Cécile Guivarch est une poète que je suis depuis plusieurs années et dont les livres me touchent, par leur évocation de l’univers familial, de la filiation, de la transmission entre générations. Le mois dernier, en juin 2023, était paru son nouveau recueil, « Sa Mémoire m’aime« , qui est un vibrant hommage et un émouvant portrait de sa mère, atteinte de la maladie d’Alzheimer.
Présentation de l’éditeur
Sa mémoire m’aime est le récit bouleversant d’un effacement progressif. Celui de la mère de l’auteure, venue d’Espagne il y a bien longtemps. Parmi les fleurs, on découvre une mère aimante et aimée, une femme d’une grande présence qui disparaît, une femme parmi les fleurs de son jardin, perdue dans ses pensées.
Sa mémoire m’aime nous offre des pages magnifiques de tendresse et de force mêlées. Le lecteur s’enroule dans la mémoire, l’émotion, les bras de la mère et de la fille. Dans une langue singulière et pleine de poésie, Cécile Guivarch nous donne à voir avec une sensibilité hors du commun des images au plus près du corps, et de nos émotions profondes. Face au drame de cette maladie devenue si partagée, Sa mémoire m’aime nous trouve, nous porte, et nous berce.
(Source : Site des Carnets du Dessert de Lune)
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Mon Avis
Ce sont des poèmes très touchants, qui n’ont pas peur d’avouer l’amour, la tendresse, la complicité avec cette maman devenue de plus en plus fragile. Poèmes en prose, aux phrases courtes. Le sujet est parfois éludé – en particulier le « je » – par l’emploi de verbes à l’infinitif, dans un esprit de concision. Epurée au maximum, la ponctuation se passe de virgule et se fonde sur le point, clair et net.
Le début du recueil nous ramène à la naissance et à l’enfance de la poète – avec la figure irremplaçable, protectrice et charnelle, de la mère – puis nous sommes rappelés à la période récente, la mémoire de plus en plus défaillante de cette mère, son corps qui mincit et rapetisse, ses phrases qui se répètent sans cesse, les conversations qui deviennent difficiles.
La langue inventée par la poète est riche en images, empruntées à la vie quotidienne, familière, par exemple celle de la boucle : les phrases de la mère tournant en boucle font écho aux boucles pour apprendre à lacer ses chaussures pendant l’enfance.
L’émotion est palpable à travers ces textes. Dans certains d’entre eux, la poète s’adresse directement à sa mère, par l’emploi d’un tutoiement attendri et affectueux. Elle lui dit des choses douces, réconfortantes, et le lecteur se trouve en quelque sorte englobé, associé étroitement à ces échanges filiaux.
Les derniers textes sont de plus en plus poignants, les cris et les crises, la désorientation de la mère, sont suggérés par un langage de plus en plus imagé et poétique, les termes de l’angoisse se mêlant à ceux de la « tempête », du « phare », et aux noms des différentes sortes d’oiseaux ou de fleurs que sa mère aimait tant.
Un très beau recueil, où la délicatesse des sentiments s’allie à la plus vive lucidité, et où les élans de tendresse et d’amour rassurant ne dissimulent pas la terrible dureté de cette maladie.
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Choix de trois Poèmes
Page 31
Tu me parles de toi petite de ta mère de ta grand-mère. Tu me parles de toi et tu es souvent petite. Moi aussi je suis petite. Tu parles toujours de toi petite. Es-tu toujours petite ma petite maman ? Si tu continues je vais te bercer dans mes bras.
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Page 57
Nous vivons dans le même corps. Moi dans le tien avant ma naissance. Toi dans le mien jusqu’à toujours. Tu coules dans mes veines. Je t’habite. Faite de toi de nos multiples séparations. Mais pourquoi dois-je encore me préparer à d’autres départs. Le jour où tu ne nous reconnaîtras plus. Le jour où tu ne seras pas totalement partie.
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Page 69
Tempête déchaînée la mer. Coquelicots pétales repliés. Tout s’envole quand gris éclair. Où le phare le jour. Où le jour les fleurs. Ton visage. Le vent a détaché les feuilles. Tes boucles d’oreilles brillent. Tu t’absentes et tu reviens. Racontes pour ne pas oublier. Tu vois partout les oiseaux. Tu dis bonjour aux petits chiens. Eux ils me comprennent et les enfants aussi. Mélancolie mêlée d’ancolies. Où vas-tu lorsque tu t’égares. Quand tu ne sauras plus nos prénoms. Dans ton passé là-bas. Ton enfance revient. Il paraît que les souvenirs s’effacent des plus récents aux plus anciens. Jusqu’à la naissance.
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