Attaquer la terre et le soleil, roman de Mathieu Belezi

Par Mpbernet

Je n'ai pas un mot à retirer de la chronique que j'avais écrite en septembre dernier après la lecture de ce court roman qui "prend aux tripes" et laisse une umpression forte.

Je suis heureuse pour le lauréat, je souhaite que de nombreux auditeurs de France Inter le lisent et en discutent, car c'est une terrible aventure dont on parle bien trop peu souvent ...

C'est plutôt une mélopée qu’un roman, un poème épique en forme de stances : pas de majuscules au commencement des phrases, pas de points à la fin des paragraphes.

Mais le témoignage poignant de deux acteurs de cette aventure absurde : la colonisation d’un pays aride par des paysans dénués de tout, la pacification d’une contrée sauvage et les combats sanglants contre des autochtones auxquels on prétend sincèrement apporter les bienfaits de la civilisation, quitte à devoir les étriper.

Un récit à deux voix : la mère de famille qui a entraîné son mari et ses enfants ainsi que sa sœur dans cette aventure périlleuse, croyant aux belles promesses – le don de terres à cultiver – d’un gouvernement espérant faire diversion à ses problèmes internes, et le soldat qui obéit aux ordres et étripe du bédoin à la fois méprisé et redouté.

Cette famille de colons faisait-elle partie du même premier convoi que l'héroïne du roman de Michèle Perret ? Leur destin se recoupent ...

C’est la face de la colonisation qu’on n’a jamais décrite dans les manuels d’histoire. La cruauté, le bain de sang, les maladies dévastatrices – le coléra, le paludisme - les exactions d’une armée ivre de violence  - ils ne sont pas des anges ! - et traquée par des ennemis invisibles fondu dans le paysage inhospitalier, ces occupants qui sont nés et vivent selon leurs traditions immémoriales et surtout leur foi inébranlable.

Une traversée de l’enfer de la colonisation algérienne qui nous rappelle qu’aucun peuple ne réussit à en subjuguer un autre sur le temps long, que la résistance à l’agression étrangère finit toujours par l’emporter, que les dommages mémoriels subsistent dans les esprits au-delà des siècles. Nous le ressentons encore aujourd’hui vis-à-vis des Algériens et eux des Français, et d’autres dirigeants devraient s’en inspirer qui continuent à user de la force brutale pour asservir leur voisin.

Un beau et âpre texte, une dénonciation sans nuance de toute forme de colonisation.

Attaquer la terre et le soleil, roman de Mathieu Belezi, aux éditions Le tripode, 153 p., 17€