La chair est triste hélas d'Ovidie

Par Emeralda @emeralda26000

 

Le pitch : 

« J’ai repensé à ces innombrables rapports auxquels je m’étais forcée par politesse, pour ne pas froisser les ego fragiles. À toutes les fois où mon plaisir était optionnel, où je n’avais pas joui. À tous ces coïts où j’avais eu mal avant, pendant, après. Aux préparatifs douloureux à coups d’épilateur, aux pénétrations à rallonge, aux positions inconfortables, aux cystites du lendemain. À tous ces sacrifices pour rester cotée à l’argus sur le grand marché de la baisabilité. À toute cette mascarade destinée à attirer le chaland ou à maintenir le désir après des années de vie commune. Cette servitude volontaire à laquelle se soumettent les femmes hétérosexuelles, pour si peu de plaisir en retour, sans doute par peur d’être abandonnées, une fois fripées comme ces vieilles filles qu’on regarde avec pitié. Un jour, j’ai arrêté le sexe avec les hommes. »

Autrice et documentariste spécialiste de l’intime et du rapport au corps, Ovidie retrace ici la trajectoire qui l’a conduite à quatre années de grève du sexe.

Dirigée par Vanessa Springora, la collection « Fauteuse de trouble » articule intimité et émancipation, érotisme et féminisme, corps et révolte, sexuel et textuel. 

Ce que j’en pense : 

Ovidie a plus d’une casquette et pourtant on la retrouve toujours sur des thématiques assez engagées et parfois un peu sulfureuses pourraient dire certaines personnes un peu coincées. Parce que oui, elle a débuté comme actrice dans la porno. Elle a ensuite réalisé des films toujours classés dans cette catégorie, mais avec une vision plus féministe. Elle se tournera vers les documentaires ensuite et l’on peut découvrir avec elle, les faces peu reluisantes de cette industrie très lucrative qu’est devenue la pornographie, ses films, ses plateformes… Si on ne possède pas ces clefs de départ, il est fort possible que l’on passe à côté de l’ouvrage d’aujourd’hui. 

Pour autant, il serait trop réducteur de ne considérer que ces expériences. Ovidie, c’est aussi une femme très cultivée (elle a un doctorat en lettres), journaliste, écrivaine et interlocutrice de choix dans divers médias comme des podcasts. 

« La chair est triste hélas » n’est donc pas un texte isolé, mais qu’il faut prendre comme une pièce de toute son œuvre bien loin d’être achevée. Une étape. 

Qu’une personne ayant vécu semble-t-il la sexualité comme un élément essentiel, devienne ainsi une femme retirée du « Game » (les relations avec des hommes seulement car elle ne se déclare pas asexuelle) peut surprendre et pourtant, c’est certainement plus logique qu’on ne le croit car justement, Ovidie sort de sa zone de contrôle et livre un texte rempli de sentiments forts, avec peu, voir pas de filtres. 

Son écriture est vivante. Ce texte n’est assurément pas un essai bien policé. Et cette spontanéité m’a touché. J’ai pu sentir ses émotions voir en partager certaines. Solidarité féminine ? Possible car on a toutes eu des passages qui se ressemblent. Après, je ne suis pas d’accord sur tout, loin de là même. Elle pousse trop en avant pour moi. Je diverge. 

Les hommes peuvent aussi lire ce titre. Ils en prennent pour leur grade, mais ils peuvent en ressortir grandis. On apprend de ses erreurs. Nous ne sommes pas parfaites, nous les femmes, mais nous sortons de notre mutisme. Je ne suis pas une féministe, juste une femme. Ovidie est avant tout une femme aussi. Ce livre est un état des lieux et rien n’est absolument gravé dans le marbre. Les choses peuvent évoluer. On ne revient pas sur le passé plus que nécessaire, autant voir aujourd’hui et demain. Alors même si encore une fois, je trouve qu’elle va trop loin pour moi, que je ne partage pas toutes ses idées, ses réflexions, sa logique, sa colère, c’était intéressant de la lire car elle ne semble pas être isolée.