Dans Paris occupé, seul dans une cave, un homme attend. C'est Pablo Picasso. Il a été arrêté et se demande ce qui va lui arriver. Frau Fischer,jeune femme énergique et cassante, le rejoint, l'interroge d’une manière tranchante dans un français parfait. Les Allemands préparent une étrange exposition.
C’est pour cette raison qu’il doit absolument identifier trois œuvres qui semblent douteuses aux autorités. Trop fin pour ne pas comprendre que cette exposition concerne des artistes dits « dégénérés », Picasso va tout faire pour sauver ses œuvres d'un autodafé. C'est un duel entre un taureau et une sorte de lionne qui s'engage alors .
Pour ceux qui aiment les duels de monstres sacrés au théâtre et voir de profondes réflexions sur le pouvoir de l'art face à la barbarie, la pièce Un Picasso, une toile pour le feu de Jeffrey Hatcher se joue actuellement au Théâtre du Rouge Gorge à Avignon (du 7 au 29 juillet), après avoir fait les grandes heures du Studio Hebertot jusqu'en juin dernier.
Le spectateur ravi, voit s'affonter les immenses Jean-Pierre Bouvier et Sylvia Roux dans un duel bestial et psychologique autour de trois dessins de Picasso dont l’un doit disparaître dans un autodafé au profit de dignitaires nazis.
L’attachée culturelle pourra-t-elle vaciller face à la beauté de ses toiles ? Tel est l’enjeu de cette pièce bouleversante montrant la valeur de l’art, de la liberté artistique face à la barbarie du monde. Cette confrontation, violente, parfois brutale, non dépourvue d’humour est tout à fait passionnante, car elle montre un Picasso à la fois attendu mais surprenant, se débattant avec une femme, pour tenter de sauver son œuvre.
La force du huis clos de Jeffrey Hatcher 01tient à la qualité de l’écriture et la dimension éthique de l’affrontement. En 1 heure 15, cette pièce nous invite à pénétrer dans les affres de la création d’un artiste « engagé » dont la complexité nous apparait et nous questionne.
Mais surtout la pièce vaut énormément grâce à l’incarnation de Jean-Pierre Bouvier, qui brosse un Picasso d’une puissance sensuelle ambivalente jusqu’à la fascination. Sylvia Roux, forte d'une réelle présence à la fois charnelle et intelligente, fait parfaitement face à ce monstre bi-cephale Picasso-Bouvier.
Photo Michael Adelo
Mise en scène : Anne Bouvier, avec Jean-Pierre Bouvier et Sylvia Roux
Au Théâtre du Rouge Gorge 15H20