Un Raisin au Soleil de Lorraine Hansberry

Par Etcetera
Couverture chez L’Arche

En me promenant dans ma librairie habituelle, avec l’envie de lire du théâtre, je suis tombée sur cette pièce inconnue de moi, d’une écrivaine afro-américaine engagée, Lorraine Hansberry, morte à seulement trente-quatre ans, dans les années 60.
J’ai lu ce livre dans le cadre d’un Mois thématique sur l’Amérique.

Note pratique sur le livre

Genre : Théâtre
Editeur : L’Arche
Date de première création de la pièce en anglais : 1959
Date de première création en français : 1960
Traduction par Samuel Légitimus et Sarah Vermande
Nombre de Pages : 141

Quatrième de Couverture

Grand classique du répertoire noir américain, Un raisin au soleil est une œuvre iconique, multiprimée au théâtre et au cinéma. Ce drame raconte la vie d’une famille du quartier noir de Chicago dans les années 1950, qui rêve d’ailleurs dans son logement usé par le temps. Un chèque d’assurance-vie de 10 000 dollars vient bouleverser leurs projets. Mama décide d’acheter une maison pour sortir la famille de sa condition. C’était sans compter sur le désespoir de Walter Lee, son fils, prêt à tout pour changer d’existence, et la pression exercée par l’association de voisinage du quartier blanc de la ville. Comment tenir tête à un monde hostile en préservant ses rêves ? Un texte essentiel pour comprendre la violence des discriminations raciales et les formes de résistance possibles.

Note biographique sur la dramaturge

Née en 1930 à Chicago et décédée en 1965 à New-York, autrice de théâtre et essayiste, anti-impérialiste et militante pour les droits civiques, Lorraine Hansberry est la première femme noire dont la pièce est montée à Broadway. Elle écrit à 29 ans Un Raisin au soleil, en écho à son histoire familiale, pour dénoncer la pratique discriminatoire du « redlining » : en 1940, son père avait gagné devant la Cour suprême le droit d’acheter une maison dans un quartier blanc de Chicago. Dès sa publication en 1959, la pièce rencontre un immense succès. A son décès, à 34 ans, Lorraine Hansberry laisse plusieurs textes inachevés, dont « Les Blancs« , une réaction aux « Nègres » de Jean Genet.

Mon humble Avis

Cette pièce a été écrite en 1959, à une époque où la ségrégation des Noirs par les Blancs et les combats pour les droits civiques revendiqués par les afro-américains étaient particulièrement forts et virulents, avec les figures de proue de Martin Luther King ou Malcolm X. Mais, malgré cette situation historique bien particulière, on peut remarquer que les thèmes abordés par ce livre sont toujours actuels et sans doute encore pour longtemps : la lutte pour la liberté et l’égalité, le désir de mener une existence épanouissante et conforme à ses aspirations, envers et contre tout.
Chaque personnage de cette famille noire de Chicago essaye de lutter à sa manière, avec ses forces et ses qualités personnelles, contre les discriminations et contre la condition misérable et servile qui était alors réservée à cette communauté. Tandis que le fils aîné, Walter Lee, se désespère de n’occuper qu’un emploi de chauffeur et rêve de faire fortune par des investissements un peu hasardeux et risqués, sa jeune soeur de vingt ans, Beneatha, est une étudiante en médecine qui rêve de renouer avec ses origines africaines et de devenir docteur au Nigéria.
On se rend compte en lisant ce livre que les problèmes financiers et la pauvreté contribuent évidemment à maintenir cette famille noire en situation d’oppression et de soumission, en lui bloquant l’accès vers une vie meilleure, en la privant de nombreuses issues. Mais le personnage de Mama, qui est le chef de famille et qui montre toujours de la sagesse et de la grandeur d’âme, se plaint que ses enfants sont trop obnubilés par l’argent et ne pensent pas assez à Dieu, aux vertus familiales, à la charité. Et chaque génération semble avoir des valeurs et des soucis tout à fait différents de ses aînés ou de ses puinés, même s’ils se rejoignent tous et toutes sur le désir de garder la tête haute et de ne pas courber l’échine devant quiconque, quels que soient les dangers ou les menaces.
Une très belle pièce, pleine de vie, de rebondissements et d’émotion, qui fait aussi réfléchir aux différentes formes d’oppression et aux possibles manières de les combattre.

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Un Extrait Page 92

Mrs Johnson. Oh, mon ange, je peux pas m’attarder – je suis juste passée voir si vous n’aviez pas besoin d’un coup de main. (Elle accepte pourtant la nourriture) J’imagine que vous êtes au courant, le journal de la communauté parle que de ça cette semaine.
Mama. Non, on l’a pas encore reçu.
Mrs Johnson, qui lève la tête de son assiette, les yeux écarquillés, l’air catastrophé. Attendez, vous avez pas entendu parler de l’attentat à la bombe, la famille noire qu’ils ont fait partir de force, obligés de quitter leur nouveau quartier ?
Ruth se redresse, inquiète ; elle prend le journal et se met à le lire. Mrs Johnson l’abreuve de commentaires.
Mrs Johnson. Si c’est pas une honte la manière dont ces Blancs se comportent, ici, à Chicago. Mais c’est qu’on se croirait en plein Mississipi (avec un sens consommé du mélodrame). Pour sûr, je trouve ça merveilleux comme y a toujours des frères pour vouloir jouer les pionniers. J’en connais des Noirs par ici qui disent qui z’iraient jamais là où qu’on veut pas d’eux – mais pas moi, oh non ! (C’est un mensonge.) Wilhemenia Othella Johnson, elle va où ça lui chante, quand ça lui chante ! (Elle souligne ses propos d’un mouvement de tête.) Oh oui ! Si on laissait faire ces petits Blancs, y aurait plus rien pour les pauvres Nègres… (Elle s’interrompt, la main sur la bouche.) Oh, j’oublie toujours que vous défendez qu’on emploie ce mot chez vous.
Mama, qui la regarde calmement. C’est vrai, je le défends.