Je ne connaissais pas Blandine Rinkel. A 32 ans elle a pourtant déjà publié deux romans, à un rythme plutôt soutenu, L’Abandon des prétentions (2017) et Le Nom secret des choses (2019), C’est, je crois, le titre de son troisième roman qui ne m’aurait pas encouragée.
Fort et fantaisiste, Gérard illumine l'enfance de sa fille, Lou. Mais il traîne avec lui des secrets et des fantômes. Est-ce de là que surgissent ses subits accès de cruauté, qui exercent sur Lou fascination et terreur?L’héroïne a donné à sa compagnie de danse le nom de La Meute et elle s’appelle Lou. On ne peut pas éviter de songer que ce prénom colle plutôt bien avec l'animal qui figure sur la couverture. Egalement que le type de danse qu'elle a choisi le Krump, (très bien analysé p. 213) n'est pas sans lien avec la violence même s'il la dénonce. Je remarque aussi que Blandine est le nom d’une sainte qui fut livrée à la voracité d’animaux sauvages, ours, sangliers, taureaux, lynx et bien entendu aussi de loups mais ceux-ci ne l’ont pas touchée. Son martyre n’en fut pas moins cruel mais dirigé par des hommes.Quoiqu’il en soit, la narratrice raconte, de son enfance à l’âge adulte, combien le personnage de son père la façonne et conditionne ses choix, jusqu’à ce qu’elle s’en libère, si bien qu’à la fin le lecteur ne pourra pas trancher entre ce qui aura relevé de la malédiction et de la chance.De l'enfance à l’âge adulte, Lou va découvrir et nous révéler une image de plus en plus précise de son père, Gérard. Un homme minable et violent. De lui elle écrit : il ne m’avait pas légué la douceur, la confiance ni la foi. Pourtant j’héritais de lui les trois choses auxquelles je tenais le plus au monde. J’héritais de lui l’absence, la joie et la violence.Au mieux, elle aura appris le sang-froid au contact d'un homme comme celui-là (p. 144).L’imagination est plus importante que le savoir, les secrets plus précieux que les vérités(p. 95). Il n'empêche que c'est surtout parce qu'elle a une force de caractère hors du commun, innée ou acquise, la question se pose, que Lou va trouver son chemin. Et si nous n'avons pas le même parcours, plusieurs de ses réflexions peuvent faire écho en chacun de nous. Pour des raisons très personnelles ce qu'elle écrit à propos du rein me touche particulièrement (p. 314).Le roman de Blandine Rinkel est formidablement bien structuré et justifie amplement l’obtention du prix.
Vers la violence rappelle comment nos héritages nous façonnent, entre chance et malédiction.
Vers la violence de Blandine Rinkel, Fayard, en librairie depuis le 17 août 2022Prix Méduse 2022Grand Prix des Lectrices de ELLE 2023