La Guadeloupe - La journée aux Saintes

Publié le 07 mai 2007 par Vincent Turquois

Sur le coup, on se dit qu’il va falloir se lever tôt pour attraper le bateau au sud de l’île. Se lever tôt en vacances, on rechigne toujours un peu. Mais le souvenir des longues minutes passées la fois précédente sur les hauteurs face à la baie emporte vite les réticences. Il faut dire que les Saintes sont classées troisième plus belle baie du monde, derrière Rio et Along. C’est comme ça, pas la peine de discuter, il y a un jury. Sans doute. Peut-être.

Alors on part aux Saintes, pour le soleil, et c’est la pluie qui nous accueille. Pas une averse, le rideau d’une douche chaude mais forcément humide. Les embruns battent les flancs du petit bateau choisi pour traverser depuis Trois-Rivières, dont on commence presque à regretter la taille humaine. On passe pourtant de l’autre côté de la trombe sans dommages et, comme Tintin dans Le Temple du soleil, on découvre un trésor. Tout en rondeurs émergées, Terre-de-Haut s’alanguit autour des arrivants du matin, qui débarquent par grappes dans la vapeur qui suit l’arrosage des parfums brûlants.

Sans originalité, on grimpe au Fort Napoléon par une route qui monte sec mais vite. L’ascension se fait au milieu des scooters bruyants loués par de plus fainéants. Les courageux se consolent de leur peine en raillant l’allure, souvent approximative, de ceux qui les dépassent avec fracas sur des selles qui, même si elles en ont vu d’autres, ne peuvent s’empêcher de sourire. La fraîcheur du Fort accueille chacun une fois en haut, pour quelques minutes de répit avant de partir à la rencontre des iguanes qui peuplent la végétation épineuse des alentours. On cherche, on scrute, on avance les yeux aux aguets mais les gros lézards sont peu nombreux, sans doute effrayés par l’averse récente.

On s’asseoit donc et l’on profite de la vue. Simplement. Le mot n’est pas le bon car rien n’est simple devant un tel miracle. Difficile, au contraire, de ne pas se demander pourquoi ce rocher affleure, pourquoi le sable avance ici, s’efface un peu plus loin, pour rendre la baie à la fois harmonieuse et spontanée. Les minutes passent. On suit du regard ce petit avion qui s’approche en silence, donnant l’impression qu’il va se poser sur les toits colorés pour finalement disparaître comme une flèche derrière une crête où l’attend la piste minuscule. On pourrait rester des heures à méditer des yeux. Mais on se dit aussi qu’un ti-punch faciliterait l’élévation. On redescend.

Après un déjeuner frais et coloré sur le quai, il devient urgent de se baigner. Pompierre nous tend les bras mais on préfère l’Anse à la Mire. Ce n’est pas vraiment une plage l’Anse à la Mire, plutôt une bande de sable minuscule, pas large du tout et pas du tout longue. Mais elle a l’immense avantage de permettre de plonger dans la baie et de nager en ne perdant rien du cadre dans lequel on a la chance de barboter. A quelques encablures, plusieurs bateaux sont amarrés bord à bord. Une jeunesse internationale s’y trémousse en buvant de la bière locale. Ce n’est pas le Spring Break au Lake Havasu mais les bikinis sont tout aussi inutiles. Un peu plus loin sont ancrés des bâtiments à la clientèle plus habillée : le Royal Clipper, le Windsurf et un immeuble flottant complètent le panorama du baigneur qui fait la planche.

On resterait bien là, c’est sûr. Une nuit aux Saintes, ce doit être une expérience qu’on n’oublie pas. Ou bien on lèverait l’ancre sur ce voilier géant, pour le plaisir d’enfiler un pantalon et d’oser un whisky sur le pont en trinquant avec des Américaines hors d’âge. Notre bateau, justement, ne va pas tarder à partir. On sort de l’eau, on range les affaires et on rejoint le port. Par l’arrière, on jette un coup d’œil à Terre-de-Haut qui s’éloigne, pour s’assurer qu’on n’a pas rêvé. A bâbord, déjà loin, le Royal Clipper a hissé toutes ses voiles dans le soleil qui décline. On ne le rattrapera pas. Cheers !

Turquois