Cette histoire d’honneur, de fierté, d’orgueil et de mort n’a pas pris une ride : paysages époustouflants, mœurs ancestrales, peuples indomptables et féroces, dépaysement garanti mais surtout, une histoire haletante, magistralement conduite … inoubliable.
La force évocatrice de l’écrivain est d’une puissance inouïe. Les descriptions de combats – essentiellement le sport ancestral afghan, le bouzkachi – et la gloire des champions adulés à l’égal de nos vedettes du ballon rond n’ont d’égales que les plongées dans la psychologie des personnages en proie à des sentiments plus que complexes. On comprend mieux pourquoi Kessel, qui eut toutes les femmes qu’il put désirer, n’eut aucun enfant …
Le principal protagoniste est un anti-héros : Ouroz, le champion absolu de la discipline, ne peut accepter sa défaite lors de son dernier combat, qu’en toute équité il aurait dû remporter.
A lui la jouissance et la souffrance de l'orgueil et de la cruauté qui a pour objet les hommes, le destin et sa propre personne. Enfermé dans son désespoir et empêtré dans son respect-haine de son père qui fut le champion révéré des générations précédentes, il s’enferre dans une posture suicidaire qui le conduit aux pires paris. Indissociable de son existence, l’autre héros est le splendide Jehol, à la robe bai cerise, un animal exceptionnel d’adresse, de bravoure, de précision et de résistance.
Sens tragique de l’honneur et de la hiérarchie des clans, soumission absolue de la femme – les talibans n’ont rien inventé – intransigeance inflexible allant jusqu’au refus de l’évidence : les empires qui ont imaginé tour à tour soumettre les Afghans - ou simplement les civiliser - auraient dû lire ce roman et rebrousser chemin.
Cette histoire a été adaptée en 1971 au cinéma avec Omar Sharif dans le rôle principal et John Frankenheimer à la caméra. Mais rien ne remplace les paysages, la poésie et le style foisonnant de l’auteur.
Les cavaliers – roman de Joseph Kessel – de l’Académie française – publié chez Folio, 587 p., 11,50€