Holly les photos et les spectrogrammes de Freeman, de Hannigan et d’Ondowsky. Elle leur annonça qu'elle voulait rencontrer le monstre le lendemain. Dan lui demanda d'être prudente.

16

Jérôme était en train de travailler sur son livre quand Barbara lui proposa une pause. Elle lui demanda où était Holly. Alors Jérôme sortit son téléphone portable et ouvrit une application qui lui permettait de savoir où était Holly. Il avait installé un mouchard sur le téléphone d'Holly. Il vit qu'elle était à l'aéroport de Portland. Jérôme avait demandé à Barbara de regarder l'historique de l'ordinateur de Holly avec le mot de passe que Holly utilisait au bureau et cela avait fonctionné. Barbara avait accepté car elle trouvait que Holly n'était plus la même depuis son séjour dans l'Oklahoma et au Texas où elle avait failli être tuée par un flic détraqué nommé Jack Hoskins. Holly avait retrouvé un comportement anormal en fichant le camp pour faire quelque chose dont elle refusait de parler. Alors Jérôme avait décidé de la suivre à la trace. Barbara avait découvert que la majeure partie de l'historique de l'ordinateur de Holly concernait l'attentat au collège. D'autres recherches concernaient un certain Ondowsky, un restaurant dans la ville de Pierre en Pennsylvanie et un dénommé Fred Finkel, caméraman pour WPEN. Comme Holly avait consulté un site de rencontre, Jérôme se demandait si elle n'était pas partie pour un rendez-vous. Jérôme voulut s'assurer que sa soeur ne révélerait jamais à Holly qu'ils l’avaient suivie. Elle promit.

17

La chronique d'Ondowsky possédait sa propre page Web avec un numéro vert. La page affirmait que tous les appels restaient totalement anonymes. Holly téléphona. Elle dit à une certaine Monica qu'elle devait parler à M. Ondowsky et que c'était urgent. Une femme lui répondit que ce n'était pas possible et lui demanda de laisser ses coordonnées ainsi que quelques informations sur la nature de sa réclamation. Holly répondit qu'elle voulait lui parler d'une affaire explosive. Elle devait lui parler avant 21:00 et cela concernait Paul Freeman et l'accident d'avion. Elle ajouta que cela concernait également Van Pelt à Dallas et Avery à Detroit et Hannegan. Monica insista pour avoir ses coordonnées mais Holly savait que son numéro de téléphone portable s'affichait sur l'écran de Monica. Elle pria brièvement lorsque son téléphone sonna.

18

L'écran de son portable indiquait numéro inconnu. Elle n’en fut pas surprise. Ondowsky lui demanda à qui il avait l'honneur de parler avec une voix chaleureuse et maîtrisée. Elle lui donna juste son prénom. Puis il lui demanda de quoi s'agissait-il. Elle lui demanda son l'adresse électronique pour lui envoyer des photos. Il répondit que son adresse se trouvait sur sa page Web. Mais elle voulait une adresse personnelle. Finalement il accepta de lui donner son adresse personnelle. Elle lui demanda de bien regarder la photo de Hannigan ainsi que les analyses spectrographiques. Il devrait la rappeler un quart d'heure plus tard sinon elle divulguerait tout ce qu'elle savait. Et elle coupa la communication. Elle envoya les documents à Ondowsky. 11 minutes plus tard, Ondowsky rappela. Holly laissa passer quatre sonneries avant de répondre. Il prétendit que les photos ne pouvaient rien. Alors elle le menaça de divulguer les documents. Il voulut savoir à qui elle comptait les envoyer. Elle répondit qu'elle enverrait les documents à Inside View qui tirait à 3 millions d'exemplaires. Ondowsky prétendit que personne ne croirait à ces conneries. Alors Holly ajouta qu'elle avait un tas d'informations. Les gens fouilleraient dans son passé. Alors il demanda d'où venaient les photos. Elle savait qu'elle devait lui donner un os à ronger. Alors elle répondit qu'elles venaient d'un homme qui s'intéressait à lui depuis longtemps et qu’il ne connaissait pas. Ondowsky lui demanda ce qu'elle voulait. Alors elle lui donna rendez-vous le lendemain à midi à l'espace restauration du centre commercial de Monroeville.

Elle lui dit comment elle serait habillée et il répondit qu’elle était cinglée et que personne ne la croirait. Il ne semblait pas très sûr de lui mais il avait surtout l'air en colère. Cela pourrait servir à Holly. Elle ajouta qu’elle viendrait avec un ami. C’était faux mais Ondowsky ne pouvait pas le savoir. Il redemanda ce qu’elle voulait mais elle répondit qu’il le saurait le lendemain et elle raccrocha. A présent, elle devait le regarder dans les yeux et lui offrir une échappatoire et lui faire croire qu’elle voulait conclure un arrangement avec lui. Comme une grosse somme d’argent. Elle réussit à dormir et rêva de la grotte au Texas. Elle frappait un homme avec une chaussette remplie de billes d’acier et la tête de l’homme s’effondrait.

17 décembre 2020

1

Inscrite au tableau d’honneur de son lycée, Barbara était quasiment libre de faire ce qu’elle voulait durant son heure de permanence. Elle se rendit dans la salle d'arts plastiques qui était déserte à cette heure-là. Elle appela Jérôme pour lui demander ou se trouvait Holly. Il ne savait pas car il avait désactivé le mouchard. Elle voulait qu’il se lève pour saisir le monde par les couilles mais il raccrocha. Alors Barbara fut disposée à croire qu'Holly était partie pour un rendez-vous galant. Après tout, Portland se trouvait à environ 800 km du lieu où s'était produit l'attentat qui la passionnait. Elle était toujours inquiète mais se rendit dans la salle de musique pour travailler un peu sa guitare jusqu'au cours d'histoire. Mais elle rencontra Justin Freilander qui était membre fondateur de la section des geeks du lycée. C’était peut-être le signe du destin alors elle ressortit son portable de sa poche.

