Quid de ce drôle de nom d'abord ? Choisi par Guy Stevens, producteur et véritable 6ème membre du groupe, mod emblématique de l'âge d'or anglais, collaborateur des Who et des Action à ses heures - on le retrouvera également aux manettes du mythique London Calling des Clash. Cet irréductible décédé prématurément d'une OD était un tough guy qui a fait de la zonzon, où une lecture lui aurait inspiré ce patronyme.Véritable ordonnateur du groupe qu'il caste à sa convenance, il fait vite appel à Ian Hunter prolo endurci pour remplacer au pied levé le chanteur peu convaincant frayant avec le guitariste Mick Ralphs et ses amis.
Mick Ralphs ? C'est le grand oublié des guitar heroes anglais des seventies. Il faut le voir délivrer avec son groupe une version incendiaire instrumentale de "You really got me", hymne Kinksien repris à peu près par tout le monde mais il s'agit ici d'une des meilleures versions connues. Car le contenu de ce premier disque dont il est le principal compositeur (la prééminence de Hunter arrivera assez vite) est fait de moitié de reprises et d'originaux, voire de créations telle l'infernal "Wrath and roll" qui clôt le disque : 1'32'' de "ouh ouh!" et de folie pure, oeuvre de Stevens.
On trouve par exemple une version transfigurée et assez géniale du "At the crossroads" dont l'original assez faiblard émanait de Sir Douglas Quintet le groupe de Doug Sahm. Il y a également le "Laugh at me" très réminiscent de "Like a rolling stone" signée Sonny Bono.
"Like a rolling stone" ? C'est peu dire que l'ombre de Dylan plane tout au long de ce flamboyant debut. Ian Hunter en est fou et s'il est vrai que dans l'historique des chanteurs post 70's, un tiers singe Lou Reed, un autre tiers Lennon et un dernier tiers s'inspire de Dylan ; dans le cas du frontman de Mott The Hoople, c'est flagrant. Même ton nasillard, même façon de laisser traîner les syllabes de fin avec cette morgue reconnaissable entre toutes. Ainsi dans "Backsliding fearessly", premier et seul titre de l'album entièrement composé par Hunter, on ferme les yeux et on voit le Barde électrique.
Pour ce qui est de Mick Ralphs, c'est le guitariste emblématique du groupe jusqu'à ce que l'excentrique Luther Grosvenor lui succède pour un court intérim à l'âge d'or du groupe (album The Hoople de 1974). Et qu'un autre Mick célèbre (Ronson) échappé du giron de Bowie n'enchaîne le court espace d'un 45 tours. Moins connu que Ronson, Ralphs est un sacré musicien qui n'aurait pas détonné outre-Atlantique au sein du Alice Cooper Group. Il réalise et écrit l'un des morceaux-phares du glam, ce "Rock and roll queen" avec son riff et son refrain irrésistibles. Fait des étincelles sur l'autre instrumental qui porte sa signature ("Rabbit foot and toby time"). Et surtout il est en phase avec ses compères musiciens et notamment Verden Allen dépositaire du son d'orgue tournoyant avec la Leslie omniprésente et qui va crescendo.
On connaît tous l'épiphanie du groupe. Losers patentés, ils se séparèrent après 4 albums pourtant réussis mais sans hit. Pile au moment où Bowie en personne leur propose ce qui deviendra leur hymne et qui eût pu être "Suffragette city" refusé par Ian Hunter, le classique "All the young dudes" qui fera décoller la carrière du groupe, les portant sur le toit du monde pendant quelques années.
Malgré un manque de cohésion et son côté foutraque, on peut continuer à préférer ce premier album sans titre qui porte de toute façon en germe tout le savoir-faire du grand groupe de lads des seventies.
En bref : l'un des albums étalons du glam rock issu de la perfide Albion. Et sans doute le (parfois) grand oublié des encyclopédistes.