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Ovidie – La chair est triste hélas

Par Yvantilleuil

Ovidie – La chair est triste hélasPour lancer sa collection « Fauteuse de trouble », Vanessa Springora (dont je recommande vivement « Le Consentement ») donne la parole à Eloïse Delsart, alias Ovidie. « La chair est triste hélas » inaugure donc cette nouvelle collection des éditions Julliard qui réunira des textes écrits par des femmes, consacrés à la sexualité et à l’émancipation.

Force est de constater qu’Ovidie fait non seulement honneur au nom de cette collection en livrant un texte rageur et percutant, mais qu’elle respecte également à merveille le cahier des charges en partageant les raisons qui l’ont poussée à se lancer dans un grève du sexe avec les hommes. En se soustrayant au modèle hétérosexuel depuis quatre années, l’autrice explique vouloir remettre en question l’entièreté de ce système mis en place et entretenu par les hommes. En disant non à l’acte sexuel pénétratif, elle cherche surtout à reprendre possession de son propre corps, trop souvent considéré comme marchandise transactionnelle dans une société patriarcale où les femmes n’ont que rarement l’impression de « baiser gratuitement avec les hommes ».

S’il faut saluer l’honnêteté de ce texte particulièrement courageux qui a le mérite d’appuyer là où cela fait mal et qui contribuera, je l’espère, à changer les mentalités, je regrette cependant son côté trop manichéen, voire même parfois caricatural. En servant d’exutoire à la colère, au ras le bol et à l’amertume de l’autrice, ce discours finit par tomber dans un radicalité trop extrême. Mettre trop de gens dans le même sac n’est jamais bon et me retrouver logé à la même enseigne que les pires obsédés sexuels et que des gros pervers sautant sur des gamines ayant l’âge de leurs filles n’est pas forcément agréable. Alors certes, la gente masculine est à pointer du doigt et tous les hommes ont inévitablement commis des fautes qui contribuent à entretenir le modèle hétérosexuel actuel, mais sombrer dans les extrêmes n’est jamais bon et a souvent tendance à agrandir les fossés au lieu de les combler.

Ce déversement excessif de haine à l’égard de la gente masculine nuit donc à la pertinence d’un message de fond qui invite à une prise de conscience et à un changement des mentalités qui, lui, se doit radical. C’est dommage, surtout lorsque l’on constate le changement de ton en fin de roman, au moment où l’autrice évoque le suicide de son grand frère suite à un chagrin d’amour, alors qu’elle n’avait que seize ans. Ce passage plus introspectif, construit sur un amour fraternel fort et jamais remplacé, démontre la capacité de l’autrice à émouvoir sans rechercher à bousculer à coups d’extrêmes.

Je souhaite donc longue vie à cette collection, nécessaire dans un monde où il faut changer les mentalités, mais sans être fan de la forme de ce texte, au fond certes pertinent, mais libérant trop de haine dans un monde qui en déborde déjà.

La chair est triste hélas, Ovidie, Julliard, 176 p., 18 €

Elles/ils en parlent également : Bénédicte, Ô Grimoire

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