2

Justin Friedlander examinait le téléphone de Barbara pendant qu'Holly atterrissait à l'aéroport international de Pittsburg. Elle avait suivi avec Pete un cours de conduite pour apprendre à effectuer une filature et à y échapper. Elle loua une voiture. Elle se gara sur le parking d'un hôtel proche de l'aéroport. Elle appela sa mère qui ne répondit pas. Le transfert direct sur la boîte vocale était une vieille punition que sa mère utilisait lorsqu'elle estimait qu'Holly avait passé les bornes. Ensuite, elle appela Pete qui lui demanda ce qu'elle fabriquait et quand elle allait rentrer. Elle mentit en répondant qu'elle était partie voir des amis en Nouvelle-Angleterre et qu'elle servait de retour le lundi suivant. Elle arriva au centre commercial de Monroeville à 11:15. Elle pria pour avoir suffisamment de force et pouvoir rester calme. Et pour se montrer persuasive. À 11:30, elle entra dans le centre commercial. Elle pensait que ce serait Ondowsky qui viendrait au rendez-vous et pas son double qu'elle avait baptisé George car ce dernier était l'homme le plus recherché d'Amérique actuellement. A 11:50, elle fit la queue au Starbucks pour commander un café puis chez Sbarro pour acheter une part de pizza. Le centre commercial était étonnamment peu fréquenté en cette période de fêtes. À 12:05, elle commença à penser qu'Ondowsky ne viendrait pas. Puis, à 12:07,un homme s'adressa à elle par derrière. C'était Ondowsky. Son visage était un peu plus anguleux et les rides autour de la bouche avaient disparu. Son « déguisement » était assez réussi. Il lui dit qu'il avait estimé préférable de changer un peu d'apparence. Il ne voulait pas être reconnu. Il avait remarqué qu'Holly scrutait son visage. Il expliqua qu'il était en transition et que cinq minutes plus tard, il n'y paraîtrait plus. Il lui reprocha de lui avoir causé des problèmes. Ondowsky lui demanda où se trouvait l'ami avec lequel elle était venue. Elle lui répondit que c'était peut-être les deux personnes qu’Ondowsky venait de suspecter. Holly se sentait bien malgré ce début de confrontation. Néanmoins, elle était perturbée par les yeux d'Ondowsky mais détourner le regard aurait ressemblé à un aveu de faiblesse. Il lui demanda quel était son nom et elle le lui donna. Elle lui réclama 300 000 $. Il lui demanda si elle savait ce qu'était le chantage. Elle se rappela un des conseils de Bill : ne jamais répondre aux questions d'un criminel. Alors, elle attendit les mains croisées. Il répondit lui-même à sa propre question. Pour lui, le chantage, c'était faire payer un loyer. Holly lui coupa la parole en lui disant qu'il était peut-être dans le métier depuis très longtemps et il avait peut-être économisé pendant tout ce temps. Il soupçonnait qu’Holly lui réclamerait encore de l'argent une fois les 300 000 $ dépensés. Elle avait préparé sa réponse. Elle avait besoin de ces 300 000 $ même si en effet elle attendait autre chose. Ondowsky voulut en savoir plus. Son ton était devenu condescendant. Holly parla de son oncle Henry atteint de la maladie d'Alzheimer. Il était dans une maison de retraite spécialisée et cela coûtait une fortune. Elle parla de sa mère qui souhaitait ramener son frère à la maison. Il fallait donc aménager la maison pour accueillir un invalide. Holly voulait que quelqu'un s'occupe de son oncle 24 heures sur 24. Ondowsky reconnut que c'était un projet coûteux. Il en déduisit qu'elle aimait beaucoup son oncle. Elle pensa à Dan pour alimenter son mensonge. Elle dit que son oncle se déplaçait en fauteuil roulant et respirait grâce à une bouteille d'oxygène. Il pourrait encore vivre deux ou trois  ans. Elle avait fait des calculs : 300 000 $ lui permettraient de tenir cinq ans. Ondowsky lui répondit que si son oncle vivait six ans, elle reviendrait le voir. Soudain, Ondowsky lui inspira un sentiment de fureur. Alors elle se pencha en avant pour fixer ses yeux. Elle le traita de tueur d'enfants et ajouta qu'elle n'avait aucune envie de lui réclamer plus d'argent. Elle lui ordonna d'effacer ce putain de sourire de son visage. Elle affirma qu'elle ne voulait plus jamais le revoir. Ondowsky eut un mouvement de recul comme s'il avait reçu une gifle. Holly affirma qu’Inside View pourrait lui donner au moins 50 000 $ et c'était un début. Alors Ondowsky accepta de l'écouter. Il était déstabilisé. Holly lui réclama 300 000 $ en billets de 50 et de 100. Il devrait mettre l'argent dans une boîte comme celle qu'il avait déposée au collège Macready. Il devrait déposer la boîte au bureau d'Holly. Le samedi soir à 18:00. Elle ajouta qu’elle était tentée de tout arrêter car il l'écoeurait. Il lui demanda où se trouvait son lieu de travail et ce qu'elle y faisait. Si elle se trompait en répondant à ces deux questions, Holly signait son arrêt de mort. Elle répondit qu'elle travaillait au Frederick Building et elle donna le nom de la ville. Ainsi que le nom de son agence Finders Keepers. Il voulut savoir si c'était une agence de recouvrement. Elle lui expliqua que c'était une agence de détectives. Cela le surprit. Il demanda s'il y avait une caméra dans son agence. Elle acquiesça en précisant que la caméra était hors de service. Il ne la croyait pas et pourtant c'était la vérité. Alors elle ajouta qu'il y avait un portique de détection encastrée dans les murs. S'il venait plutôt, Holly le saurait. S'il était armé aussi. Le sourire d'Ondowsky avait disparu. Elle l'attendrait dans le hall où aurait lieu l'échange. Il lui demanda s’il était censé la croire sur parole mais elle ne répondit pas. Elle lui parla du vieil homme qui l'avait repéré et le surveillait depuis longtemps sans dire son nom. Depuis des décennies. Holly était réjouie car le visage du monstre affichait la stupeur. Ce vieux Monsieur avait laissé tranquille Ondowsly le prenant pour un rapace. Hélas, le monstre avait décrété que cela ne lui suffisait plus et ne voulait plus attendre une tragédie. À présent, il provoquait les tragédies. Ondowsky ne réagit pas. Elle lui demanda s'il avait déjà commis une tragédie. Il répondit en souriant qu'il n'avait pas été responsable d'une tragédie mais qu'il avait faim. Holly était effrayée et le monstre s'en était aperçu. Elle ne chercha pas à le cacher. Mais elle était déterminée également. Puis elle se pencha à nouveau vers lui pour lui livrer son autre exigence. Il ne devait plus jamais recommencer à tuer. Il voulut savoir combien de copies elle avait gardé des documents qu'elle possédait sur lui. Elle répondit qu'elle n'en avait qu'une seule. Elle lui dit qu'elle connaissait ses deux visages. Elle connaissait également sa voix et des choses sur cette voix que lui-même ignorait peut-être. Elle menaça de le détruire s'il commettait une autre tragédie. Ondowsky affirma qu'Holly était venue seule. Il était capable de lui briser le cou avant que quiconque s'aperçoive de quoi que ce soit. Elle savait qu'il était aux abois et furieux de se retrouver dans cette situation alors elle s'obligea à se pencher vers lui et lui dire qu'il ne serait jamais assez rapide pour l'empêcher de crier son nom que tout le monde connaissait dans cette ville. L'espace d'un instant, il réfléchit et accepta le rendez-vous. Elle refusa de serrer la main qu'il lui tendait. Il se leva en souriant et ce sourire donna à Holly envie de hurler. Il dit que le collège était une erreur et qu’il s'en apercevait à présent. Il partit rapidement. Elle savait que l'erreur qu'il devait corriger, c'était elle. Il n'avait pas l'intention de la payer, il allait la tuer. Holly en était persuadée.

3

Holly avait peur qu’Ondowsky se soit caché derrière une voiture dans le parking prêt à bondir pour la tuer. Alors elle se précipita vers sa voiture. Une fois dans sa voiture, elle resta immobile, le temps de se ressaisir. Elle avait prévu de passer la nuit à l'hôtel car Ondowsky pensait certainement qu'elle allait prendre un avion le soir même pour retourner chez elle. Elle s'arrêta pour écouter ses messages. Sa mère lui avait laissé un message pour lui annoncer que l'oncle Henry avait eu un accident. Il avait peut-être un bras cassé. Alors, Holly réfléchit. Elle n'avait pas à être désolée car elle n'était pas responsable de l'accident de l'oncle Henry. Alors elle refusa de répondre immédiatement au cri du coeur de sa mère. À la place de téléphone à la maison de retraite de l'oncle Henry. Son oncle allait bien. Il avait évité un accident grâce à ses réflexes. Il avait retenu une vieille dame qui avait failli tomber. Puis allemand, elle dessina appeler sa mère. Elle lui annonça qu'elle était à Pittsburg. Elle avait intention de revenir voir sa mère si sa chambre était prête. Sa mère répondit que sa chambre était toujours prête. Holly lui proposa d'aller voir l'oncle Henry pour s'assurer que tout allait bien. Charlotte lui reprocha de la laisser passer Noël seule pendant qu'elle réveillonnerait avec ses amis parmi lesquels se trouvait un jeune Noir qui ressemblait à un drogué. Holly se défendit en disant qu'elle avait été invitée par les Robinson depuis plusieurs semaines. Mais Charlotte lui dit qu’à l'époque ne savait pas que son frère ne serait plus chez elle. Alors Holly proposa de rester jusqu'au vendredi soir et de fêter Noël en avance.

4

Holly reprit le volant pour rentrer chez elle. Elle appela Pete et Jerome pour leur dit qu'elle avait réglé son problème personnel. Jérôme lui dit que Barbara appréciait les films qu'elle lui avait conseillés. Mais elle avait eu l'impression qu'en les regardant les Noirs n'existaient pas. Holly conseilla à Jerome de dire à Barbara qu'elle pouvait signaler cela dans son devoir. Holly pensa à sa mère qui avait certainement prévu des cadeaux pour elle. Holly ne pouvait pas débarquer les mains vides. Alors elle s'arrêta au premier centre commercial pour acheter des pantoufles et un joli peignoir pour sa mère.

5

Charlotte accueillit sa fille en lui disant qu'elle avait maigri. Pour elle, une anorexique restait une anorexique. Le dîner provenait de l'épicerie italienne au bout de la rue. Charlotte raconta combien la vie était devenue difficile depuis le départ de son frère. Elle n'interrogea pas Holly sur sa vie, son travail et ce que était allé faire à Pittsburgh. Holly avait l'impression de commencer à rajeunir et à rapetisser pour redevenir la gamine triste et solitaire qu'elle avait été. Ses animaux en peluche trônaient toujours dans sa chambre. Mais la fille d'avant qui se terrait dans cette chambre et refusait d’en sortir avait disparu. Holly était devenue une femme capable de faire face à un monstre dans une grotte du Texas.

6

18 décembre 2020

1

Holly rendit visite à l'oncle Henry avec sa mère. Les résidents ne semblaient pas vraiment animés d'un esprit festif. Elle put voir que son oncle avait bien un hématome au bras après avoir sauvé une vieille dame d'une chute. L'oncle Henry ce jour-là s'était rappelé le prénom d'Holly. Elle lui confia que sa mère l'épuisait. Autrefois, elle n'aurait jamais osé faire un tel aveu à son oncle. Mais ce n'était plus le même homme. À bien des égards, il était beaucoup plus gentil. Elle se pencha pour l'embrasser et il lui demanda de quoi elle avait peur. Elle reconnut qu’elle avait peur et cela la soulagea. Son oncle lui dit que sa mère était une froussarde quand elle était enfant. Il ajouta qu'Holly, elle aussi avait été une froussarde mais qu’elle avait dépassé sa peur. Elle regarda son oncle, stupéfaite. Il ajouta qu’elle avait dépassé sa mère et se coucha. Holly lui dit qu’elle vouait qu’il se souvienne avoir empêché une femme de tomber mais il dormait. Elle sortit de la chambre d’Henry en pleurant.

2

Holly continua son rapport. Elle espérait en finir avec Ondowsky le lendemain. Elle avait peur. Il lui avait promis de ne plus jamais commettre d'attentats mais elle n'y croyait. Peut-être même qu'il aimait jouer les sauveteurs héroïques tout en sachant qu'il devait éviter d'attirer l'attention. Elle dit dans son rapport qu'elle avait appelé Dan pour lui annoncer son intention d'éliminer le monstre. Dan avait approuvé en lui recommandant d'être prudente. Elle voulait protéger Jérôme et Barbara. Elle les avait appelés pour les convaincre qu'elle ne serait pas en ville le lendemain. Elle savait que le monstre était inquiet de l'usage qu'elle pouvait faire des informations dont elle disposait mais il était sûr de lui et pourrait la tuer si elle lui en donnait l'occasion. Mais elle avait déjà connu ce genre de situation et ne commettrait pas l'erreur de sous-estimer le monstre. Bill s'était souvenu d'elle dans son testament et lui avait légué son arme de service. Elle avait bien l'intention d'emporter le Smith & Wesson de Bill. Elle avait pris des leçons de tir et elle savait qu'il fallait viser le centre d'inertie. Elle pensait que la force physique qui animait le monstre était une sorte de cerveau étranger ayant remplacé le cerveau humain antérieur. Si jamais une balle dans la poitrine ne suffisait pas, Holly pensait qu'il existait un autre moyen de se débarrasser de ce monstre pour de bon.

