Pas perdus, d'Éric Rochat

Publié le 01 juillet 2023 par Francisrichard @francisrichard

La Suisse a un Parlement de milice. En tout cas, en théorie, tous les élus sous la Coupole exercent une autre activité professionnelle. Blick.ch du 4 mars 2023

Ce n'était pas une théorie dans le cas d'Éric Rochat, qui était médecin généraliste de 1977 à 2015, à Saint-Légier. Parallèlement il a été élu au Grand Conseil vaudois de 1990 à 1995, puis au Conseil des États de 1995 à 1999.

Comme le dit dans sa préface l'ancien président de la Confédération Suisse, Hans-Rudolf Merz, ce livre est un collier de perles composé d'anecdotes, d'événements et de personnages si vivants qu'éclaire un langage souple, une forme de tapisserie au petit point. Comme le précise l'auteur dans son prologue, ce livre n'est pas un livre sur la politique vaudoise ou suisse.

Il rappelle que, depuis plus de cinquante ans, femmes et hommes, quelles que soient leurs formations ou leur fortune, peuvent accéder [en Suisse] aux postes politiques les plus élevés. L'article du Blick.ch cité plus haut fait le tour de leurs revenus et défraiements qui leur permettent cette accession.

Le véritable objet de ce livre est contenu dans son sous-titre: Il y a une vie après l'élection ! L'auteur veut simplement relater ce que devient la vie des politiques une fois qu'ils sont élus, indépendamment des causes défendues et de l'énergie investie. Les vies privée et professionnelle ne sont pas encore trop perturbées quand l'engagement est municipal ou cantonal. Il n'en va pas de même quand il est fédéral...

Tout engagement, même lorsqu'il y a des compensations pécuniaires, ce qui n'est pas toujours le cas, demande souplesse, adaptation, éclectisme, disponibilité, des qualités qui ne sont pas innées mais qui s'apprennent pas à pas.

Même s'il a accepté, fin 1989, de figurer sur la liste libérale de [son] arrondissement pour l'élection au Grand Conseil vaudois, il prend le risque d'être élu et il l'est à sa stupéfaction. C'est le premier imprévu, qui sera suivi d'autres, comme, par exemple de s'entretenir dix minutes à Berne, en 1998, avec la princesse Anne, fille de la reine d'Angleterre, qui ne connaît âme qui vive, lors des festivités du cent cinquantième anniversaire de la Constitution fédérale...

Autre exemple, ironique: Fichu soldat, puisqu'il a été soldat complémentaire - donc dispensé d'instruction militaire - le premier jour de la session de décembre 1995 du Conseil des États, peu après sa prestation de serment, il est désigné vice-président de la SiK (Sicherheitspolitische Kommission), autrefois dite Commission militaire... 

Au cours du livre, il livre quelques-unes de ses réflexions personnelles d'ordre général, par exemple:

- sur l'histoire: Elle n'est pas un monument intangible. Ancienne ou contemporaine, elle est périodiquement relue avec les yeux d'aujourd'hui et les mêmes documents fondateurs prennent des significations différentes.

- sur la loi: La Constitution définit les principes fondamentaux, la loi précise les lignes essentielles et c'est le règlement qui s'occupe des détails. Compte tenu des dérives réglementaires et de la jurisprudence prolixe des tribunaux des différents niveaux, le pouvoir réel du politique élu sur la gestion concrète du pays paraît alors bien mince.

Hans-Rudolf Merz parlait dans sa préface de forme de tapisserie au petit point à propos de ce livre. Comme en écho, il se termine par l'acceptation par l'auteur, après ses quatre années passées au Conseil des États à Berne, de porter sur les fonts baptismaux et de présider une fondation destinée à gérer, promouvoir et étudier les tapisseries anciennes et contemporaines du canton de Vaud1...

Francis Richard

1 - Il s'agit de la Fondation Toms Pauli

Pas perdus, Éric Rochat, 152 pages, Éditions de l'Aire