Quels secteurs d’activités font le mieux la promotion des comportements écoresponsables ?

Publié le 18 juillet 2023 par Raymondviger

Il est frappant de constater que les secteurs d'activités, principaux émetteurs de gaz à effet de serre, sont ceux qui ont reçu le moins d'attention quant aux comportements écoresponsables dans le monde. Ce constat provient d'une étude menée avec le professeur titulaire Pascal Paillé où ce dernier et moi avons réalisé une revue systématique de littérature dans le but de recenser toutes les études empiriques publiées sur les comportements écoresponsables, en milieux de travail, sur une période de quarante-trois ans (1977 à 2020). Une revue systématique va au-delà d'une revue de littérature narrative, par son protocole rigoureux, caractérisé par une approche structurée qui utilise une méthodologie reproductible pour identifier, sélectionner et évaluer de façon critique les études associées à une question de recherche.

À l'échelle mondiale, les secteurs d'activité qui ont reçu le plus d'attention quant aux comportements écoresponsables sont les services qui ne sont pas les principaux émetteurs de gaz à effet de serre (GES). Plus de 65% des études sur les comportements écoresponsables ont été réalisées dans ce secteur quioccupe l'un des derniers rangs en matière d'émissions de GES. Les secteurs de service regroupent les emplois de bureau (les services administratifs et financiers), l'enseignement, les services sociaux et les services aux consommateurs (les commerces de détail). Les secteurs qui ont reçu le moins d'attention se sont révélés les plus polluants en matière de GES. Il s'agit des secteurs pétroliers (seulement 2,60 % des études sont réalisées dans ce secteur), de l'agriculture qui inclut les fermes d'élevage (2 % des études sont réalisées dans ce secteur) et celui des transports encore presque entièrement propulsés à l'aide de produits pétroliers (un secteur qui n'occupe que 1,30 % des études).

À l'échelle mondiale, aucune méthodologie ne semble avoir considéré plusieurs indicateurs environnementaux pour comparer les secteurs d'activité en fonction de leur nuisance environnementale. Néanmoins, les derniers rapports du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) et celui de la Chaire de gestion du secteur de l'énergie de HEC Montréal offrent des pistes intéressantes puisqu'ils ont pour ambition de hiérarchiser les secteurs d'activités selon leurs émissions de GES. Fait à noter : les classements peuvent varier d'un rapport à l'autre selon les pays analysés. Par exemple, selon l'Institut national de la statistique et des études économiques, l'agriculture est l e deuxième émetteur de GES en France, mais n'occupe que le 6 e rang au Canada selon Environnement et Changement climatique Canada.

Il est impossible de prétendre qu'un seul indicateur soit pleinement représentatif de la situation mondiale en matière de pollution, mais il n'en demeure pas moins que ces statistiques montrent que les secteurs les plus examinés dans notre étude (les secteurs de services) ne sont pas ceux qui représentent le plus grand risque pour l'appauvrissement des écosystèmes (mesuré par les GES). Les emplois de bureau et les commerces de détail sont surreprésentés dans les études sur les comportements écoresponsables. Cette observation est surprenante et inattendue étant donné que les secteurs les moins étudiés (les secteurs pétroliers, du transport et de l'agriculture) sont reconnus pour développer des activités à forte capacité de nuisance environnementale.

En conclusion, les secteurs les plus polluants présentent des données limitées sur les comportements écoresponsables en raison de la grande complexité d'enquêter sur ces terrains de recherche. Ces secteurs nécessitent des protocoles rigoureux, et rares sont les entreprises qui osent collaborer avec des chercheurs pour réaliser ce genre d'étude environnementale de peur de se faire critiquer et dénoncer sur la place publique pour leurs pratiques fortement nuisibles. Il n'en demeure pas moins que ces secteurs doivent faire urgemment l'objet d'analyses plus poussées pour favoriser l'implantation de pratiques écologiques en lien avec leur activité d'exploitation afin de valoriser une diversité de comportements écoresponsables. Par exemple, dans le secteur des transports, il serait utile d'examiner, comme l'a fait un groupe de chercheurs à la fin des années 1980, la quantité d'essence dépensée par les véhicules de marchandise ainsi que les habitudes de conduite des camionneurs (par exemple, l'accélération et le changement de vitesse).

À quand des lois rigoureuses pour contraindre les entreprises les plus polluantes à changer drastiquement leurs pratiques ? Sur le plan de l'acceptabilité sociale, cela remettrait évidemment en cause leur raison d'être pour le bien-être de la planète.

Lieu de rédaction : Mon bureau à Polytechnique Montréal
Musique dans les oreilles : Van Morrison
À lire : Vert paradoxe, Éditions Écosociété