3

La journée avec sa mère sembla interminable. Charlotte avait enfilé la robe verte qu'elle portait à chaque Noël, fière de montrer qu'elle lui allait encore. Holly détesta le repas à part le gâteau à la carotte que sa mère avait acheté. Malgré tout, elle complimenta sa mère. Après le dîner, elles regardèrent le film La Vie est belle comme elles l'avaient déjà fait une bonne douzaine de fois, à Noël. La tradition était que Holly devait porter un bonnet de père Noël en regardant le film. Mais ce film avait toujours mis Holly mal à l'aise. Ce soir-là, Holy rêva qu’Ondowsky sortait de l'ascenseur du Frederick Building vêtu de sa veste déchirée à la manche et à la poche avec les mains couvertes de sang. Ses yeux scintillaient et il souriait. Des insectes rouges se déversaient hors de sa bouche.

19 décembre 2020

1

Holly était bloquée dans les embouteillages. Elle pensait qu'elle arriverait en retard à son rendez-vous ou plutôt à son enterrement. Sa mère lui avait offert une chemise en soie. Holly savait qu'elle ne la porterait jamais. Elle lui avait au offert aussi deux livres : Le Pouvoir du moment présent et Anxieux sans raison : trouver le calme dans un monde chaotique. Comme elle l'avait prévu, sa mère lui avait reproché d'avoir acheté un peignoir trop grand et de ne pas avoir gardé le ticket de caisse. Mais Holly avait bien sûr gardé le ticket en question. Ce qui lui avait fait perdre du temps c'était que sa mère avait proposé d'aller rendre visite à l'oncle Henry pour lui souhaiter un joyeux Noël. Holly avait accepté car elle était curieuse de savoir pourquoi son oncle lui avait demandé de quoi elle avait peur. Pourtant, son oncle n'avait jamais paru particulièrement attentif aux sentiments des autres. Sur la route, Charlotte avait eu un accrochage ce qui leur avait fait perdre du temps puisqu'il avait fallu rédiger un constat. L'oncle Henry ne les avait pas reconnues. Il avait demandé à Holly si elle faisait partie des témoins de Jéhovah. Puis, quand Holly voulut partir, sa mère la supplia de rester encore un jour. Alors elle dut expliquer à sa mère qu'elle avait un rendez-vous. Charlotte lui demanda si c'était un rendez-vous galant avec un sourire qui n'était pas joyeux. Cela choqua Holly. Holly ne voulait pas quitter sa mère avec des paroles blessantes car c'était peut-être la dernière fois qu'elle la voyait. Alors elle acceptera de boire un thé avant de partir. Il était 11:00 quand elle avait pu enfin s'échapper de la maison de sa mère. Sa mère avait reconnu qu'elle s'était trompée au sujet de la taille du peignoir. C'était bien la bonne taille. Holly avait souri. Elle pensait avoir encore largement le temps.

2

Holly était encore bloquée dans les bouchons. La pendule de sa voiture de location lui indiquait qu'elle ne pouvait pas espérer atteindre le Frederick Building avant 16:00 au mieux.

3

Justin Friedlander avait installé un mouchard sur le téléphone de Barbara pour qu'elle puisse suivre Holly. Elle avait dit à Justin qu'elle voulait juste s'assurer que son amie allait bien. Elle se rendit compte que Holly s'était rendue à Pittsburgh. Elle ne le dirait pas à Jérôme. Cela confirmait que Holly s'intéressait à l'attentat commis au collège Macready. Barbara avait compris que Holly s'intéressait beaucoup à Ondowsky. Barbara se demanda si Ondowsky et Finkel avaient trouvé un indice sur le poseur de bombe. Il n'y avait rien à craindre selon Barbara si Holly avait juste l'intention d'interroger Ondowsky et Finkel. Mais elle se demanda si le terroriste était toujours dans les parages et si Holly avait décidé de s'en prendre à lui. Barbara avait été soulagée en découvrant que Holly avait pris la direction de la maison de sa mère. Elle avait failli désactiver le mouchard à ce moment-là mais Holly l'avait appelé la veille sans raison apparente et lui avait dit qu'elle l’aimait. Cela avait provoqué des soupçons chez Barbara car ce genre de sentiment ne se partageait qu'avant de partir pour un long voyage ou à la guerre. De plus, Holly avait paru triste au téléphone. Alors Barbara avait regardé son téléphone et découvert que Holly rentrait à la maison. Elle se demanda si elle s'était disputée avec sa mère. Le mouchard lui indiquait que Holly était bloquée dans les embouteillages. Elle pourrait s'estimer heureuse si elle était de retour avant 17:00.

4

La pendule du tableau de bord indiqua à Holly qu’elle ne pouvait plus espérer arriver à destination avant 17:00 à condition que le trafic redémarre. De plus, le réservoir de la voiture était aux trois quarts vide. Ondowsky risquait de croire qu’elle s’était dégonflée si elle ne venait pas au rendez-vous.  Elle voulut  appeler Pete pour l’en informer qu’un individu dangereux allait se présenter à l'agence mais elle savait qu’Ondowsky réussirait à l’embobiner et Pete n’était plus jeune et il avait grossi. Il était lent et le monstre était rapide. La circulation reprit et Holly put reprendre la route. Il passa devant le carambolage le responsable du ralentissement. Il espérait pouvoir arriver à 17:20.

5

Finalement, elle arriva dans le quartier de l'agence à 17:50. Le centre commercial était très animé. Elle n'avait guère de chance de repérer Ondowsky mais le monstre avait lui aussi peu de chances de l'agresser. Elle gara la voiture. Au moment où elle introduisit la clé dans la serrure pour entrer dans l'immeuble, un homme au visage en partie masqué par une écharpe la frôla. Le vestibule était désert et mal éclairé. Elle se précipita vers l'ascenseur. Elle monta au quatrième étage. Elle avait peur qu'Ondowsky ait réussi à entrer avant elle et la prenne au piège. Mais le couloir du quatrième étage était désert. Elle pria pour que Al Jordan, le gardien de l'immeuble dont tout le monde se plaignait ait été à la hauteur de son incurie habituelle. La chance était de son côté. Il y avait bien tout un bric-à-brac de produits et de matériel d'entretien dans l'escalier. Holly s’empara du seau pour grimper dessus et mettre le paquet destiné à Ondowsky au fond de la cabine de l'ascenseur dans le plafond. Elle prit une photo du paquet. Puis elle remit le seau à sa place. Il arriva aux locaux de Finders Keepers. Elle poussa un soupir de soulagement et consulta sa montre. Il était presque 17:30. Elle sortit le revolver du coffre de Bill. Si elle ne devait pas survivre, Holly voulait que quelqu'un soit au courant du danger que représentait Ondowsky. Alors elle alluma son téléphone et continua son rapport.

6

Barbara était arrêtée à un feu rouge lorsque Holly était arrivée dans l'agence. Barbara se demandait ce qu'elle pouvait faire à l'agence un samedi soir. Elle savait que la porte principale de l'immeuble serait verrouillée mais elle connaissait le code de la porte située sur le côté, dans la ruelle. Elle voulait faire une surprise à Holly.

7

Holly expliqua dans son rapport qu'elle attendait Ondowsky dans son agence et que son plan était de l'abattre dès qu'il sortirait de l'ascenseur avec l'argent du chantage. Elle pensait que le plan du monstre était d'attendre pour voir si Holly continuerait son chantage ou non. Si c'était le cas il la tuerait et continuerait comme avant. Bill avait appris à Holly qu'il fallait toujours avoir un plan B. Ondowsky devait la soupçonner de vouloir l'éliminer et non de le faire chanter. Il pouvait décider de monter par l'escalier. Alors Holly avait prévu de surprendre le monstre en ne laissant dans le paquet qu'un tube de rouge à lèvres. Malgré tout, Holly avait peur de ne pas s'en sortir vivante. Et elle voulait que Ralph sache combien son amitié avait compté pour elle. S'il voulait continuer ce qu'elle avait commencé, elle le conjurait d'être prudent. Il avait une femme et un fils.

8

il était 17:43. Holly alluma l'ordinateur de la réception. Elle préférait ce poste de travail parce qu'elle aimait bien être à l'entrée de l'agence. Elle sortit de son sac la clé USB qui contenait les photos de Dan et les spectrogrammes enregistrés par son petit-fils. Elle entendit l'ascenseur. Elle se précipita vers la porte et l’ouvrit à la volée en jetant un oeil dans le hall. Elle n'entendit rien et l'ascenseur était toujours arrêté au quatrième étage. Elle s'empressa de regagner le bureau de la réception afin de déterminer ce qu'elle avait commencé.

9

Barbara se trouvait en face de l'immeuble de l'agence d'Holly. Elle vit qu'il y avait de la lumière au quatrième étage. Elle engagea sa voiture dans la ruelle devant l'entrée annexe de l'immeuble. Au moment où elle se pencha pour taper le code, une main se referma sur son épaule.

