Critique du Huitième Ciel, de Jean-Philippe Daguerre, vu le 9 juillet 2023 au Théâtre Actuel
Avec Florence Pernel, Bernard Malaka, Charlotte Matzneff, Marc Siemiaticky, Antoine Guiraud, Tanguy Vrignault, mis en scène par Jean-Philippe Daguerre
J’avais été complètement marquée par Adieu Monsieur Haffmann. Je l’ai vu en 2016, quand Jean-Philippe Daguerre était un quasi-inconnu. Je suivais Grégori Baquet et j’avais donc découvert ce spectacle parmi les premiers. J’avais vraiment pris une claque. J’en ai encore des souvenirs aujourd’hui. Je m’étais un peu refusée à revoir une de ses créations jusqu’ici. Peur de faire de l’ombre au souvenir. Mais bon, mon activité mêlée à la présence de Bernard Malaka sur scène ont eu raison de mes principes à la con. Et donc c’est parti pour Huitième Ciel.
Agnès Duval prend sa retraite. Après avoir construit des buildings dans 27 pays d’Europe, cette cheffe d’entreprise commence une nouvelle vie. Elle passe très brusquement d’une vie bien trop remplie à une vie bien trop normale. Son couple s’y perd un peu. Elle cherche à se trouver, ou à se retrouver. Et accepte un peu par hasard d’ouvrir son chez elle à des sans papiers géorgiens…
On va commencer par le négatif. La petite déception. C’est le jeu, je prenais le risque, je le savais. Je n’ai pas été captivée comme pour Haffmann. J’ai regardé le spectacle avec intérêt, mais une partie de mon esprit continuait d’être disponible. Donc, en dehors. Je me demande où ça va. Je ne peux pas dire que je m’ennuie, ce n’est pas le cas. Je suis l’histoire et je me demande ce qu’il va se passer après. Mais je ne suis pas hypnotisée par ce qui se passe sur scène.
Jean-Philippe Daguerre n’a pas peur de l’invraisemblable. C’est peut-être sa marque de fabrique. Haffmann l’était, mais on était tellement pris qu’on n’avait pas le temps de se poser la question. Là, on a quand même un peu le temps. Le sujet serait-il trop artificiel ? Il y a cette histoire de couple, cette histoire de rapport mère-fille, cette histoire de rapport aux migrants, et c’est comme si ces différents éléments ne s’imbriquaient pas vraiment. Ça manque de menace. Ça manque d’urgence.
Ça, c’est La Mordue un peu déçue. La Mordue qui aurait eu envie de revivre ce moment d’exception si rare au théâtre. Mais je serais injuste si je ne relevais pas aussi les qualités de ce spectacle. Car il en a. Il en a au moins six, ils sont sur le plateau, et ils défendent ce texte avec brio. Elle est peut-être là, l’urgence. Florence Pernel porte le spectacle avec une sincérité absolue. Le rôle semble écrit pour elle. Son engagement est palpable. Bernard Malaka, qui incarne son mari, est tout aussi impressionnant. Alors oui, je suis un peu amoureuse de lui, c’est vrai, mais quand même. Je ne sais pas qui résisterait à sa voix, cette voix d’une douceur infinie qui peut rendre une annonce de séparation tellement humaine. Cette manière de répondre à ses partenaires comme s’il poursuivait leurs phrases, ou plutôt leurs pensées, est toujours un régal de spectateur. Tous suivent cette excellence. Et permettent au spectateur de passer un bon moment.
Je ne sais pas si c’est le huitième ciel, mais c’est quand même un bon coup !