Critique de Dolorès, de Yann Guillon et Stéphane Laporte, vu le 8 juillet 2023 au Théâtre Actuel
Avec Olivier Sitruk, François Feroleto, Joséphine Thoby, Sharon Sultan, Ruben Molina, Cristo Cortes, Dani Barba, mis en scène par Virginie Lemoine
C’est pour Olivier Sitruk que j’ai d’abord choisi ce spectacle. Mais aussi pour cette affiche qui m’avait tapée dans l’oeil. J’ai été un peu brave, il faut le dire. J’aime beaucoup l’affiche de Dolorès, mais je ne l’ai pas suffisamment regardée, peut-être trop happée par ces deux danseurs au centre. Quand je suis arrivée, je croyais venir pour légèreté et divertissement. Je n’avais pas bien observé le dessin dans son ensemble. J’aurais pu y voir quelques indices sur l’histoire qui allait se jouer sous mes yeux.
Si on regarde bien, autour des danseurs, c’est la guerre. La seconde guerre mondiale, pour être exact. Sylvin Rubinstein, ancien danseur de flamenco, raconte son histoire. Il raconte le succès du couple qu’il formait à la scène avec sa soeur jumelle, Maria, il raconte la guerre, le ghetto de Varsovie, leur séparation forcée, puis son entrée dans la résistance. Il raconte plus encore, mais ce serait dommage de divulgâcher…
J’étais venue pour de la légèreté, et ce n’est pas ce que j’ai eu. Mais je n’ai pas craché dans la soupe. Parce que ce Dolorès m’a saisie dès les premiers instants. Olivier Sitruk est posé au comptoir. Il raconte son histoire. On le reconnaît, mais son corps est changé. Je me laisse prendre au piège. Lorsqu’il entre dans sa propre récit, lorsqu’il se met à incarner son propre rôle des années plus tôt, il bondit hors de son siège et se transforme du tout au tout en un seul saut. Et impulse une énergie particulière toute propre à ce spectacle.
Car il a quand même quelque chose d’étonnant, ce spectacle. Moi qui en ai marre des nazis (au théâtre surtout, mais en général aussi, entendons-nous bien), j’ai trouvé que, pour une fois, on abordait la période sous un angle un peu différent, un peu nouveau. L’histoire est originale, et la scénographie aussi. Le spectacle se déroule dans une ambiance très sombre, et parvient malgré tout à créer de belles atmosphères grâce à des lumières magnifiques et subtiles. C’est une prouesse technique qui devient un véritable partenaire des comédiens, accentuant leur présence, leur influence, leurs émotions.
Et qui met également en valeur les danseurs, évidemment. La belle idée de Virginie Lemoine, c’est sans doute de n’avoir pas abusé du flamenco. Les moments dansés sont rares, et donc précieux. Ils captivent. Ils ne sont pas un prétexte, ils habillent réellement cette histoire. Une intelligence qui est présente à tout niveau : scène, jeu, rythme, partition, tout est minutieux, harmonieux, sincère.
Un bel hommage aux frère et soeur Rubinstein.