Lydiametrics - ou comment les modèles marketing se conçoivent

Publié le 18 août 2008 par Christophe Benavent


Certains cas sont remarquables, celui de Lydia Pinkham l’est à plusieurs titres. C’est d’abord la preuve vivante et continue de l’efficacité d’une stratégie marketing qui s’appuie sur des dépenses publicitaires considérables. Il l’est aussi comme laboratoire dans lequel les méthodes économétriques se sont appliquées à fourbir leurs appareillages nouveaux et à offrir aux spécialistes des études de nouveaux moyens pour mesurer l’efficacité de la publicité, au point que Pollay (1) utilise le terme de Lydiametrics.

L’histoire de Lydia Pinkham commence en 1873 avec l’introduction d’un remède àbase de plante destiné à calmer les douleurs menstruelles et les gênes de la ménopause, mais aussi à cette époque l’atonie sexuelle. L’histoire de l’entreprise a reçu une publicité forte à plusieurs occasions produites par des controverses juridiques, lesquelles ont été à la sources de la publication de ces données dont on dispose un historique annuel de 1907 à 1960, et mensuel de Janvier 1954 à Juin 1960. Palda (2) en donne l’histoire, les données, et le premier exemple d’application à la modélisation en testant l’effet de rémanence de la publicité avec un modèle de Koyck en 1964. La marque est toujours en activité , elle a traversé le siècle y compris la période de prohibition alors que sa formule contenait 30 % d'alcool! La compagnie disparaît en 1973 mais le produit est toujours commercialisé à ce jour. La marque est devenue un symbole de la culture de consommation américaine, les collectionneurs s'arrachent les bouteilles anciennes et les éléments publicitaires, la marque est entrée dans les musées.

Cette base de données a été choisie par de nombreux chercheurs pour plusieurs raisons. D'abord il s'agit d'un produit à fréquence d'achat élevé qui est une catégorie importante pour la recherche publicité. Ensuite la publicité avait été l'unique instrument marketing employé par cette marque, au cours dans son histoire la copy-strategy n'a été modifié que trois fois, les changements de prix sont faibles et rares, les mêmes circuits de distribution sont employés et la formule est restée inchangée. Enfin, aucun concurrent direct n’est observé, la relation entre les ventes et la publicité pouvant être considérée de manière isolée d’autres facteurs. Méthodologiquement il s’agit donc d’une expérience naturelle.

En 1969, Bass et Parsons (3) utilise un système d’équation simultanée pour analyser le cas, Schmalensee (1972) le discute dans son fameux ouvrage (4). Clarke et Mac Cann réexamine l’effet cumulatif (5) à la suite de Houston et McCann (6). Quand les méthodes de type Box-Jenkins apparaissent Helmer et Johansson (7), par exemple y présentent la notion de fonction de transfert. Cains, Sethi, et Brotherton (8) introduisent à la même période les tests de causalités et en marketing que Hanssens (9) reprend de manière systématique. Winer (10) teste un modèle dans lequel le paramètre de l’effet de la pub peut varier. En 2001, Grewal et Al (11) utilisent de manière systématique les méthodes issues de l’analyse de la cointégration, ce qui a été initié par Baghestani en 1991 (12) . Jusqu'à présent les modèles testés indiquaient que les ventes déterminaient le budget publicitaire, avec Kim en 2005 par une méthode de bootstrap le sens attendu de la causalité est enfin retrouvé !

En conclusion, depuis plus de 40 ans ce cas alimente la discussion sur l’efficacité de la publicité etsert de banc d’essai à la modélisation. Il pourrait servir de fil conducteur pour une histoire de l’économétrie et peut aussi conduire s’interroger sur la qualité d’un savoir développé autour d’un cas unique. Mais ce n’est pas une histoire unique, dans le domaine de l’analyse des similarités, les données de Fisher produite en 1936 sur les iris ont joué le même rôle.

Enfin, puisque nous n’avons cité que quelques unes des références, et nous invitons les lecteurs à un jeu d’été : mettre en commentaire les références oubliées dont nous savons qu’elles sont bien plus nombreuses que la liste suivante :

(1)Pollay , R.W. (1979) “Lydiametrics : Application of econometrics to the history of advertising”, Journal of Advertising History”

(2)Palda, K. S. (1964) The Measurement of Cumulative Advertising Effects., Prentice-Hall Englewood Cliffs

(3)Bass, F . M. and Parsons L, J. (1969) “Simultaneous-Equation régression Analysis of Sales and Advertising”, Applied Economics, 1, 103-124.

(4)Schmalensee (1972) “ Advertising Economics”

(5)Clarke, D . G. and McCann J.M. (1977) “Cumulative Advertising Effects: The Role ofSerial Correlation; A Reply”, Decisions Sciences, 8, , 33-43.

(6)Houston, F. S. and Weiss D, . L (1975) “Cumulative Advertising Effects: The Role of Serial Correlation, Decision Sciences, 6 , 471-81.”

(7)Helmer, R . M. and Johansson J,. K. (1977) “An Exposition of the Box-Jenkins Transfer Function Analysis With An Application to the Advertising-Sales Relationship” Journal of Marketing Research, 1, 4,227-39.

(8)Cains, P. E., Sethi, S.P. and Brotherton, T. W. (1977) “Impulse Response Identification and Causality Detection for the Lydia Pinkham Data”, Annals of Economic and Social Measurement 6, , 147-63.

(9)Hanssens, D M (1980) "Bivariate Time-Series Analysis of the Relationship Between Advertising and Sales," Applied Economics, September 1980.

(10)Winer, Russell S. (1979), “An Analysis of the Time Varying Effects of Advertising: the Case of Lydia Pinkham,” Journal of Business, 52 (October), 563-576.

(11)Rajdeep Grewala, Jeffrey A. Millsb, Raj Mehtab, Sudesh Mujumdar (2000) “Using cointegration analysis for modeling marketing interactions in dynamic environments: methodological issues and an empirical illustration” Journal of Business Research, 51, 127-144.

(12)Hamid Baghestani Cointegration (1991) “Analysis of the Advertising-Sales relationship” The Journal of Industrial Economics, Vol. 39, No. 6 (Dec., 1991), pp. 671-681

(13)Kim. J.H (2005) « Investigating the advertising-sales relationship in the lydia Pinkham data : a bootstrap approach ». Applied Economics