On vient pour découvrir « sa » cuisine, pour partir à la découverte de son univers gourmand et explorer des alliances de saveurs incroyables.
On ne présente plus Brantome, cette superbe ville du département de la Dordogne qui mérite bien sa réputation et qui a su, malgré un tourisme important, conserver son identité et son art de vivre. Au milieu coule une rivière, la Dordogne, et sur ses rives, trône l’hôtel et le restaurant Charbonnel. Une institution de la ville depuis des décennies, mais les temps changent et même ont déjà changé.
En 2018, la famille Beltrami prend possession de l’établissement. Le père possède un hôtel-restaurant réputé, « Les Voyageurs » à La Coquille, en Dordogne. Sa fille Samantha a été formée sur le tas avec ses parents. C’est donc elle qui gère le renouveau de Charbonnel en étant Directrice du lieu. Elle s’est d’abord attaquée au style en général, tant dans l’accueil que sur le personnel très disponible et très pro, sur un service bar/salon de thé toute l’après-midi, sur le décor de certaines chambres, etc.
Pour le restaurant, son bût est de redonner une table gastronomique à Brantome qui en manque depuis la disparition du dernier étoilé, il y a plusieurs années. Pour cela, elle a relooké la grande salle du restaurant d’un style plus moderne et plus aéré, jouant sur des couleurs plus vives tout en gardant un confort parfait et un espace net entre les tables avec toujours cette grande verrière panoramique sur la rivière. Dehors, la terrasse aux beaux jours est un délice de calme et de beauté tranquille.
Elle a rencontré l’année dernière, en 2022, un chef, Sébastien Riou, qui possédait son restaurant à Périgueux, « Un Parfum de Gourmandise », qui obtint une étoile au Michelin en 2018. Comme beaucoup d’autres, il n’a pas survécu à la Covid et aux fermetures.
Le voila donc depuis décembre 2022, à la tête des cuisines de Charbonnel, seul maitre à bord mais avec 6 personnes à ses côtés, plus une chef pâtissière qui va arriver sous peu. Pour la salle, deux serveurs et le sommelier Stéphane, complète l’ensemble qui fonctionne parfaitement.
Originaire de Lorraine, à Lunéville, Sébastien Riou est arrivé en cuisine autant par hasard que par nécessité, étant un adolescent curieux et ouvert sur beaucoup de choses mais ne sachant pas trop quoi décider. Il se retrouve apprenti dans un restaurant de Lunéville et l’ambiance, bien que sévère, lui plait. Sa rencontre avec le grand chef doublement étoilé Patrick Jeffroy à Carantec, en Bretagne, va lui faire découvrir les possibilités qu’offrent l’imagination mais aussi la rigueur dans la réalisation. Etape suivante chez Anne-Sophie Pic, à Valence, un trois étoiles impressionnant mais dont il tirera des enseignements vitaux sur les cuissons en étant alors chef de partie. Enfin, première place de chef à Castres où il obtient un Bib Gourmand l’année suivante. Puis Périgueux, chez lui, et l’étoile Michelin.
Il n’y a plus de carte chez Charbonnel ! Le chef propose 3 manières de découvrir et déguster sa cuisine. Pas d’indications de produits ni d’énoncé de plats. Les seules restrictions sont les allergies ou autres interdits des clients. Il suffit alors de choisir le nombre de séquences pour cette balade gustative.
Deux pains sont proposés : blanc, et céréales, en provenance du boulanger de Nontron, une petite ville à une vingtaine de kilomètres de Brantome. Remarquable pain blanc, moelleux et croustillant en croûte.
Amuses-bouche. Variation sur le radis-beurre :
Tuile croustillante et beurre au radis – Radis et beurre d’anchois. Original et délicieux. Puis, Maquereau fumé à l’armoise. Présentation recherchée, très goûteux.
Brocolis saisis au barbecue, lardons d’anguille fumée, sauce à la truffe, croutons. Beau plat. Texture étonnante du brocoli à la fois molle et ferme, due au barbecue. Jus savoureux et enveloppant, bien dosé à la truffe, suggérée mais non envahissante. Contraste réussi entre les deux, et croustillant des croutons. Un festival de textures et de goûts en harmonie. Une réussite originale.