10

Holly ouvrit le courriel qu'elle s'était envoyé et enregistra la pièce jointe sur la clé USB. Elle trouva un titre pour la clé : si ça saigne. Une formule qui résumait bien la sinistre nature de cette créature. Elle mit la clé dans une petite enveloppe au nom de Ralph chez Colson, son voisin. Elle ajouta qu'il ne fallait pas faire suivre l'enveloppe jusqu'au retour du destinataire. Elle lança l'enveloppe dans la boîte aux lettres qui se trouvait près de l'ascenseur. Elle savait que la lettre risquait de rester dans la boîte pendant une semaine à cause de la négligence de Al. Elle regagna les locaux de l'agence en courant. Il y avait un emblème avec l'ascenseur depuis quelque temps. Al Jordan avait évoqué de sinistres conséquences en cas d'accident et avait décidé de condamner la porte du septième étage en attendant la réparation. Jérôme bien expliquait comment régler le problème. L'ordinateur qui gérait l'ascenseur ne voyait plus les arrêts à chaque étage et ne reconnaissait que ses deux terminus. Jérôme avait installé un sparadrap informatique sur le programme de l'ordinateur. Holly enleva ce sparadrap. Deux minutes plus tard, son portable sonna.

11

Barbara laissa échapper un petit cri et se retourna vivement. C'était Jérôme. Il avait menti en prétendant avoir désactivé le mouchard. Il lui dit qu'elle était mal placée pour lui donner des leçons puisqu'elle avait installé un nouveau mouchard sur son téléphone. Tout à coup, une forme surgit dans le dos de Jérôme et lui asséna un coup sur la tête. Puis la silhouette se jeta ensuite sur Barbara. Barbara accusa l'homme d'avoir tué son frère et celui-ci lui répondit que ce n'était le cas. Il menaça de le faire si elle le hurlait. Il sentit sa peur, et lui dit qu’elle était savoureuse.

12

Au moment où  Holly prit son portable pour envoyer le code d'entrée à Ondowsky, elle vit le visage de Barbara apparaître sous son écran. Barbara lui annonça que l'homme avait assommé Jérôme avec une brique. Holly se sentait responsable car elle avait essayé de tenir ses amis à l'écart et ils étaient intervenus quand même parce qu'ils se faisaient du souci pour elle. La situation avait tourné à l'avantage d'Ondowsky et il savourait sa victoire. Elle ne céda pas à la panique. Elle dit à Ondowsky mais s’il faisait du mal à Barbara elle détruirait sa vie et que rien ne pourrait l'arrêter. Alors il menaça de défigurer Barbara avec son couteau en céramique si Holly brandissait son arme. Holly accepta de ne pas utiliser son arme. Il annonça qu’à la place de 300 000 $, c'était Barbara qui servirait d'échange avec la clé USB. Elle accepta le marché à condition de pouvoir parler à Barbara mais il refusa. Elle menaça de ne pas lui donner le code d'entrée mais il était sûr de pouvoir l'obtenir par Barbara. De plus, il ajouta que Jérôme avait peut-être une lésion cérébrale. Holly comprit qu'il cherchait à l'effrayer pour l'empêcher de réfléchir. Alors Holly lui donna le code.

13

Barbara voulait emmener Jérôme mais Ondowsky refusa. Elle savait qu'il était capable de la laisser alors elle obéit.

14

Holly était postée sur le seuil de l'agence. Elle glissa son téléphone portable dans la poche gauche de son pantalon et enclencha le sparadrap électronique de l'ascenseur. Elle entendit le cri de Barbara.

15

Ondowsky entraîna Barbara dans l’ascenseur et elle lui demanda combien d’argent Holly lui avait réclamé. Elle se demanda comment Holly avait pu traiter avec un tel individu. L’ascenseur s’arrêta. Ils montèrent et Ondowsky commença sa transformation devant Barbara. Sa tête entière se transforma en une masse gélatineuse. À l'intérieur, des entrelacs confus de matières rouges se tortillèrent. Barbara hurla et bascula contre la paroi de l'ascenseur. Ses intestins et sa vessie se relâchèrent. Puis la tête en gelée se solidifia mais le visage qui apparut alors elle était totalement différent de celui d'Ondowsky. Cet homme paraissait avoir 10 ans de moins que le précédent. Sa voix était également différente. L'ascenseur s'arrêta. Et la porte s'ouvrit sur le couloir du quatrième étage.

16

A ce moment précis, Holly cliqua avec la souris sans attendre de voir si les différents arrêts du sous-sol au septième étage devenaient gris sur l'écran comme lorsque Jérôme et elle avaient effectué la réparation en suivant les conseils trouvés sur un forum. C'était inutile car elle serait vite fixée. Ondowsky tenait Barbara par le bras mais lorsqu'il leva la tête, Holly s’aperçut que ce n'était plus lui. C'était George. Barbara semblait en état de catatonie. Holly comprit qu'elle avait assisté à la métamorphose d'Ondowsky. Barbara était sous sa responsabilité mais Holly ne devait pas penser à ça. Elle devait écouter et espérer même si l'espoir ne lui avait jamais paru aussi inaccessible. La porte de l'ascenseur se referma et il redescendit. Georges se moqua de Barbara car elle avait fait pipi et caca dans sa culotte. Holly resta sur le seuil du bureau. Elle demanda à George s'il avait apporté l'argent. Ce n'était pas le cas. Holly comprit qu'il n'avait jamais eu l'intention de la payer. Elle avança d'une demi-douzaine de pas dans le couloir et s'arrêta à une quinzaine de mètres de George. George savait que Holly n'avait pas intention de lui remettre la clé USB et de le laisser partir. Il ne savait pas lire dans les pensées mais il était capable d'observer le langage corporel et les visages.

Il lui demanda de soulever sa chemise pour vérifier qu'elle n'était pas armée. Ensuite il lui demanda de remonter le bas de son pantalon et elle obéit. Il se moqua d'aide en disant qu'elle était moche. Il lui demanda si elle était déjà sortie avec un garçon au moins une fois dans sa vie. Elle ne répondit pas. Il lâcha le bras de Barbara qui tomba à quatre pattes devant les toilettes pour femmes. Holly entendit les sanglots essoufflés de Barbara. Le visage de George se transforma pour montrer un rictus sauvage qui laissait apparaître la véritable créature enfouie en lui. George avait un visage de renard. Ondowsky, un visage de cochon. Ce visage-là était celui d'un chacal. George donna un coup de pied dans le postérieur de Barbara et elle poussa un cri de douleur et de surprise. Il lui ordonna d'entrer dans les toilettes. George se voudrait charmeur et sur le visage d'Ondowsky, ça pourrait faire illusion. Pas sur celui de George. Il réclama la clé sous peine de tuer Barbara. Holly n'était pas dupe, dès qu'il aurait ce qui l'intéressait, personne ne s'en tirerait vivant. Alors elle lui dit qu'elle devrait peut-être retourner dans son bureau pour appeler la police mais George savait qu'elle n'en ferait rien. Alors Holly sortit son téléphone de sa poche pour lui montrer la photo du paquet. Il lui demanda d'approcher car il ne voyait pas assez bien. Malgré sa vigilance, Holly n'eut pas le temps de réagir. George la saisit par la taille. Le téléphone tomba par terre et George entraîna Holly vers l'ascenseur. La cabine monta. Mais l'ascenseur ne s'arrêta pas au quatrième étage. George en fut surpris et desserra l’étau de ses mains. Holly en profita pour se libérer et reculer. La porte de l'escalier s'ouvrit avec fracas et Jérôme apparut en titubant. Il tenait un balai à franges qu'il avait trouvé dans l'escalier. Il fonça droit sur George en hurlant : « où est Barbara ? ». George écarta Holly d'un revers du bras. Il s'empara du balai et l'arracha facilement des mains de Jérôme. Il le leva au-dessus de sa tête avec l'intention de frapper Jérôme mais Barbara sortit des toilettes en tenant devant elle la bombe de gaz lacrymogène qui se trouvait dans son sac. Elle aspergea le visage de George. Il hurla et plaqua ses mains sur ses yeux. L'ascenseur venait d'atteindre le septième étage et s'arrêta. Jérôme se jeta sur George. Holly se précipita sur Jérôme pour lui décocher un coup d'épaule dans le ventre et il se retrouva projeté contre sa soeur. L'alarme de l'ascenseur se déclencha. La porte de l'ascenseur s'ouvrit. Pas uniquement celle du quatrième, mais à tous les étages. Holly poussa à George des deux mains dans la cage. Son visage s'affaissa et entama une nouvelle métamorphose mais avant qu'il puisse redevenir Ondowsky, il plongea dans le puits sombre. Jérôme agrippa le dos de la chemise d'Holly pour l'empêcher d'accompagner le monstre dans sa chute. L'outsider disparut en hurlant et Holly éprouva alors une joie sauvage. La porte de l'ascenseur se referma. Jérôme, Holly et Barbara purent voir l'ascenseur passer devant le quatrième étage. Jérôme lui demanda si c'était Holly qui avait fait ça et elle acquiesça.

17

Jérôme s'agenouilla à côté de sa soeur à demi évanouie. Barbara demanda à Holly quel était ce monstre. Holly répondit que c'était personne. Il était parti dans la cage d'ascenseur. Barbara en fut soulagée. Jérôme avait eu le temps de reconnaître Ondowsky avant sa transformation. Holly lui expliqua que c'était lui qui avait fait sauter le collège mais que personne ne devait le savoir. Holly demanda à Barbara d'aller se changer et se laver dans les toilettes. Holly aperçut une légère entaille sur le sommet du crâne de Jérôme et une plaie beaucoup plus profonde en dessous. Holly se rendit compte que son plan serait tombé à l'eau si Jérôme avait pris l'ascenseur et lui demanda pourquoi il était monté par l'escalier. Jérôme répondit qu'il ne voulait pas que le monstre l'entende arriver. Barbara revint avec un paquet de vêtements propres dans les bras. Elle pleurait car elle avait vu le monstre se transformer alors Holly la serra contre elle. Puis elle partit se laver et se changer. Holly demanda à Jérôme s'il avait pisté son téléphone ou si c'était Barbara. Jérôme sourit en demandant que s'il promettait de ne plus jamais l'appeler Hollyberry, est-ce qu'il avait le droit de ne pas répondre à cette question.

