René Monory, Président de la start-up Sénat !

Publié le 05 juin 2023 par Sylvainrakotoarison

Disparu il y a quatorze ans (le 11 avril 2009), René Monory était à la fois un dinosaure de la vie politique, avec les anciennes habitudes du "meilleur économiste de France" " Visionnaire, [il] a incarné cette dualité si rare chez un homme politique, à la fois défenseur de l'ancrage local et de la diversité de nos territoires, mais aussi précurseur de la révolution des nouvelles technologies et de la société de demain. (...) René Monory a réalisé ce à quoi tout homme de bien aspire : pouvoir forcer son destin et celui des autres avec lui. C'est cette philosophie de la volonté qui doit guider celles et ceux qui s'engagent aujourd'hui à suivre ses traces. " (Claude Bertaud, président du conseil général de la Vienne de 2008 à 2015).

L'ancien Président du Sénat René Monory est né il y a 100 ans, le 6 juin 1923. Ce centenaire, peu médiatisé, est célébré dans la ville dont il a été le maire pendant quarante ans, Loudun, sa ville natale, dans le nord du département de la Vienne, avec une exposition et des projections vidéos au 6 place Urbain-Gandier le samedi 10 juin 2023 de 10 heures à 20 heures.
cumul des mandats, en durée et en nombre, et aussi, et c'est cela qui faisait sa force, un extraordinaire visionnaire de la France technologique. Sa rencontre avec Bill Gates le 5 février 1997 n'est qu'un symbole de son extrême intérêt pour la haute technologie et surtout, pour les choses concrète, l'efficacité des projets. Il y a en effet un immense fossé entre l'image vieillissante et un peu sévère d'un sénateur aux allures de Michel Galabru avec des difficultés d'élocution et celle d'un entrepreneur, au contact facile, qui a anticipé les modes de vie à venir et qui a anticipé tout au long de son existence. J'ai déjà évoqué sa trajectoire,
À partir de 1981 et de la victoire des socialistes, René Monory est devenu une valeur refuge de l'opposition, un poids lourd de la politique française. Centriste, il était en bons termes avec les grands leaders du centre droit. Ses relations avec Valéry Giscard d'Estaing et Raymond Barre étaient bonnes, bien sûr, mais aussi avec Jacques Chirac, ce qui était assez rare comme cumul à l'époque : en effet, entre 1977 et 1981, René Monory, contrevenant aux consignes de l'Élysée, a toujours veillé à ce que le département de la Corrèze ne perdît pas ses subventions, et Jacques Chirac lui en a toujours été reconnaissant (au point de lui remettre les insignes de chevalier de la Légion d'honneur le 14 mars 2005 à l'Élysée). Dans la Vienne des années 1980, René Monory a été le mentor de deux futurs ministres : Jean-Pierre Raffarin et Thierry Breton qu'il a recroisés à cette cérémonie.

L'importance politique de René Monory était telle qu'il a été premier ministrable à deux reprises : en 1986 pour la cohabitation (il fut finalement Ministre de l'Éducation nationale, ce qui était assez cocasse pour un autodidacte, mais la contestation contre le projet de loi Devaquet a réduit toutes ses ambitions ministérielles sur ce terrain-là), et encore en 1993, pour l'autre cohabitation. Jacques Chirac avait évidemment sa préférence pour Édouard Balladur (qu'il allait vite regretter) mais l'hypothèse Monory n'était pas pour lui déplaire non plus (dans le cas où l'UDF aurait eu plus de députés que le RPR).
La consécration, ce fut bien sûr son élection à la Présidence du Sénat le 2 octobre 1992. Un bâton de maréchal, lui, le petit notable de Loudun. Il succédait alors à un autre centriste, Alain Poher, après vingt-quatre longues années et par contraste, René Monory faisait figure de jeune dynamique (de quatorze ans son cadet), présent dans les émissions politiques comme "L'heure de vérité" (sur Antenne 2), présent dans les débats publics, alors qu'Alain Poher n'intervenait presque jamais (sauf lors du référendum du 27 avril 1969 et de l'élection présidentielle qui l'a suivi).
René Monory.

Deuxième personnage de l'État, la position de René Monory était d'autant plus cruciale que le Président de la République François Mitterrand était malade et même, pour certains, était agonisant (en automne 1994). René Monory s'était alors préparé à assurer l'intérim le cas échéant. Et Jacques Chirac, dont la candidature était largement dépassée dans les sondages par celle du Premier Ministre Édouard Balladur grâce au soutien de l'électorat UDF, défendait l'idée d'une candidature UDF à l'élection présidentielle de 1995, préférant quelqu'un de la jeune génération (comme François Léotard voire Alain Madelin ou même Charles Millon), et à défaut, celle de René Monory, dans le but d'éloigner cet électorat du candidat Balladur (Valéry Giscard d'Estaing était aussi dans cette optique afin de préserver son ascendant sur l'UDF).

