Je ne me souviens cependant pas avoir vu ce gros pavé entre les mains de Claude et j’ai eu un instant d’hésitation avant de l’entamer …
J’avoue tout de suite ma totale admiration pour le style acéré et plein d’humour (noir) de cette intrigue et surtout pour l’habilité fantastique avec laquelle François Chandernagor se débrouille pour dresser des portraits au vitriol, sans qu’il soit possible de deviner la clé de ses foisonnants personnages, et des affaires pendables qui ont émaillé cette période politique (tout comme celle des temps plus proches de nous), et qui fut aussi celle de notre jeunesse triomphante.
Des affaires, il y en eut comme il s’en trouve encore, totalement oubliées aujourd’hui : celle du « Carrefour du Développement » en 1984-86, celle de la MNEF en 1990 … entre des dizaines d’autres, dans d'autres pays aussi comme en République fédérale du temps de Willy Brandt. Mais les juridictions adaptées et les réseaux sociaux inexistants à l'époque ne les mettaient pas autant en lumière.
La dureté des descriptions frappe : des aristocrates dégénérés œuvrant dans des affaires véreuses comme des socialistes concussionnaires – encore que l’autrice ménage plutôt ce bord politique qui est le sien – des énarques incompétents comme des demi-mondaines futées, des chevaliers de l’exportation d’armements comme des soutiers du renseignement inconscients, associations-bidons dédiées à la sauvegarde de la langue française ou à la lutte contre le séparatisme, Françoise-Christine canarde tous azimuts.
Mais son terrain de prédilection est la description parfaitement fouillée – en connaissance de cause : lire son autre ouvrage "La première épouse" – de l’emprise d’une femme hyperdouée pour un séducteur compulsif, son amour inconditionnel de ce bel "archange" cynique pour lequel elle est prête à tous les sacrifices, puis ses doutes et enfin ses souffrances infinies à l’intuition de sa duplicité, lorsqu’elle découvre qu’elle a voué sa vie à un homme qui la trompe.
Entrée comme par effraction dans le volume charnière d’une trilogie, j’ai eu un peu de mal à situer l’héroïne – cette Christine qui porte plusieurs patronymes comme il sied à une bâtarde pas tout à fait reconnue ou à une espionne - parmi le maquis des personnages, la plupart obtenus par « collages » ainsi qu’un « cadavre exquis ».
J’ai cru en reconnaître quelques-uns, sans aucune garantie … J’ai simplement compris qu’il y avait osmose entre la narratrice et l’héroïne dont j’ai compris qu’elle racontait son histoire depuis sa prison … Mais ainsi que le dit la narratrice elle-même : « mon dernier moi-imaginaire, mon travesti, c’était Christine Valbray ».
Ayant raté le premier volume de la trilogie, vais-je avoir envie de lire le troisième et ultime ? Rien n’est moins certain. Trop de références culturelles et de clins d’œil appuyés au lecteur plus ou moins érudit, un texte qui date par conséquent … mais qui sait ?
L’archange de Vienne, second volet de la trilogie « Leçons de ténèbres », roman de Françoise Chandernagor édité chez de Fallois (1989), 918 p. en Livre de Poche.