18

Holly pensait que Barbara se remettrait de cet événement même si elle ferait des cauchemars. Holly devait veiller à ce que leurs récits concordent. Ensuite, elle devrait finir de réparer les dégâts qu'elle avait causés. Elle demanda à Jérôme et à Barbara d'expliquer que s'ils étaient venus ici c'est parce qu'elle n'était pas chez elle et qu’ils pensaient qu'elle était venue rattraper le travail en retard après avoir passé plusieurs jours chez sa mère. Ils devaient dire qu'ils étaient entrés par la petite porte, dans la ruelle. Et c'était là qu'ils avaient été agressés. Barbara devrait dire qu'elle avait repoussé Ondowsky en lui aspergeant le visage de gaz lacrymogène. Et que Jérôme s'était battu avec lui. Ondowsky s'était enfui pendant que Barbara et Jérôme étaient entrés dans le hall puis avaient appelé la police. Holly avait reprogrammé le sparadrap électronique de l'ascenseur. Elle avait rangé l’arme de Bill dans son sac à main. Mais elle n'avait pas réfléchi à la question que venait de lui poser Jérôme, pourquoi Barbara et lui étaient venus la voir. Barbara proposa de dire qu'ils étaient venus chercher Holly pour l'emmener faire des courses pour Noël. Mais ils n'avaient pas trouvé Holly car elle était partie faire ses courses à l'autre bout de la ville. Il fallait qu'ils se souviennent de cette version tous les deux. Holly conseilla à Jérôme d'appeler les urgences. Puis elle appela l'ascenseur. Elle découvrit un chapeau en fourrure sur le sol. Elle demanda à Barbara et Jérôme de répéter encore une fois leur version de l'histoire. Elle espérait que la police ne se soucierait pas de savoir où elle était.

19

Holly rendit au sous-sol de l'immeuble. Elle sortit le revolver de son sac et prit la clé de la trappe de l'ascenseur suspendu un crochet au mur. Elle ouvrit la trappe. Elle découvrit les vêtements que portait Ondowsky mais son corps avait disparu. Parmi le fouillis qu'encombrait l'établi d'Al, Holly trouva une lampe torche. Elle ne cherchait pas Ondowsky mais un certain type d’insectes exotiques. De dangereuses bestioles en quête d’un nouvel hôte. La vermine qui avait infesté Ondowsky lui avait peut-être survécu mais pas longtemps. Elle jeta les affaires d’Ondowsky dans un sac avec dégoût. Après, elle referma la porte de l'ascenseur en plaquant ses paumes sur les deux panneaux. Elle ferma à clé et attendit que Barbara, Jerome et les policiers soient partis. Elle emporta le sac de vêtements au rez-de-chaussée et sortit de l’immeuble. A peine Holly avait-elle démarré sa voiture, qu’elle reçut un appel de Jerome qui lui annonça que lui et Barbara avaient été victimes d’une agression au moment où ils allaient entrer dans l’immeuble par la ruelle. Ils étaient à l’hôpital. Elle répondit que c’était affreux et qu’il aurait dû l’appeler plus tôt mais il ne voulait pas l’inquiéter fin car ils allaient bien tous les deux et le type n’avait rien volé. Holly déposa le sac contenant les vêtements dans une poubelle sur le chemin de l’hôpital.

Le 22 décembre 2020

Holly dut faire une déposition au cabinet McIntyre & Curtis. En un quart d’heure, ce fut terminé. Elle ralluma son téléphone et découvrit qu’elle avait manqué un appel de Dan. Quand elle rappela, c'est Brad qui répondit. Dan avait fait une crise cardiaque. Il était à l'hôpital. Brad pensait que son grand-père ne s'en sortirait pas. Dan voulait savoir comment ça s'était passé et ce qui était arrivé au journaliste. À cette chose. Brad vous voulait annoncer une bonne nouvelle à son grand-père pour l'aider à partir. Alors Holly lui dit que la chose était morte. Elle en était sûre. Brad voulu savoir si Dan l'avait aidée. Elle répondit qu'elle n'aurait pas réussi sans eux. Elle demanda à Brad de remercier son grand-père. Il lui demanda si elle pensait qu'il en existait d'autres comme ça. Quand elle était revenue du Texas, elle aurait répondu non. Aujourd'hui, elle ne pouvait plus être aussi catégorique. Mais elle ne voulait pas décevoir le vieil homme qui avait fait le guet pendant des décennies car il méritait de partir avec une victoire à son actif alors elle dit qu'il ne devait pas y avoir d'autres monstres. Brad lui souhaita un joyeux Noël. Elle le remercia.

Au lieu de prendre l'ascenseur, elle descendit par l'escalier.

25 décembre 2020

1

le matin de Noël, Holly passa une demi-heure à parler avec sa mère au téléphone. Charlotte lui reprocha de l'avoir laissée seule à Noël. Holly promit à sa mère qu'elle viendrait la voir et qu’elles rendraient visite ensemble à l'oncle Henry. Elle lui dit qu'elle l'aimait et sa mère lui répondit qu'elle aussi elle l'aimait. Elle souhaite un joyeux Noël à sa fille. Ensuite, Holly passa la journée en compagnie de la famille Robinson. Holly offrit à M. et Mme Robinson des bons d'achat pour du vin et des livres. Elle offrit une journée au spa à Barbara et des écouteurs sans fil pour Jérôme.

Elle reçut une carte cadeau de 300 $ pour le multiplex AMC près de chez elle et un abonnement d'un an à Netflix. À l'instar de nombreux cinéphiles, Holly était partagée au sujet de Netflix et elle demeurait convaincue que les films devaient d'abord être vus sur grand écran. Néanmoins elle était cruellement tentée par Netflix. Chez les Robinson l'égalité des sexes régnait habituellement mais le jour de Noël les femmes cuisinaient pendant que les hommes regardaient le basket à la télé. Tout le monde se donna la main au moment du repas. Ils remercièrent Dieu pour ce repas. Tanya remercia Dieu d'avoir protégé ses deux enfants qui avaient été attaqués par un homme. M. Robinson demanda à chacun de se montrer reconnaissant et Holly dit qu'elle se réjouissait d'être avec les Robinson.

2

Holly proposa à Barbara une promenade. Mme Robinson leur demanda de rentrer pour 19:00 car elle voulait regarder Un conte de Noël. Quand elles atteignirent le pied de la colline, Barbara demanda à Holly pourquoi elle voulait sortir. Holly voulait savoir comment Barbara allait. Barbara répondit que ce n'était pas si terrible la transformation du monstre. Ce qui lui avait fait peur c'était que ses parents auraient pu se retrouver seuls à Noël.

Holly étreignit son amie sous la neige.

3

Holly tendit une carte à Barbara. C'était celle du Dr Morton. Elle lui dit qu'elle avait déjà consulté ce thérapeute à son retour du Texas, le temps de lui raconter son histoire. Barbara voulut savoir de quelle histoire il s'agissait. Holly lui dit qu'elle lui en parlerait peut-être un jour. Barbara la remercia et l'étreignit. Holly l'étreignit à son tour de toutes ses forces.

4

Lors du voyage de retour, Holly ne se souvint pas d'avoir passé un meilleur Noël. Avant de se coucher, elle envoya un message à Ralph Anderson. Elle lui écrivit qu'elle avait vécu une sacrée aventure mais que tout allait bien. Elle espérait qu'il avait passé un joyeux Noël en famille. Après quoi, elle récita ses prières et se coucha.

15 février 2021

Le déclin mental de l'oncle Henry s'accéléra. Jérôme était venu accompagner Charlotte et sa fille. Jérôme avait fini par séduire Charlotte ce qui était un exploit. Holly serra la main de son oncle en espérant une réaction. En vain. Elle se dit que cet homme n'était plus son oncle et qu'il avait été remplacé par une marionnette géante. À la télévision, John Law apparut et l'oncle Henry dit qu'il adorait ce type de sa voix éraillée. Holly lui répondit qu'elle aussi et elle passa son bras autour des épaules du vieil homme. Il lui dit : « Hello, Holly ».

Rat

D'habitude, les idées de Drew Larson lui venaient quand elles lui venaient, ce qui arrivait de plus en plus rarement. Sa nouvelle « Crevaison » l’avait fait peiner pendant plus de trois mois et elle avait été publiée, après une demie douzaine de refus de la part de magazines plus importants, dans le Prairie Schooner. « Grouille-toi, Jack », avait été publiée dans The New Yorker quand il était étudiant à l'université de Boston. Cela faisait 20 ans. Cela faisait trois ans que sa dernière nouvelle, Crevaison, avait été éditée. Entre ces deux nouvelles, il avait réussi à en écrire quatre autres. Il n'avait aucun roman à son actif. Il avait déjà essayé plusieurs fois. Cette idée revint. Lucy lui avait demandé d'aller chercher des sandwiches pour le déjeuner. Il avait décidé de faire le trajet à pied. Plus tard, il se demanda si sa vie aurait été différente s’il avait fait le chemin avec la Volvo. Peut-être n'aurait-il jamais eu l'idée de ce roman. Peut-être ne se serait-il pas rendu au chalet de son père et sans doute n'aurait-il jamais vu le rat. Pendant le trajet, une idée de roman western traversa son esprit. Quand il rentra chez lui, Lucy le regarda et remarqua qu'il venait d'avoir une idée. Drew reconnu que c'était peut-être la meilleure idée qu'il avait jamais eue. Il lui avoua que c'était une idée de roman. Elle en fut surprise. Sa dernière tentative s'était soldée par un incendie de leur maison. Il avait voulu brûler son brouillon. Après quoi, il s'était retrouvé en dépression. Il avait suivi des séances de thérapie. Il demanda si le chalet de son père avait été loué et sa femme le regarda affolée. Cela faisait deux ans que le chalet n'avait pas été loué. Depuis la mort du gardien Bill Colson qui avait travaillé pour les parents et les grands-parents de Drew. Alors il envisagea d'occuper le chalet le temps de rédiger son roman. Il promit de ne rédiger que les 40 premières pages du roman et de revenir à la maison après. Sa femme lui demanda d'y réfléchir.