Ayant soutenu la candidature de Jacques Chirac en 1995 (comme Valéry Giscard d'Estaing et Raymond Barre !), René Monory était très critique sur la gouvernance du nouveau Premier Ministre Alain Juppé et en 1996 et 1997, il prônait le retour d'Édouard Balladur à Matignon. Il a ressenti la dissolution du 21 avril 1997 comme une belle occasion pour relancer la dynamique de la construction européenne, dont il était un fervent partisan, car il fallait concrétiser la monnaie unique selon le Traité de Maastricht (il a été élu Président du Sénat dix jours après le référendum et la position sur ce sujet était décisif chez les sénateurs), reprenant l'idée des concepteurs de cette dissolution : faire élire un gouvernement français fort et stable pendant les cinq prochaines années et ainsi capable de négocier avec force aux sommets européens.
Après l'échec de la majorité présidentielle en juin 1997 et l'avènement de l'un des gouvernements les plus longs de la Cinquième République, celui de Lionel Jospin, René Monory aussi a perdu de l'influence. Sollicitant un troisième mandat de trois ans à la Présidence du Sénat le 30 septembre 1998, il y a renoncé après avoir été devancé au premier tour par Christian Poncelet, dix-neuf sénateurs libéraux lui ayant préféré le candidat gaulliste. Sylvie Goulard.
Malgré cet échec, à ma connaissance, son unique échec personnel en quarante-neuf ans de carrière élective, René Monory est resté une véritable référence dans la vie politique, celui d'un sans-diplôme qui n'a dû son instruction, son activité professionnelle et sa carrière politique qu'à son propre mérite, et s'il a été longtemps membre du CDS ( Centre des démocrates sociaux), il a toujours été jaloux de son indépendance en paroles et en actes (au risque d'agacer ses amis politiques), ce qui rendait ses soutiens d'autant plus forts. Avec lui, aucune langue de bois, pas d'éléments de langage, mais un parler crû, un parler clair, concret, efficace, rocailleux. C'est aussi par son exemple que la plupart des présidents de département et de région sont désormais choisis selon leur compétence de ...chef d'entreprise ou de manager.
René Monory est mort quelques mois après l'introduction dans les milieux politiques de l'actuel Président de la République Emmanuel Macron. Nul doute que les deux hommes se seraient bien appréciés, même si pour certains détracteurs, l'un agissait tandis que l'autre ne ferait que ...parler ?
Aussi sur le blog. grandeur et décadence, et enfin, la réaction d'une classe politique unanime. Je la rappelle succinctement ici.
L'une de ses premières caractéristiques, sur le CV, c'est de ne pas avoir eu de diplôme, si ce n'est un brevet professionnel. Apprenti à 15 ans, il a eu la chance d'hériter du garage de son père dont il est devenu propriétaire dix ans plus tard. Il l'a transformé en entreprise prospère en vendant notamment des véhicules aux agriculteurs de sa région et aussi aux particuliers, des voitures d'une grande marque qu'il avait développée. Il avait l'habitude de dire qu'il n'avait pas d'éducation ni de complexes ! Peut-être était-ce cela, l'origine de son surnom "le shérif" ? Il se vantait aussi de ne jamais dîner en ville à Paris.

Son itinéraire politique a été construit, là aussi, sur le terrain très concret : la mairie de Loudun, puis, comme suppléant de son mentor, Pierre Abelin, une grande figure du centrisme du Poitou, président du conseil général de la Vienne et ancien ministre sous la Quatrième et la Cinquième Républiques. Aux sénatoriales de 1968, il s'est présenté en dissidence contre les sortants et s'est fait élire et réélire sans discontinuer jusqu'en 2004, année qui a sonné son retrait total de la vie politique.
Membre de la commission des finances du Sénat, il s'est fait remarquer par un certain ministre des finances (entre 1969 et 1974), Valéry Giscard d'Estaing qui a pensé à lui le 30 mars 1977 lorsqu'il a fallu trouver un Ministre de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat. Entre-temps, René Monory était devenu au Sénat un rapporteur général du budget exigeant, et sa première expérience ministérielle à l'Industrie a tellement été réussie qu'il a été nommé, après les élections législatives de 1978, du 5 avril 1978 au 13 mai 1981, le Ministre de l'Économie du Premier Ministre
Raymond Barre !
Au même moment qu'à son entrée au gouvernement, en mars 1977, René Monory a pris la succession de Pierre Abelin, qui allait mourir soudainement quelques semaines plus tard, à la présidence du conseil général de la Vienne. C'est probablement avec ce mandat qu'il a donné le meilleur de lui-même (pendant vingt-sept ans), en créant ex nihilo le Futuroscope de Poitiers inauguré le 31 mai 1987 par Jacques Chirac, alors Premier Ministre ; l'idée était de redynamiser sa région par un grand pôle économique et scientifique... et de loisirs. En 1980, tant comme ministre que président du conseil général, il a aussi lancé l'implantation de la centrale nucléaire de Civaux, au sud de Poitiers, mise en service en 1997 (ceux qui s'y rendent pourront d'ailleurs y trouver depuis le 2 août 2008 un parc animalier avec une centaine de crocodiles, de caïmans et d'alligators, profitant du chauffage par l'eau de refroidissement de la centrale !).
Sylvain Rakotoarison (03 juin 2023)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Le Futuroscope de Poitiers.
Thierry Breton.
Jean-Pierre Raffarin.
Le bon sens au sommet.
René Pleven.
François Bayrou.
Simone Veil.
Jean-Louis Bourlanges.
Jean Faure.
Joseph Fontanet.
Marc Sangnier.
Bernard Stasi.
Jean-Louis Borloo.
André Rossinot.
Laurent Hénart.
Hervé Morin.
Olivier Stirn.
Marielle de Sarnez.

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https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/rene-monory-president-de-la-start-248353
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/06/04/39930697.html