Amélie Antoine – À poings fermés

Par Yvantilleuil

Gaspard est un jeune adolescent victime du divorce de ses parents. Outre un déménagement de Paris jusqu’à Brest qui le propulse loin de ses anciens amis, dans un collège où il ne connaît personne, le gamin souffre également du manque d’attention de la part d’une mère débordée par ce nouveau départ et de l’éloignement de ce père refaisant sa vie sans lui. De plus, en cherchant à impressionner une fille dont il est secrètement amoureux, il s’attire le courroux du vieux balayeur de l’école, qui lui promet des nuits sans sommeil…

Cette malédiction qui transforme progressivement les nuits de Gaspard en véritables cauchemars, permet à Amélie Antoine d’aborder un trouble du sommeil pour le moins méconnu : la paralysie du sommeil. Ce phénomène insolite au cours duquel le corps s’endort mais pas l’esprit, donne l’impression de se retrouver enfermé à l’intérieur de son propre corps, totalement conscient, mais incapable d’effectuer le moindre mouvement. Cet emprisonnement dans l’immobilité empêche également le sujet de prononcer le moindre son et est de surcroît souvent accompagné d’hallucinations ainsi que d’un sentiment d’oppression, de suffocation, de présence maléfique et de mort imminente.

Ces terreurs nocturnes qui transforment chaque nuit de Gaspard en véritable calvaire, se retrouvant hanté par le balayeur qu’il croise dans la cour du collège, insufflent une dimension fantastique et horrifique au roman, tout en faisant intelligemment écho au mal-être de ce gamin incapable de surmonter seul les bouleversements qu’on lui impose. Se retrouvant subitement en terre inconnue, tentant de s’adapter à une nouvelle vie qu’il n’a jamais demandée, Gaspard a l’impression de ne plus être important pour ses parents, de devenir invisible aux yeux de tous… Même le sommeil ne veut plus de lui !

Ce côté épouvante rendant hommage à Stephen King entretient non seulement le suspense, mais permet surtout d’aborder des thèmes plus profonds tels que l’abandon, la solitude, le déracinement, le divorce, les familles recomposées et l’amitié. Comment dès lors ne pas s’attacher à cet enfant confronté à la séparation de ses parents, incapable de surmonter ses peurs, cherchant sa place dans ce nouvel environnement ? En le voyant sombrer au fil des pages, le lecteur aimerait pouvoir intervenir, lui tendre la main, l’aider à se reconstruire, à le délivrer de ses angoisses, à le sortir de ce cauchemar… à tout simplement exister !

Un roman pour adolescents, saupoudré de fantastique et porté par la plume délicate d’Amélie Antoine (« Raisons obscures », « Quand on n’a que l’humour », « Le bonheur l’emportera », « Le jour où », « Sans elle », « Pourquoi tu pleures? »), qui ne manquera pas de séduire un lectorat plus large et qui se termine certes sur une fin ouverte, qui à défaut de ne pas offrir toutes les réponses, offre cependant le repos tellement souhaité à Gaspard, ainsi que ce brin d’affection dont il avait tant besoin…

À poings fermés, Amélie Antoine, Syros, 304 p., 17,95€

Elles/ils en parlent également : Mylène, Sophie, Café noir et polars gourmands, L’heure de lire

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