C'est l'histoire d'un garage band comme il y en eut des milliers aux USA. Eux venaient de LA et tout en créant principalement les chansons des autres, sont rentrés dans l'histoire. Explication.En 1967, quatre jeunes angelenos jouent depuis déjà quelques mois une surf music mâtinée de rhythm and blues et au quatuor initial initialement nommé The Sanctions puis Jim and The Lords, s'adjoint rapidement un nouveau membre prêt à en découdre.
Le noyau dur composé de Jim Lowe (leader beau gosse et chanteur) et Mark Tulin (basse et orgue), principaux pourvoyeurs de chansons, a déjà enregistré une paire de singles pour Warner/Reprise, du rhythm and blues avec Bo Diddley beat de rigueur, mais hélas ces titres ("Ain't it hard", "Little Olive") n'ont obtenu qu'un succès modeste.
C'est là que le producteur omnipotent du groupe Dave Hassinger, décide de faire appel à des songwriters pour pourvoir en chansons ses protégés qui entre temps ont eu la bonne idée de se frotter au psychédélisme. Si on connaît les grands duos d'hommes (Leiber and Stoller, Pomus et Schuman) voire les trios (Holland/Dozier/Holland) ou bien les binômes mixtes (le mythique couple Goffin/King), on connaît moins les duos féminins. Or Annette Tucker et Nancy Mantz seront les auteures/compositrices des futurs succès des Electric Prunes ; la première a déjà fourbi ses armes en écrivant pour Frank Sinatra, et écrira pour Tom Jones ou.....les Jackson 5, excusez du peu.
Et ça démarre fort : la chanson-titre du premier lp des garçons est un hit et accessoirement un morceau monstrueux que tous les apprentis garagistes de la planète ont repris : l'un des 5 plus grands singles de la fertile scène US. Ce titre seul est dépositaire du son infernal, principale signature des Electric Prunes, au-delà même des chansons fabuleuses de leur répertoire. Tout le monde connaît ce tremolo de guitare en ré qui déchire l'intro de "I had too much to dream (last night)".
S'ensuit "Bangles", fabuleuse composition extérieure (de Joe Walsh) créée par le groupe introduite soit par un Moog soit par une guitare trafiquée.....en tout cas cela sonne comme un basson ! Puis la délicate ballade "Onie", romantique et belle comme du Everly Brothers. "Are you lovin' more (but enjoying less ?)" - quel intitulé- est un autre des moments forts du lp, guitares qui claquent, chambre d'écho affolante, petit Farfisa aigrelet ; tout concourt à faire de ce morceau un titre parfait. Composé par Jim Lowe et ses hommes, la dreamy "Train for tomorrow" évolue en tournerie jazzy, dans une outro de haute volée.
Puis "Sold to the highest bidder" est une endiablée danse aux accents kazakh emmenée par une irrésistible ligne de mandoline.
"Get me to the world on time" enfonce le clou de "I had too much"...en face B, tandis que Luvin', autre composition de Jim Lowe est un blues lardé d'écho. Irrésistible hymne macho (et pourtant écrit par un duo féminin), "Try me on for size" qui trouve le chanteur à son plus guttural est un peu le "Under my thumb" des Prunes.
N'était un brelan de morceaux plus anodins et parfois décriés en face B - et encore "The king is in the counting house" et son clavecin baroque ferait une mignardise Kinksienne du plus bel effet, on est frappé de la force de persuasion des Electric Prunes et de leur feedback à nulle autre pareil.
Aucun groupe n'a jamais sonné comme ça, à part peut-être les très culte The Balloon Farm qui à la même période pondaient un "Question of temperature" (repris notamment par les Lords of The New Church), seule chanson des Electric Prunes que les Electric prunes ont oublié d'écrire.
En 1967, paraîtront également "Underground" deuxième album fabuleux et chant du cygne composé quasi intégralement par le groupe avec un mix douteux de Hassinger qui renforce d'autant son étrangeté. Puis une messe psychédélique sur laquelle ne subsistent que trois membres du groupe. Avant que Hassinger ne phagocyte totalement l'entité Electric Prunes en utilisant le nom (fait commun à l'époque, voir The Strawberry Alarm Clock entre autres) substituant au merveilleux quintette originel un aréopage de tacherons qui enregistrerait deux derniers albums terriblement vains et sans la moindre filiation sonore ni généalogique.
En bref : les chansons et le son : une alchimie unique qui fait des Electric Prunes un groupe définitivement à part et essentiel du fertile âge d'or des garage-bands US.