Critique de Kessel, de Mathieu Rannou, vu le 7 juillet au Théâtre Actuel
Avec Franck Desmedt, mis en scène par Mathieu Rannou
Pour moi, Franck Desmedt, c’est le personnage du nazi dans Adieu Monsieur Haffmann. C’est un peu resté légendaire dans mes souvenirs. J’ai même refusé de voir les seuls en scène qu’il a créés depuis pour ne pas entacher cette relique. Et voilà, je ne sais pas, mais pour Kessel, j’ai fait une exception. Peut-être parce que Kessel est lui-même relié à un très bon souvenir de théâtre, une adaptation des Cavaliers par Eric Bouvron il y a des années de ça. Les souvenirs s’entrechoquent et une porte s’ouvre. Et j’entre.
Kessel. Avec un nom pareil, on se doute un peu de ce qu’on va voir. Mais si comme moi vous ne connaissez pas tant la vie de Joseph Kessel, vous pourriez être étonné. C’est une vie d’une densité incroyable, où l’on croise Edith Piaf et Humphrey Boghart, l’on voyage des déserts africains aux tréfonds de l’Asie. Bref, le mec n’a pas chômé, et vous savez quoi ? L’adaptation théâtrale non plus.
Il y a d’abord une voix. Une voix de conteur, indéniablement. Une voix qui m’avait tant marquée il y a des années, prêtée alors à un personnage si lointain de celui qu’il incarne aujourd’hui. C’est la première fois que je le vois seul en scène, et il faut bien reconnaître que cette voix occupe tout de suite le plateau et est une première invitation au voyage.
Je ne sais pas ce que voit Franck Desmedt quand il raconte Kessel, mais ce n’est certainement pas la salle du Théâtre Actuel. Il est ailleurs, et – désolée pour le poncif, mais c’est tellement vrai – il nous emmène avec lui. Les superbes lumières de Laurent Béal sont notre vaisseau, elles nous transportent autre part, guidés par la meilleure boussole qui soit : Franck Desmedt, doux, assuré, serein, jonglant d’anecdotes en personnages, agrandissant le plateau du Théâtre Actuel au fil de ses voyages, vivant chacun de ses mots avec une telle intensité qu’il donne l’impression d’avoir fait trois fois le tour de la terre. Il nous fait traverser des bouts d’histoire, en guide éclairé et passionné, et quelque chose se transmet. On en ressort un peu plus grands, je crois.
Ce n’est pas un seul en scène. C’est une épopée à la Indiana Jones, riche et captivante.