En l’espace de dix années, le groupe de Chicago aura imposé un style aussi inimitable que grandiose. Après une séparation, la formation d’un nouveau groupe, Zwan, les albums solos de Billy Corgan ou James Iha, le groupe se reformait officiellement en 2007, presque au complet, pour ne plus vraiment s’arrêter depuis. Mais qu’en fu-il de l’âge d’or des Smashing Pumpkins, époque où absolument tout ce qu’ils écrivaient, composaient et publiaient se transformait immédiatement en une pépite d’or ?
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1991, Butch Vig aux manettes, avec Billy Corgan évidemment puisqu’il est véritablement le grand manitou du quatuor. Publié la même année que le totem Nevermind également produit par Butch Vig, dont l’ombre avait recouvert presque tout le reste à l’époque (même Dangerous de MJ en fit les frais), Gish n’en demeure pas moins une première bombe lancée par le chanteur-guitariste Corgan et les siens : Iha à la guitare, D’Arcy à la basse et Jimmy Chamberlin à la batterie. Et alors que beaucoup de critiques et fans se déchirent pour choisir le meilleur album du groupe, le plus souvent l’un des deux suivants, j’avoue que Gish l’emporte pour moi sur son successeur. Il vous suffira d’écouter « I am one » ou « Bury me » pour en être également convaincu.
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Si ce n’est pas mon préféré des Smashing Pumpkins (je crois que je préfère, pour différentes raisons, chacun des autres albums cités ci-dessus), il y a tout de même une chose dont vous devez être sûr : en écoutant Siamese Dream, vous vous prendrez des claques monumentales ! Néanmoins, je dois vous dire que, moi aussi, je me prends, encore aujourd’hui, des claques à l’écoute de certains morceaux ou passages. La première, pendant les premières secondes, dès l’intro de « Cherub rock ». Une intro monumentale (je me répète ?) qui n’a peut-être tout simplement pas d’égal dans toute l’histoire du rock ! J’exagère peut-être un peu… non, c’est sûr en fait ! Énorme. À peine plus loin, le morceau « Hummer » est d’une perfection autant sa composition que sa production, et montre toute l’étendue du génie de Corgan. Tout au long de l’album, on passe de moments forts (« Geek U.S.A. ») voire violents (« Silverfuck ») à des passages plus apaisés et même tendres (« Disarm » ou « Spaceboy »). De plus, le livret est très beau, à l’image de la photo de couverture, presque aussi culte que celle d’un bébé nageant après un billet d’un dollar.
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Tout comme cet article, l’album est scindé en deux parties. La première s’ouvre sur une pièce de piano de moins de trois minutes, « Mellon collie and the infinite sadness » introduisant ainsi l’album éponyme. La seconde partie se termine, elle, se clôt sur un « Farewell and goodnight » original, et dont le thème final est très proche du tout premier titre de l’album. Les deux titres sont séparés de deux heures de musique. Entre temps, différentes étapes, rocailleuses (telles les sublimes « Here is no why », « Fuck you (an ode to no one) », « Bodies » et « Thru the eyes of ruby ») ou plus apaisés (les magiques « To forgive », « Galapogos », « In the arms of sleep », « Lily » ou encore « By starlight »). Au beau milieu de ces vingt-huit titres, ayant presque tous un lien direct avec le morceau suivant (la production de l’équipe Flood, Alan Moulder et… Billy Corgan ayant fait un travail remarquable notamment sur ce point), il y a « Take me down », écrit et composé par Iha (!), sans oublier que le dernier est, lui, l’œuvre d’une collaboration entre lui et Corgan (j’imagine plutôt une collision, entre le début du morceau par Iha, et la fin, au piano, par Corgan). Love is suicide…
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L’arrivée d’Adore fit le même effet que celle d’un ovni. Le son lourd des Smashing Pumpkins a été délesté – hormis sur le somptueux « Ava adore » et son clip tourné en plan-séquence, cultissime ! On retrouve davantage le côté tendre, triste, langoureux, sombre du groupe qui, de plus, s’était littéralement débarrassé de Chamberlin à cause de son addiction à la drogue (je vous laisse chercher, si vous le souhaitez vraiment, ce qu’il s’est passé entre Mellon Collie And The Infinite Sadness et Adore, mais c’est aussi obscurément dark que la pochette de l’album ne l’illustre…). Dès lors, un invité de marque, certes seulement sur un titre : Matt Cameron de Soundgarden, sur « For Martha » long de huit minutes. Adore est surtout habité par le son industriel dont Corgan était fan, dans les années 80 notamment, avec une énorme emprunte de The Cure ou Depeche Mode, entre autres sur les génialissimes « Appels & oranges » ou « Pug ». Pour autant, on est loin de l’univers de Nine Inch Nails plus électronique, les sonorités demeurant très rock avec une tonalité évidemment souvent synthétique. Mais le piano magique revient, à l’instar des moments sublimes du précédent album, et chef-d’œuvre, notamment sur le finalissime « Blank page ».
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La résurrection aussi attendue qu’inespérée arrivera pourtant bien, rapidement, avec MACHINA/the machines of God. Retour de Chamberlin, retour du son caractéristique du groupe, en plus écorché encore, oui, c’est possible ! À l’exception peut-être de Gish, les quatre albums des Smashing Pumpkins sont tous des œuvres complexes et difficiles à pénétrer. Elles requièrent du temps, de l’abnégation, afin d’en découvrir les joyaux, pierres, précieuses, au beau milieu des simples pépites d’or. Que dire, par exemple, de la suite magistrale et magique « With every light » / « Blue skies bring tears » qui, plus de vingt après, me tourmente toujours autant, avec la même dose précise de sentiments totalement diffus autour de moi, comme un ciel subitement envahi par des nuages noirs puis tout aussi immédiatement succédé d’un arc-en-ciel mystique ?
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Cinq albums studios, une compilation Pisces Iscariot en 1994, un coffret colossale The Aeroplane Flies High en 1996, un deuxième album MACHINA II/the friends and enemies of modern music balancé par les soins de Corgan lui-même sur Internet en 2000, et je n’oublie pas, notamment, le splendide « The end is the beginning is the end » pour la bande originale de Batman & Robin en 1997, je ne vois quel autre groupe ou artiste pourrait ne serait-ce qu’essayer de vouloir tenter de détrôner les Smashing Pumkins – LE groupe de rock des années 90. Oui, devant qui vous savez.
(in Heepro Music, le 01/06/2023)
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