Cette semaine, l'actualité nous offre la première avancée concrète de l'américaine Ally dans sa stratégie vieille de 7 ans visant à offrir à ses clients des expériences et non plus des produits. Malheureusement, la lenteur n'est pas le plus grave problème de la démarche : comme dans d'autres banques, sa nature même semble partir à la dérive.
Fondée initialement autour du seul crédit automobile (par General Motors), l'établissement s'est enrichi de multiples autres branches d'activité au fil des années, généralement par le biais d'acquisitions, sans aucun souci d'intégration en profondeur. Dans ces conditions, il n'est évidemment guère surprenant que la matérialisation de sa prise de conscience soudaine, aux alentours de 2016, de l'impératif de consolider l'ensemble et de présenter un front uni et cohérent à ses clients prenne beaucoup de temps.
Cependant, l'annonce partagée tout récemment fait l'effet d'un pas de fourmi dans une trajectoire extrêmement ambitieuse. Ainsi, à la fin de cette année 2023, les utilisateurs des services en ligne d'Ally devraient bénéficier d'un dispositif de connexion unique (SSO pour son acronyme anglais) au travers de l'ensemble de ses métiers, de la banque du quotidien à l'investissement, en passant par les crédits et l'épargne. Les intéressés apprécieront certainement mais l'évolution ne bouleversera pas leurs habitudes !
Toutefois, le plus embarrassant dans l'affaire réside dans les objectifs visés par l'institution grâce à ce projet. En permettant à ses clients de rassembler la totalité de leurs relations existantes sous une seule ombrelle (et un seul identifiant), elle va pouvoir également fédérer toutes les informations qu'elle possède sur eux. À l'ère de l'intelligence artificielle, on imagine bien le potentiel que représente cette perspective, en particulier dans le respect de la promesse mise en avant d'agir dans l'intérêt du client.
Malheureusement, une telle vision induit automatiquement un terrible phénomène de dissonance cognitive commun à la plupart des banquiers traditionnels : s'il est question d'exploiter les données détenues afin de personnaliser les interactions, il est aussitôt précisé que cette faculté sera extraordinairement puissante pour le développement des ventes croisées. Je ne crois vraiment pas qu'un objectif formulé de la sorte représente une référence recommandable en matière de primauté de l'expérience sur le produit.
L'impression que donne la communication d'Ally, et beaucoup de ses consœurs dans le monde entier lui ressemblent sur ce point, est de ne pas comprendre ce qu'est véritablement l'intérêt de son client. Sa page d'accueil en fournit d'ailleurs un autre exemple frappant, en listant les trois critères qui, selon elle, le satisfont : un taux d'intérêt élevé sur les dépôts, l'assurance fédérale et la disponibilité du centre de service 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Où est l'accompagnement ? Le conseil ? La proactivité ?