Se peut-il que, suite à l'accumulation des mauvaises actions, l'âme fasse vieillir le visage et qu'avec les années, ce dernier se voile d'un hideux rictus et de rides malveillantes ? C'est l'idée qui dirige ce roman de nature fantastique où Dorian Gray, bel Adonis de dix-huit ans, se voit portraiturer par le peintre Basil Hallward qui réalise là son œuvre la plus aboutie.
A ce moment, Dorian voudrait toujours garder cette apparence, cette " beauté du diable " en échange de quoi, son portrait vieillirait à sa place. C'est en tout cas le pacte fou qu'il passe avec un Méphisto de l'ombre... Et aussitôt, ironie du sort, le visage de l'adolescent du tableau à qui tout semblait sourire devient " peau de chagrin ".
" On aurait dit que la bouche présentait une touche de cruauté(...) La lumière du jour, ardente, palpitante, lui montrait les plis de cruauté autour de la bouche aussi clairement que s'il s'était regardé dans un miroir(...) Il se le rappelait parfaitement. Il avait exprimé un vœu insensé : que lui-même pût rester jeune et le portrait vieillir ; que sa beauté à lui échappât à toute flétrissure et que le visage fixé sur la toile portât le fardeau de ses passions et de ses péchés ; que l'image peinte fût marquée des rides de la souffrance et de la méditation mais que lui conservât l'éclat délicat, le charme et la beauté de son adolescence alors à peine consciente d'elle-même. " Chap 7, p180
Terrifié, le héros voit peu à peu, au fil des épreuves et des turpitudes, les dégâts qui s'affichent avec le Temps. D'autant que Dorian a pour mentor un cynique du genre d'Oscar Wilde, Lord Henry, qui le pousse chaque jour à l'égoïsme et à la dépravation...