Critique de Tout va bien, de Victor Duez et Nicolas Depye, vu le 16 mai 2023 au Théâtre Essaïon
Avec Victor Duez, dans une mise en scène de Victor Duez et Nicolas Depye
Il y a des spectacles qui tombent dans le bon mood. Des messages qui arrivent au bon moment. Des dossiers sur lesquels on s’arrête un peu plus longtemps. Des plannings qui tombent juste. Des questions qu’on ne se pose pas. C’est peut-être parce qu’il s’appelle Tout va bien, mais ce spectacle s’est invité avec une telle simplicité dans ma vie qu’il est un peu tombé comme une évidence.
On est pris dès la première scène. Pas besoin de multiplier les moyens pour instaurer une ambiance. Dans la pénombre du théâtre de l’Essaïon, le voyage commence. On se retrouve quelque part dans des abysses futuristes, peu inspirantes mais réellement intrigantes. Dans cette société, il est nécessaire d’avoir un problème pour exister. On trouve sa place par le malheur. Sauf que voilà : notre personnage, lui, a toujours pris la vie du bon côté. Il va devoir creuser dans ses souvenirs pour essayer de noircir un peu le dessin…
Je suis amusée, mais je reste d’abord sur ma faim. Je sors ma moue de critique. Ce début est peut-être un peu démonstratif. J’ai fait l’erreur de lire le résumé – ça ne m’arrive pourtant jamais – et je sais donc à peu près où le spectacle veut nous emmener, et je trouve que le chemin qu’il prend n’est peut-être pas le plus intéressant. C’est comme un exercice de style. Les personnages sont maîtrisés, très bien trouvés, parfaitement dessinés, tous évoquent quelque chose en mois et les transformations sont hyper efficaces. Mais ce n’est pas ce que je suis venue voir. Et ça me semble un peu détaché du reste. C’est comme si Victor Duez nous montrait tout ce qu’il savait faire. Mais je n’ai déjà plus de doute : il sait faire. Et la suite suffit amplement à le prouver.
Quand la promesse arrive, quand le propos s’installe vraiment, quelque chose se passe. L’atmosphère devient plus dense. Comme si jusqu’ici, on avait tourné autour de notre sujet sans oser l’affronter de face, comme si tous ces tracas qui nous avaient été présentés étaient finalement plein de légèreté. Est-ce voulu ou nous, c’est assez original que l’ambiance s’alourdisse lorsque c’est l’optimisme qui prend possession du plateau. Le twist est parfait. On ressent cette urgence. L’urgence d’exister. De dévorer la vie. De s’accorder au reste du monde. De rentrer dans les cases. Et d’être soi, malgré tout.
Victor Duez a tout pour lui. Son personnage est si chouette. Insouciant. Libre. Généreux. Et son spectacle lui ressemble en tout point. Il multiplie les styles, mais rien n’est gratuit : tout participe à cette introspection auquel le spectateur s’invite. Il passe du poétique au pragmatique avec une aisance absolue. Il se balade. Et nous avec. La bande-son est un petit bonheur pour les oreilles. L’examen de ses souvenirs s’enchaîne, mais aucune scène ne se ressemble. La fantaisie est au rendez-vous. Et les émotions aussi. On rigole beaucoup, mais on entend aussi ce qui gratte, là, en creux. Et on va même jusqu’à l’entendre à travers un rap juste remarquable. On vous l’a dit : Victor Duez a tout pour lui. Même le flow.
Comme l’impression d’avoir fait partie d’un autre monde le temps d’une soirée. Et déjà hâte de voyager à nouveau.