2

Drew rendit visite à son ancien directeur de département. Al Stamper avait pris sa retraite et avait été remplacé par la méchante sorcière Arlene Upton. Nadine Stamper parue aussi inquiète que Lucy lorsque Drew lui confia son projet de monter jusqu'au camp pour une durée d'un mois. Al avait perdu une quinzaine de kilos. Il avait le cancer du pancréas et les médecins lui avaient dit qu'ils étaient confiants. Drew lui confia qu'il voulait s'essayer, de nouveau, à l'écriture d'un roman. Cette fois, il était certain d'aller au bout. Son ami lui répondit qu'il avait dit la même chose à propos du Village sur la colline. Drew fut surpris de ce reproche. Al lui répondit qu'il était un excellent professeur et qu'il avait écrit plusieurs bonnes nouvelles. « Grouille-toi, Jack » figurait dans le recueil des Best American short. Un grand nombre de bons écrivains n'avait produit que des nouvelles. Drew se défendit en disant que tous ces écrivains avaient écrit beaucoup plus qu'une demi-douzaine de nouvelles. Al voulait que son ami lui en dise plus mais Drew refusa. Il lui dit que sa belle-soeur allait venir aider Lucy à s'occuper des enfants. Drew refusa de se dire qu'il voyait la mort approcher dans les yeux de son ami mais c'était peut-être le cas. Al lui demanda pourquoi c'était si important pour lui.

3

Ce soir-là, après l'amour, Lucie lui demanda s'il était vraiment obligé de partir. Il répondit que c'était peut-être sa dernière chance. Alors elle accepta même si ça lui faisait un peu peur. Elle espérait que son roman ce n'était pas une histoire de professeurs qui baisaient leurs collègues et qui buvaient trop. Pas comme dans le Village sur la colline, autrement dit. Elle lui demanda, malgré tout, d'attendre encore une semaine avant de partir. Mais il ne voulait pas attendre. Je lui posais une question qu'elle ne lui avait jamais posée jusqu'à présent. Pourquoi ce roman était si important pour lui. Il répondit que ce n'était pas pour le prestige et que si son roman finissait dans un tiroir ça lui irait très bien.

Il fallait qu'il termine. C'était tout. Le projet restait coincé dans son cerveau comme la tomate cerise était restée coincée dans la gorge de leur fils Brandon jusqu'à ce que Drew pratique la manoeuvre de Heimlich pour le sauver. Lui aussi, il manquait d'air et il fallait qu'il termine. Il finit par s'endormir et il rêva d'un shérif boiteux. D'un fils bon à rien enfermé dans une prison miteuse et d'hommes armés postés sur les toits. Il rêva de Bitter River, dans le Wyoming.

4

Une semaine plus tard, par une chaude matinée d'octobre, Drew chargea trois cartons de provisions à l'arrière de sa voiture avec un sac de vêtements et d'affaires de toilette. Il emporta également son ordinateur et une vieille machine à écrire, au cas où, Lucy lui conseilla de faire attention car il se trouverait dans une région isolée. Il embrassa ses enfants. Son fils lui demanda de rapporter un gros livre. Lucy lui demanda d'appeler tous les jours avant 17:00. Elle avait vérifié que la ligne fonctionnait et elle avait entendu la voix de son beau-père mort depuis 10 ans. Elle demanda à Drew d'enregistrer un nouveau message sur le répondeur. Elle lui demanda de rentrer à la maison s'il ne trouvait plus les mots. Il promit et l'embrassa. Elle lui demanda s'il avait pensé à apporter des feuilles. Il lui répondit qu'il avait pris deux rames de papier. Alors Lucy lui demanda de leur rapporter un gros livre.

5

Drew avait conscience de laisser sa vraie vie derrière lui. Il pensait revenir trois semaines plus tard. Ce qui l'attendait, c'était une autre vie, qu'il bâtirait grâce à son imagination. Il pensa à l'histoire de son roman : un shérif boiteux et ses trois adjoints terrorisés devaient protéger un jeune homme qui avait tué une femme encore plus jeune que lui, de sang-froid, devant au moins 40 témoins.

Il était persuadé que cette fois tout finirait bien. Il alluma la radio et se mit à chanter avec les Who.

6

En fin d'après-midi, Drew se gara devant l'unique commerce pour faire le plein. Il serra la main du commerçant qui s'appelait Roy DeWitt. Le commerçant se souvenait de lui même si cela faisait longtemps que Drew n'était pas venu. Ils évoquèrent le gardien du chalet, Bill. Il s'était suicidé car il commençait à avoir Alzheimer. Roy ajouta que Bill s'était tiré une balle dans la tête dans le jardin du chalet de Drew. Dans l'esprit de Drew un changement se produisit. Au lieu d'appuyer son pistolet contre la tempe de la fille, dans le saloon, Andy Prescott enfonçait le canon sous son menton maintenant. Il avait conscience de récupérer le suicide de Bill par opportunisme mais c'était trop bien.

7

A 8 km du chemin dénommé Shithouse Road, la route goudronnée s'arrêtait. Drew dut s'arrêter pour dégager le chemin encombré par des arbres tombés en travers. Il compta le nombre de poteaux électriques comme quand il était gamin avec son frère. Il y en avait 66. Il atteignit enfin le chalet qui avait un air désolé et abandonné. La peinture verte des murs s'écaillait maintenant que Bill n'était plus là pour l'entretenir. Un jeune élan se trouva devant Drew puis la mère de l'élan arriva. Drew resta immobile pour ne pas être attaqué par la mère du jeune élan. Finalement, la mère et le jeune élan s'en allèrent. Drew laissa échapper un long soupir de soulagement.

8

Il entra dans le chalet. Tout était impeccable. Peut-être que Bill avait fait un dernier rangement le jour où il s'était suicidé. À l'étage, il y avait une sorte de galerie bordée d'étagères comportant essentiellement des livres de poche que Lucy appelait des lectures pour jour pluvieux dans la cambrousse. Il ne se souvenait plus pourquoi lui et sa famille avaient cessé de venir dans ce chalet. Peut-être lorsque Stacey s'était plainte du manque d'intimité ? Ou bien lorsqu'ils étaient devenus trop occupés pour séjourner ici plusieurs semaines en été ? Le répondeur fonctionnait encore. Lucy avait laissé un message. Il décrocha le vieux combiné et appela sa femme. Il lui dit qu'il était arrivé sans problème. Puis il parla avec sa fille qui venait de rentrer de l'école et après Lucy lui demanda de changer le message du répondeur car il lui flanquait la chair de poule avec la voix de son beau-père décédé. Drew annonça à sa femme que Bill s'était suicidé devant leur chalet. Il fut choqué par son éclat de rire.

9

Drew déchargea ses affaires et ses provisions. Il n'avait pas apporté d'alcool. Il se récompenserait peut-être en s'offrant un pack de bières la prochaine fois qu'il irait faire des courses si son roman progressait. Puis il alluma la télé. Elle fonctionnait. Il éteignit car il ne voulait pas s'encombrer l'esprit avec Trump, le terrorisme ou les impôts. Il mangea des spaghettis. Il repensa à la conférence de Jonathan Franzen sur le métier de romancier. Il avait raison, le moment qui précédait l'écriture d'un roman était un moment agréable. Mais dès que l'écriture débutait chaque mot réduisait un peu plus les options.

10

Drew écouta deux fois le message enregistré par son père. Il s'en voulut d'effacer sa voix mais il n'avait pas de cassettes de rechange et les ordres de Lucy étaient formels. Il enregistra qu'une annonce concise et efficace. Il sortit pour admirer les étoiles. Il se sentit très seul et minuscule. À côté de la cheminée il y avait une caisse de petit-bois et une caisse de vieux jouets. Drew n'aimait pas la toupie avec les singes qui donnaient l'impression d'agiter leurs gants pour appeler au secours et la musique avait des accents sinistres. Il était 20:15. Il appela Lucie et lui parla des joints qu'il avait trouvés. Certains de ces jouets avaient été apportés par une famille qui avait loué le chalet. Puis il parla à son fils. Il se coucha à 22:00 en songeant à Bill qui s'était suicidé dans le jardin.

