Un record vieux de plus de trente ans pourrait tomber à Roland-Garros à quelques heures à peine du début du tournoi Juniors. En 1990, la bulgare Magdalena Maleeva était la dernière joueuse à réaliser le doublé Open d'Australie/Roland-Garros chez les filles. Elle allait parachever son œuvre en gagnant l'US Open la même année. Depuis, personne n'a pu réitérer cette performance sur le circuit Juniors féminin, même si Anastasia Pavlyuchenkova fut la dernière à remporter deux tournois du Grand Chelem la même année (Open d'Australie et US Open), en 2006. Actuelle numéro quatre mondiale au classement Juniors, Alina Korneeva (photo ci-dessus) a la possibilité, à seulement quinze ans, de rentrer dans ce club très sélectif. La dernière lauréate de l'Open d'Australie va devoir pour cela gagner Roland-Garros, ce qui ne va pas être une mince affaire en raison d'un tableau très relevé, malgré l'absence de sa compatriote Mirra Andreeva, qu'elle avait battue difficilement en finale à Melbourne.
La russe ne pouvait rêver meilleur début de saison. Après son premier sacre en Grand Chelem en Australie, elle a filé sur le circuit ITF professionnel pour y remporter juste avant le printemps son deuxième titre au tournoi W60 de Pretoria où elle s'est offerte en finale l'ex-numéro une mondiale du double Timea Babos, alors qu'elle avait dû passer par les qualifications pour obtenir sa place dans le tableau principal. Un temps numéro une mondiale au classement Juniors, elle aborde Roland-Garros avec un statut de favorite qu'elle va devoir défendre âprement. En effet, la préparation de Korneeva sur terre battue s'est soldée par un bilan plus que modeste avec une défaite au premier tour à Istanbul (W60) et un quart de finales à Grado (W60). On notera que l'adolescente a préféré rester sur le circuit ITF Dames plutôt que d'aller se confronter aux joueuses de sa catégorie d'âge sur le circuit Juniors. Elle arrive donc Porte d'Auteuil avec peu de repères, sachant qu'il s'est passé beaucoup de choses entre-temps chez les jeunes dans les tournois de préparation. Favorite, oui mais, une favorite pas à l'abri d'une déconvenue d'autant plus qu'elle navigue dans une moitié de tableau semée d'embûches. Son premier tour contre l'allemande Ella Seidel, récente finaliste du tournoi de Zagreb (W60), peut cacher un piège. En cas de victoire, elle aurait ensuite à se projeter sur un huitième de finales contre la britannique Ranah Akua Stoiber (tête de série n°14), puis un quart de finales à haut risque face à la tchèque Tereza Valentova (n°11) ou la japonaise Mayu Crossley (n°8) qui fait un peu peur à tout le monde en ce moment.
La chance n'est d'ailleurs pas avec Korneeva qui évolue dans cette moitié basse du tableau dans laquelle la vraie favorite est sans doute Clervie Ngounoue, tête de série n°2. L'américaine de seize ans culmine actuellement à son meilleur rang, numéro trois mondiale, et a déjà montré d'excellentes dispositions sur terre battue en gagnant l'année dernière le prestigieux tournoi de Mérida. Mais, elle s'est faite plus discrète sur cette surface depuis, malgré une demi-finale atteinte au Trofeo Bonfiglio de Milan (J500) où elle se faisait sortir par la slovaque Renata Jamrichova. Si l'américaine rencontrait une défaillance, des joueuses comme l'argentine Luciana Moyano (n°16), la slovaque Nina Vargova (n°10) ou la japonaise Sayaka Ishii (n°5) pourraient en profiter. Néanmoins, la densité est telle dans cette section qu'il n'est pas impossible que des joueuses non têtes de série fassent des dégâts. Les noms qui viennent tout de suite à l'esprit sont ceux de la bulgare Iva Ivanova, quart de finaliste à Beaulieu-sur-Mer, Offenbach, Santa Croce Sull'Arno et Milan, l'autrichienne Tamara Kostic, quart de finaliste au Caire (J500) et la pépite venue de Grande-Bretagne Hannah Klugman, quatorze ans, qui a déjà gagné deux titres cette année et n'a pas peur de se frotter au niveau supérieur (elle a atteint en avril les quarts de finales d'un W25 à Nottingham). Nous n'allons surtout pas oublier de citer également la hongroise Luca Udvardy (premier tour de gala contre Tereza Valentova), la serbe Teodora Kostovic et la russe Alisa Oktiabreva qui est parvenue à se sortir du piège des qualifications.
