L’air est irrespirable, et le ciel grouille de vers,
Et pas une seule étoile ne parle,
Mais Dieu peut voir la musique au-dessus de nos têtes,
La gare vibre du chant des Muses,
Et de nouveau fusionne l’air des violons,
Que déchire le sifflement des locomotives.
Immense jardin. Globe vitré de la gare.
Un monde de fer à nouveau sous le charme.
Vers le bruyant festin de l’Élysée embrumé
Se transporte le wagon avec solennité.
Un cri de paon, le grondement d’un piano –
Je suis arrivé trop tard. J’ai peur. C’est un rêve.
Et j’entre dans la forêt de verre de la gare,
La formation des violons pleure, en plein désarroi.
Âpre commencement du chœur nocturne,
Odeur de roses dans les serres en décomposition
Où passa la nuit, sous le ciel de verre,
Une ombre chère, au sein des foules nomades.
Et j’en ai la vision : plongé dans la musique et l’écume,
Le monde de fer tremble, si misérable.
Je m’appuie contre le verre de l’entrée.
La vapeur brûlante aveugle la prunelle des archets.
Où vas-tu donc ? Au banquet funèbre de l’ombre chérie,
Pour la dernière fois la musique aura pour nous retenti.
1921
Ossip Mandelstam
Traduction de Michel Tessier
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