11

Le lendemain matin, Drew se leva tôt et téléphona à sa femme qui s'apprêtait à conduire les enfants à l'école. Puis il descendit jusqu'au ruisseau. Il savoura la beauté du monde. Chaque semestre, il dispensait un cours sur les littératures états-uniennes et britanniques contemporaines et il assurait principalement des stages d'écriture. À chaque début de séminaires, il commençait par évoquer le processus créatif. Il fallait avoir un rituel quand on s'apprêtait à se mettre au travail chaque matin. Selon lui, écrire de la fiction pouvait être rapproché de l'hypnose. De retour au chalet, il se fit du café. Il alluma son ordinateur et créa un nouveau document. Par superstition, il décida de changer de police de caractère ne voulant pas reprendre celle de sa dernière tentative de roman. Il choisit American Typewritter. Il cliqua sur « sauvegarde automatique » en cas de coupure de courant. Puis il commença le premier chapitre.

12

Dans sa tête, une porte s'ouvrit sur la Taverne de la tête de bison enfumée qui empestait le pétrole des lampes et il entra. Il voyait la scène à travers les yeux de Herkimer Belasco, le pianiste, au moment où le jeune Prescott appuyait le canon de son Colt sous le menton de la jeune danseuse. Drew n'avait jamais connu une telle expérience d'écriture et il ne s'arrêta de taper qu'à 14:00. Il avait mal au dos et les yeux brûlants. Mais il éprouvait une sorte d'ivresse. Il avait écrit 18 pages. Il avait l'impression d'écrire comme sous la dictée et il se leva pour ce faire un sandwich.

13

Les trois jours suivants, il adopta un emploi du temps réglé comme du papier à musique. Il écrivait de 7:30 jusqu'à 14:00. Après quoi, il déjeunait. Puis il faisait une sieste où allait se promener sur la route en comptant les poteaux électriques. Le soir, il réchauffait le contenu d'une boîte de conserve et il téléphonait à sa femme et à ses enfants. Enfin, il corrigeait les pages de la journée et lisait un livre de poche dans la bibliothèque du haut. Après quoi, il sortait pour contempler les étoiles. Chacune de ces journées ressemblait à Noël avec de nouveaux cadeaux à déballer. Le troisième jour, il remarqua à peine qu'il éternuait beaucoup et qu'il avait la gorge un peu irritée. Sa femme lui conseilla d'aller acheter des produits frais au marché de saint Christopher mais il n'avait aucune intention d'effectuer un trajet de 130 km aller-retour pour rentrer à la tombée de la nuit. Il mentit en disant qu'il irait. Cela ne lui était pas arrivé depuis le moment où il avait écrit Le Village. Le soir, en se couchant, il se dit que ça n'avait pas d'importance et que c'était un petit mensonge innocent. Il éternua deux fois avant de s'endormir.

14

Le quatrième jour, il se réveilla avec le nez bouché et un léger mal de gorge. Mais il ne voulait pas lever le pied car l'histoire aurait pu s'effacer comme les rêves au réveil. Il écrivit encore 18 pages. Il quittait Bitter River à regret. Mais il dut faire des courses. Son mal de gorge avait empiré alors il s'acheta des médicaments. DeWitt avait été remplacé par une jeune femme maigrichonne aux cheveux violets. Il ne trouva pas le médicament qu'il cherchait et prit autre chose à la place. La fille avait un clou planté dans la lèvre. Cela fascina Drew. Il en avait acheté pour 187 $. Il fut surpris. Il demanda où était Roy. La fille lui dit qu'il était à l'hôpital car il avait attrapé la grippe. Drew se rappela avoir serré la main de Roy. Elle lui dit qu’une tempête allait arriver du Nord. Elle lui conseilla de prendre ses provisions, ses bagages et de repartir dans le Sud. Il répondit que ça irait mais elle précisa qu'il risquait de se retrouver coincé dans son chalet.

15

Sur le trajet du retour, Drew broyait du noir en pensant à Roy qui l'avait probablement contaminé. Lucy lui avait laissé un message. Ils se disputèrent. Cela n'était plus arrivé depuis Le Village sur la colline. Elle avait entendu parler de la tempête et exigea qu'il rentre à la maison. Il refusa. Elle avait peur qu'il lui arrive quelque chose. Il lui reprocha de vouloir abandonner son roman. Il set mis à tousser et elle lui demanda s'il allait bien. Il mentit en disant qu'il n'avait qu'une allergie. Elle lui demanda d'envisager au moins de revenir et il accepta. C'était encore un mensonge. En cet après-midi de début octobre, il était certain que sa femme ne le portait pas dans son coeur.

16

Le remède du Dr King contre la toux et le rhume était composé à 26 % d'alcool et cela eut pour effet de dégager les sinus de Drew. Il mentit encore le soir en disant à sa femme et à ses enfants qu'il avait une simple allergie. Mais cette fois il n'y eut pas de dispute. Il se coucha en espérant que son rhume serait passé le lendemain. Le lendemain matin, ses membre étaient courbaturés. Il maudit Roy DeWitt.

17

La fièvre semblait avoir baissé. Le sirop du Dr King et la poudre Goody contre les migraines avaient permis d'atténuer les autres symptômes. Il n'écrivit que 10 pages au lieu de 18. Il mit cela sur le compte de l'infection. L'histoire devenait palpitante. Le shérif avait envoyé le meurtrier derrière les barreaux mais les bandits armés avaient débarqué à bord d'un train de nuit affrété par le père d'Andy Prescott. Les bandits faisaient le siège de la ville. Au lieu d'aller se promener, l'après-midi fut consacrée à la télévision. Il se demanda pourquoi il avait serré la main de Roy. Cela lui rappela sa dernière tentative pour écrire un roman. Il regarda la chaîne météo qui annonçait la tempête. On annonçait que les températures allaient dégringoler. Drew envisagea de rentrer finalement. Mais il était fiévreux et la perspective d'affronter Shithouse Road l'épuisait par avance. Il tenta de faire la sieste mais en vain. Sa femme lui téléphona et exigea qu'il rentre à la maison. Mais il refusa et elle le traita d'imbécile. Elle lui raccrocha au nez. Ça n'était jamais arrivé.

18

Le lendemain matin, Drew alluma la télé pour regarder la météo. Il espérait que la tempête avait changé de cap mais ce ne serait pas le cas. Son état de santé ne s'était pas amélioré et il téléphona à Lucy. Il tomba sur sa boîte vocale. Elle était furieuse mais ça lui passerait car personne ne détruisait 15 ans de mariage à cause d'une tempête. Il ne réussit à manger que la moitié de ses oeufs brouillés avant que son estomac l'avertisse que s'il continuait, cela risquait de provoquer un rejet violent. Il reprit son roman mais ne réussit à écrire que pendant une heure. Il avait imaginé placer des rocking-chairs devant la prison de Bitter River pour que le shérif et ses adjoints s'installent à l'extérieur à la vue des habitants et des hommes de main de Dick Prescott. Il se rendit compte que cela ne connaît pas avec le concept de maintien de l'ordre et que cela risquait de faire rire les lecteurs. Il voulut corriger son texte mais il éternua sur son écran. Il songea à remplacer les rocking-chairs par un banc. Drew avala une gorgée du sirop du Dr King.

Drew retourna s'asseoir devant son ordinateur. Persévérer avait tout d'une mauvaise idée, mais ne pas persévérer lui paraissait encore pire. Cela ressemblait à sa dernière tentative. Il avait l'impression de ne plus avoir de mots. Il arrêta de travailler à 13:00. Il n'avait écrit que deux pages. Il savait que s'il rentrait chez lui, quand il se sentirait mieux, il voudrait ouvrir le fichier de son roman et il lirait un texte lui semblant avoir été écrit par quelqu'un d'autre. Partir maintenant, ce serait comme jeter un cadeau précieux qu'on ne lui offrirait plus jamais. Alors il avala une autre gorgée de l'Elixir magique du Dr King et partit dormir. À son réveil, la pluie et le vent étaient arrivés. Il téléphona pendant qu'il le pouvait encore.

19

Il téléphona à sa femme et lui dit qu'il était désolé de s'être énervé. Elle se rendit compte qu'il était malade. Il se sentait mal an. Mais il ne voulait pas l'avouer car sa femme risquait d'appeler la police pour qu'une opération de sauvetage soit organisée. Alors elle lui conseilla de se calfeutrer et de la rappeler le soir si le téléphone fonctionne encore. Il promit de rentrer à la première accalmie. Elle lui demanda si son roman avançait et il acquiesça. Tout à coup, le courant fut coupé ainsi que la ligne téléphonique. Drew était livré à lui-même.

20

Drew se rendit à la cabane avec difficulté à cause de la tempête. Il vit que la tronçonneuse de son père paraissait inutilisable. Mais il trouva une lampe à pétrole. Il était trempé alors il rentra. Il fut saisi par une quinte de toux au point de frôler l'évanouissement. La fièvre était plus forte que jamais. Il réussit à allumer la lampe et ouvrit l'unique placard du chalet à la recherche d'une lampe torche. Il n'y en avait pas. Il chargea le poêle et l'alluma. Il éteignit la lampe Coleman. Il voulut enlever sans tarder sa chemise et son pantalon mouillés mais il s'endormit.

21

Il fut réveillé par un violent craquement au-dehors. Un arbre venait de tomber. La pluie s'était transformée en neige fondue. Drew se leva en grimaçant à cause des douleurs. Il vérifia que sa voiture était toujours en bon état. L'arbre l'avait épargnée. Il alluma la lampe à pétrole. Il entendit un grattement contre la porte. Alors Drew ouvrit la porte. Il n'y avait personne. Il baissa les yeux et découvrit un rat. Drew savait que les rongeurs étaient porteurs de maladies. Il se baissa pour regarder le rat. Il était blessé. Drew alla chercher une pelle pour achever le rat. Mais il n'eut pas le courage. Il éteignit la lampe et déposa le rat tout près du poêle. Puis Drew s'endormit.

