Il y a quelques mois, je vous parlais de mon apprentissage de la Spencerian et de l'écriture cursive américaine. Je vous avais promis un article dédié à cette écriture, le voici enfin ! Préparez-vous à plonger dans l'histoire, au cœur de la révolution industrielle et du développement des affaires !
La Spencerian, une écriture dans son temps
Au cœur de la révolution industrielle
Au début du XIXème siècle, l'écriture enseignée aux Etats-Unis et en Europe était principalement issue de l'Anglaise (ou Copperplate). Avec l'essor de l'industrie et du commerce, les besoins d'écriture pour les affaires se développèrent. Dans les banques, les sociétés de courtage, les assurances, les postes et les industries, la rédaction des contrats, des lettres et la tenue des registres employèrent de nombreuses personnes dont le métier était...d'écrire.
L'essor des plumes métalliques
Concomitamment, dans les années 1830, le procédé de fabrication industriel des plumes métalliques fut au point. Développé par les anglais Gillott et Perry, il offrit une plus grande diffusion des outils d'écriture pour les services administratifs et les écoles, en même temps que de meilleures facilités d'écriture qu'avec la plume d'oie qu'il fallait retailler sans cesse et qui était très fragile.
La naissance de la Spencerian
L'enseignement de l'écriture manuscrite se développa massivement, dans le sillage de la démocratisation de l'enseignement. Savoir écrire devenait un prérequis pour nombre d'emplois administratifs de la société industrielle ainsi qu'un outil d'émancipation sociale.
Vers 1840, Platt Rogers Spencer, un enseignant américain, se consacra à l'étude et la mise au point d'une écriture cursive fonctionnelle qui répondrait mieux aux besoins de l'époque : il simplifia considérablement l'anglaise en s'affranchissant notamment des pleins et déliés, des boucles complexes et des majuscules ornementées. Le système d'écriture qu'il proposa alors privilégiait à la fois la lisibilité, une plus grande rapidité d'exécution, sans sacrifier la beauté calligraphique. Sa méthode devint la norme, et la Spencerian fut enseignée à travers tous les Etats-Unis.
L'héritage de Roger Platt Spencer
Spencer mourut en 1864, mais de nombreux maîtres calligraphes perpétuèrent l'enseignement de sa méthode. Deux des principaux modèles pédagogiques qui ont marqué l'histoire du Spencerian sont les suivants :
La méthode Palmer : business first !
Vers 1890, Austin Norman Palmer édita une méthode d'écriture qui simplifiait encore la Spencerian, avec une méthodologie d'apprentissage privilégiant la posture et le mouvement du bras entier plutôt que le mouvement des doigts et du poignet pour accompagner l'écriture.
La Méthode Palmer fut rapidement reconnue et adoptée, pour sa simplicité et sa rapidité. Elle permettait (presque !) à l'écrivain de rivaliser avec la machine à écrire, mais surtout de pouvoir écrire pendant longtemps sans éprouver de fatigue ou de crispation musculaire. De quoi satisfaire le besoin de productivité des bureaux administratifs et commerciaux : business first !
En 1912, sa méthode fut vendue à plus d'un million d'exemplaires et devint la nouvelle norme d'enseignement de l'écriture aux Etats-Unis jusque dans les années 1950.
Le modèle Zaner-Bloser
Un autre modèle pédagogique important est le Zaner-Bloser, développé par Charles Paxton Zaner et Elmer W. Bloser. Bien que le Zaner-Bloser ne soit pas strictement basé sur le Spencerian, il s'en est grandement inspiré et a incorporé certaines de ses caractéristiques dans un système d'écriture cursive largement utilisé dans les écoles américaines. Ce modèle a également contribué à populariser l'écriture cursive et a apporté des améliorations pour s'adapter aux besoins des élèves.
Caractéristiques de l'écriture Spencerian
Le Spencerian se caractérise par des traits élégants, des courbes douces et un aspect fluide qui donne à l'écriture une touche artistique. Voici quelques-unes des principales caractéristiques de cette écriture :
Formes courbes et gracieuses
Les lettres de la Spencerian sont principalement formées de courbes gracieuses, ce qui donne à l'ensemble de l'écriture un aspect harmonieux et élégant. Les lignes fines et les boucles délicates lui confèrent une beauté artistique qui la distingue des styles d'écriture plus rigides.
Connexions fluides
Un aspect essentiel du Spencerian est la liaison fluide entre les lettres. L'écriture est conçue pour être réalisée d'un seul trait, sans lever le stylo, créant ainsi une continuité esthétique entre les caractères.
Inclinaison de l'écriture
La Spencerian est généralement écrite avec une inclinaison vers la droite, ce qui ajoute à son élégance et à son allure dynamique. Cette inclinaison permet également d'améliorer la fluidité des mouvements lors de l'écriture.
Flexibilité du tracé
Une autre caractéristique distinctive du Spencerian est le contraste entre les traits épais et fins. Les lignes sont tracées avec un stylo ou une plume flexible, permettant de créer des variations de largeur en fonction de la pression exercée sur l'outil d'écriture. Pour l'écriture de tous les jours, la Spencerian peut être tracée en monoligne, sans pleins et déliés, tout en conservant son élégance.
Quelques ressources pour apprendre la Spencerian
Si la Spencerian vous tente, je vous recommande d'étudier avec les manuels de l'époque, qui présentent des exercices graduels, par exemple :
The Bailey Method of Penmanship, sur le site de David Grimes.
The Wesco System of Writing, toujours sur le site de David Grimes.
Dans les ouvrage plus récents, j'ai aussi travaillé avec le livre de Michael Sull : The Art of Cursive Penmanship: A Personal Handwriting Program for Adults.
J'espère que cet article vous a plu, n'hésitez pas à livrer vos pensées en commentaire !
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