Artichauts (cœur), langoustine en mousse, chapelure homard, jus oignon et mélisse, chips de langoustine, mayonnaise, olives de Kalamata. Magnifique ! Finesse, intelligence des alliances, maitrise des saveurs. Remarquable harmonie des ingrédients du plat, et les goûts marquées grâce à des cuissons parfaites. Quelle belle construction, et un petit chef d’œuvre
Légumes – 3 bols
1 : Petits pois en ragoût de sauce pistache et ail des ours. (un pur délice…)
2 : Pois gourmands en tempura, fourrés de guacamole.
3 : Sauce à partir d’un jus de cuisson d’une marinière, chèvre frais, oignons frits.
A nouveau un chef d’œuvre ! Finesse des goûts, idée géniale des alliances et des parfums, saveurs marquées, des jus remarquables en une mise en scène merveilleuse pour ces légumes de saison en trois bols séparés mais qui se complètent parfaitement. Etonnant et évident.
Pavé de lieu, carottes déshydratées et réhydratées, jus à la coriandre, purée fine au « citron brulé ». Le chef se laisserait-il parfois entrainer par sa technique plus que par le goût ? Se regarderait-il faire une prouesse technique ? C’est possible au vu et au su de ce plat et surtout pour la carotte dont toutes les manipulations ne donnent qu’un … goût de carotte sauf pour la texture presque molle et élastique. Sinon, belle pièce de lieu parfaitement cuite, jus diabolique, et un ensemble intéressant et savoureux quoiqu’il arrive.
Rhubarbe confite, mousse au yaourt, chocolat blanc, sureau, fraises, glace rhubarbe.
Presque classique dans l’association rhubarbe-fraises, mais ici beaucoup plus travaillée et enrichie de saveurs inattendues mais finalement fort délicieuses. Une remarquable construction de finesse et de goût. Une réussite.
Un chef passionnant et fort doué. L’homme sait ce qu’il veut et a bonne conscience de ce qu’il sait faire. Amoureux des produits, des saisons et de cette belle région qui évoque une douceur de vivre et de manger, selon son expression, il s’attache à les respecter scrupuleusement. La majorité des produits, viandes, légumes, fruits, graines, herbes, proviennent de son environnement immédiat. Il en donne d’ailleurs une liste complète au dos de la « carte ». Il n’hésite pas à proposer des plats « tout légumes » et on ne trouve de la viande uniquement dans les « 7 séquences ». A part dans les menus du midi, plus « conventionnel » mais tout aussi soigné comme par exemple ce jour-là une belle côte de veau aux morilles.
Le chef se veut et se dit « créatif ». C’est vrai, et il en a le talent et le potentiel. Mais, comme la moitié des chefs existants se posent comme des créateurs, le mot perd de sa valeur et de son intérêt, le créatif va devenir banal et classique. Un comble ! Je trouve pour ma part, qu’il est un fou de cuisine, avec une imagination débordante qu’il maitrise et met en scène grâce à une excellente technique. Le chef fait une cuisine comme personne d’autre. On vient pour découvrir « sa » cuisine, pour partir à la découverte de son univers gourmand et explorer des alliances de saveurs incroyables. On ne revient pas déçu du voyage. Surtout, ce n’est pas de la création pour de la création. Il ne tourne pas en rond. L’homme aime manger, aime les goûts et les couleurs, et on ne sort pas de sa table avec la faim. Sa cuisine n’est ni froide ni expérimentale. C’est riche, beau, et bien proportionné.
Il a, dans cette maison Charbonnel, un bel avenir. Une table gastronomique à l’évidence et qui pourra sans doute redonner une grande table à Brantome. Nous allons commencer tout de suite à la faire découvrir et à l’aimer.
Restaurant Charbonnel
57, rue Gambetta
24310 Brantome
Tél : 33 (0)5 53 05 70 15
www.hotelrestaurantcharbonnel.com
hotelcharbonnel@gmail.com
Pour le dîner :
3 séquences : 64 € ( accord mets & vins + 34 €)
5 séquences : 89 € (accord mets & vins + 54 €)
7 séquences : 110 € (accord mets & vins + 72 €)
L’ensemble de ces séquences, des amuses-bouche aux mignardises, changent toutes les 5 semaines.
Au déjeuner :
Menu du Jour à 25 € (2 plats) et 30 € (3 plats) qui change chaque semaine.