22

Il se réveilla en sursaut lorsqu'une autre branche s'abattit sur le toit. Le rat n'était plus devant le poêle. Il était assis sur le manuscrit de Bitter River. Le rat se mit à parler à Drew. Il lui dit que sa fièvre avait baissé. Drew vérifia et c'était vrai. Drew alluma la lampe et demanda au rat de se pousser de son manuscrit. Le rat lui répondit qu'il savait que Drew avait commencé à dérailler comme les fois n'avons. Il ajouta que des millions de romans inachevés traînaient dans des tiroirs. Le rat lui expliqua qu'il avait perdu sa perception sélective. Il fallait toujours des plages prolongées de concentration narrative. L'écrivain devait choisir entre au moins sept mots, expressions et détails. Drew se rendit compte que ce qu'il entendait était un extrait de la conférence de Franzen. Le rat lui expliqua qu'il était incapable de faire le tri et de choisir les mots justes. Le rat proposa à Drew de l'aider. Mais il y avait une condition. Une personne chère à Drew devrait mourir. Drew répondit que même en rêve, il n’échangerait pas sa femme ou un de ses enfants contre un western sans prétention littéraire. Le rat répondit qu'il pensait à Al Stamper. Drew pensa à son collègue qui avait 72 ans et un cancer. Alors il accepta la proposition.

23

Drew se réveilla dans son lit sans savoir comment il y avait atterri. La journée précédente lui apparaissait comme un rêve dont le souvenir le plus marquant était sa conversation avec le rat. Il se sentait mieux. Il s'habilla et se fit à manger. Après quoi, il se remit au lit et dormit jusqu'au milieu de l'après-midi. Après quoi, il se sentit requinqué. Il descendit l'escalier et remarqua que la caisse à jouets avait été renversée. Il commença à ranger et se figea en découvrant un rat en peluche qui gisait sur le flanc. Peut-être avait-il vu ce rat en peluche au plus fort de la fièvre ce qui avait provoqué ce rêve. Après avoir rangé les jouets, il but une tasse de thé et se remit au travail. Il écrivit neuf pages sacrément bonnes.

24

Drew continua d'écrire en pensant relativement peu à sa femme et à ses enfants. C'était égoïste et il le savait mais il s'en fichait. Il vivait à Bitter River, désormais.

Il écrivait sur la vieille machine de son père à présent. À présent, c'était son roman qui le portait.

25

Le beau temps était revenu. Drew sortit. Elle mit la tronçonneuse à l'arrière de sa voiture et partit sur Shithouse Road. Au bout de deux kilomètres, un arbre était couché en travers de la route. Drew en vint à bout rapidement. Le fils de Bill arriva. Drew lui serra la main. Il lui demanda qu'est-ce qui l'avait poussé à venir jusqu'ici. Il répondit que c'était Lucy qui avait appelé sa mère. Jackie avait reçu un appel de sa mère et était donc venu. Il annonça à Drew que Roy était mort.

26

Sur la devanture de la supérette était écrit : « fermé pour cause d'entairement ». Une photo montrait Roy DeWitt à côté d'une piscine gonflable tenant une canette de bière à la main. Drew était à la fois triste et amusé en regardant la photo. Il utilisa le téléphone de la supérette pour appeler Lucy. Il annonça qu'il allait rentrer. Elle demanda s'il avait bien travaillé. Il répondit qu'il était content de lui. Il lui dit qu'il l'aimait et elle répondit après un silence et un soupir qu'elle aussi l'aimait. Il raccrocha et prit la route. Il espérait rentrer chez lui avant 23:00 pour se remettre au travail dès le lendemain matin.

27

Il rentra chez lui après 23:30. Sa femme ne dormait pas. Elle le prit entre ses bras. Il se demanda si le rat l'avait suivi. Puis il s'endormit.

28

Brandon était impressionné par l'état de la voiture de son père. Elle était couverte de boue. Il répondit qu'il comptait la faire laver. Il demanda à Lucy si elle avait des nouvelles d'Al Stamper. Elle n'en avait pas et lui conseilla d'appeler directement. Mais Drew voulait travailler.

29

Après avoir pris le petit déjeuner avec Lucy, Drew continua son roman. Il travailla jusqu'à midi et appela Al. Il lui annonça avoir écrit 90 pages avant que la tempête débarque. Al fut impressionné. Il lui dit qu'il allait bien. Il devait affronter ce qu'il appelait des rongeurs ce qui fit sursauter Drew. En réalité, Al voulait parler des rongeurs qui le démangeaient. Il voulait lire le livre de Drew dès qu'il serait fini. Drew lui répondit qu'il serait premier sur la liste après Lucy. Tout allait bien, à l'exception de ce foutu rongeur. Drew s'aperçut qu'il était capable d'en rire.

30

Drew s'aperçut à peine que le mois de novembre fut froid et neigeux. Il termina son roman. Mais on ne savait pas si le père de Prescott se vengeait en tuant le shérif. Il avait écrit 300 pages. Il enfouit son visage dans ses mains.

31

Lucy termina le roman deux soirs plus tard. Elle le trouva fantastique. Mais elle pensait qu'un éditeur obligerait Drew à fournir la réponse sur le meurtre du shérif à la fin. Elle lui dit qu'elle avait eu tort d'être en colère parce qu'il ne voulait pas rentrer malgré la tempête. Elle lui dit qu'il avait bien fait de rester là-bas. Drew crut qu'elle avait dit « là-rat ».

32

Trois jours plus tard, Al trouva le roman très bon. Il pensait que la plupart des gens liraient ce livre uniquement pour sa puissance narrative. Al se sentait très bien. Il devait encore passer des examens toutes les trois semaines mais il ne lui restait plus qu'une séance de chimio. Une fois encore, Drew crut entendre le mot » rat » dans la bouche d’Al. Il comprit qu'une partie de son esprit ne cesserait d'entendre ce mot, de temps en temps. Le rat et son pacte n'étaient qu'un rêve ou une peluche.

33

L'agent de Drew fut ravie d'apprendre qu'il avait écrit un roman. Toutefois, elle crut bon de l'avertir que le marché tournait au ralenti sauf s'il s'agissait d'un livre sur Trump. Après l'avoir lu, elle le trouva fantastique. Toutefois elle voulait savoir si Jim Averill était tué à la fin.

34

Il y eut des enchères autour de Bitter River. Trois des cinq plus gros éditeurs de New York voulaient le roman de Drew. Putnam l’emporta. Drew reçut 350 000 $ d'avance. Lucy déboucha une bouteille de Dom Perignon. Il était 15:00 et, à ce moment-là, ils avaient encore le coeur à faire la fête. À 16:00, Kelly Fontaine, la secrétaire administrative du département d'anglais annonça qu'Al et sa femme Nadine étaient morts. Ils avaient eu un accident de voiture à 1 km du centre médical. Drew se précipita dans la cuisine pour vomir le champagne dans l'évier. Lucy le rejoignit. Il lui annonça qu'il n'y aurait pas d'autres romans.

35

Drew assista aux obsèques de son collègue quatre jours après l'accident. Le frère d'Al lui demanda de dire un discours mais Drew refusa. Il avait peur que sa bouche laisse échapper le mot « rat ».

À mesure que la cérémonie se déroulait, Drew comprit qu'il avait été stupide. Il savait ou se trouvait le rat. À des kilomètres d'ici.

36

Au mois d'août, Lucy emmena les enfants une quinzaine de jours sur la côte avec ses parents et la famille de sa soeur. Drew décida d'aller au chalet. Jack Colson et sa mère avaient déblayé les restes de la cabane et nettoyé le chalet. Il envisageait de vendre le chalet.

37

Il retrouva la fille maigrichonne à la supérette. Cette fois, elle était blonde. Il présenta ses condoléances pour Roy. Elle répondit que son père aurait dû aller chez le médecin et que cela devait servir de leçon à Drew. Drew acheta du pain, de la charcuterie et de la bière.

38

La cabane à outils avait totalement disparu et Jack avait semé du gazon et planté des fleurs devant le chalet. Le chalet était bien rangé et propre. Drew retrouva sa montre qu'il avait laissée. La caisse à jouets était toujours à côté de la cheminée. Mais Drew retrouva le rat en peluche sous la cheminée. Drew l'aspergea d'essence et y mit le feu. Puis il mit les cendres dans un sac-poubelle qu'il jeta dans le ruisseau. Le soir, il but de la bière et lut un roman. La bière le fit sombrer rapidement dans le sommeil.

39

Il se réveilla au beau milieu de la nuit. Le rat était assis sur sa poitrine et le regardait fixement. Drew lui demanda de partir. Mais le rat répondit qu'il était revenu parce que Drew était venu le chercher. Drew lui demanda pourquoi il avait tué Al et sa femme. Le rat répondit que c'était son souhait. Drew rappela que le pacte ne devait concerner qu’Al. Le rat rétorqua que Nadine n'avait jamais été exclue de leur arrangement. Drew reconnut que le roman était la seule chose qu’il désirait mais elle le rat l’avait gâchée. Il voulut le tuer mais le rat détala sur le plancher. Le rat prétendit avoir terminé le roman. Puis il disparut. Le lendemain, Drew se dit qu'il avait rêvé.

Il rentra chez lui et monta dans son bureau. Il ouvrit la chemise qui contenait le manuscrit corrigé et s'apprêta à se mettre au travail. Il ne devait pas oublier qu'il avait survécu. Il aimerait sa femme et ses enfants de son mieux. Il rejoindrait joyeusement les rangs des auteurs d'un seul roman. Franchement, quand on y réfléchissait, un tien valait mieux que deux tu l'aurat.