Nous évoquions les japonaises avec Crossley et Ishii, le pays n'a jamais été autant en mesure de gagner Roland-Garros Juniors pour la première fois depuis le triomphe de Kazuko Sawamatsu en 1969. La victoire de Mayu Crossley au Banana Bowl et sa récente demi-finale à l'Astrid Bowl de Charleroi, ont rallumé la flamme, de même que la percée dans le top 10 de Sayaka Ishii, demi-finaliste à l'Open d'Australie et à Milan. Cependant, le Japon a d'autres atouts dans sa manche dans le haut du tableau avec Ena Koike (n°12) qui tomba en quarts à Milan contre Clervie Ngounoue, la petite perle de quinze ans Wakana Sonobe, qui vient tout juste d'obtenir le plus beau résultat de sa carrière en gagnant l'Astrid Bowl, et sa numéro une nationale (n°2 mondiale) Sara Saito, qui hérite du rang de tête de série n°1 à Roland-Garros. Saito serait à n'en pas douter une incontestable favorite si elle était plus régulière. Très décevante à l'Open d'Australie, inarrêtable lors de la tournée sud-américaine puis, de nouveau en-dedans à Milan, la nippone arrive avec des repères faussés et doit composer avec un tirage au sort défavorable. Elle peut très vite croiser la turque Melisa Ercan, qui l'avait battue au premier tour à Traralgon (J300) en début de saison, avant un possible quart de finales contre l'italienne Federica Urgesi (n°9), lauréate au Caire (où elle avait dominé Mirra Andreeva en finale), ou la péruvienne Lucciana Perez Alarcon, révélation latine du début de saison, dont l'entrée fracassante dans le top 10 impressionne.
Mais, il était dit que ce haut du tableau n'avait pas fini de nous en mettre plein la vue. On y trouve en effet la redoutable russe Vlada Mincheva (n°15), que notre française Yaroslava Bartashevich va devoir affronter au premier tour, la nouvelle prodige américaine Kaitlin Quevedo (n°4), sixième mondiale, quatre finales à son actif cette année dont une gagnée au Trofeo Bonfiglio, rien que ça, et Renata Jamrichova (n°7), sans doute un des plus grands espoirs de titre à Roland pour le clan européen. Mais, là aussi, plusieurs joueuses sans dossard dans le dos peuvent tirer leur épingle du jeu, à l'image de ce qui se passe chez les joueuses de la WTA avec l'hécatombe de têtes de série dans le tableau principal dames. Jamrichova, par exemple, tombe d'entrée sur un obstacle redoutable du nom de Tyra Caterina Grant, victorieuse à Santa Croce Sull'Arno. D'autres filles comme la bulgare Rositsa Dencheva, l'argentine Sol Ailin Larraya Guidi et l'espagnole Charo Esquiva Banuls, quinze ans et surprenante gagnante du tournoi d'Offenbach (J500), ont la capacité de provoquer un séisme dont certaines favorites pourraient ne pas se remettre. Enfin, il est important de signaler la présence de la tchèque de quatorze ans Alena Kovackova, issue des qualifications et qui, si tout se passe bien, devrait régner dans le futur sur la WTA.
La succession de Lucie Havlickova, qui brille en ce moment sur le circuit ITF Dames, est officiellement ouverte et, au vu de la densité extraordinaire du tableau cette année, sans compter les surprises qui ont déjà eu lieu depuis le début de la saison, on peut s'attendre à tout pour cette édition 2023 de Roland-Garros Juniors.